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2 novembre 2015 1 02 /11 /novembre /2015 21:03

hebergement d'imageTrois fois plutôt qu'une: Sharon est de retour et le fait savoir! Elle propose trois contributions au Défi Premier roman. Je vous invite à les découvrir en suivant les liens ci-dessous:

 

Olivier Truc, Le dernier Lapon

Tanya Huff, Vicky Nelson tome 1: le prix du sang

Siri Kolu, Les Filouttinen

 

Merci pour ces participations! Je signale par ailleurs que Sharon a repris la responsabilité d'animer le défi Polar et thriller. C'est ici que ça se passe; à vous de jouer!

 

 

 

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1 novembre 2015 7 01 /11 /novembre /2015 06:00

Idée de Celsmoon.

Avec: Abeille, Alex, Amos, Anjelica, Ankya, Azilis, Bénédicte, Bookworm, Cagire, Caro[line],Chrestomanci, Chrys, Edelwe, Emma, Esmeraldae, Ferocias, Fleur, George, Herisson08, Hilde,Katell, L'or des chambres, La plume et la page, Lystig, Maggie, Mango, Marie, MyrtilleD, Saphoo,Séverine, Tinusia, Violette, Yueyin

 

 

La ferme aux longs murs blancs, sous les grands arbres jaunes,
Regarde, avec les yeux de ses carreaux éteints,
Tomber très lentement, en ce jour de Toussaint,
Les feuillages fanés des frênes et des aunes.

Elle songe et resonge à ceux qui sont ailleurs,
Et qui, de père en fils, longuement s’éreintèrent,
Du pied bêchant le sol, des mains fouillant la terre,
A secouer la plaine à grands coups de labeur.

Puis elle songe encor qu’elle est finie et seule,
Et que ses murs épais et lourds, mais crevassés,
Laissent filtrer la pluie et les brouillards tassés,
Même jusqu’au foyer où s’abrite l’aïeule.

Elle regarde aux horizons bouder les bourgs ;
Des nuages compacts plombent le ciel de Flandre ;
Et tristement, et lourdement se font entendre,
Là-bas, des bonds de glas sautant de tour en tour.

Et quand la chute en or des feuillage effleure,
Larmes ! ses murs flétris et ses pignons usés,
La ferme croit sentir ses lointains trépassés
Qui doucement se rapprochent d’elle, à cette heure,
Et pleurent.

Emile Verhaeren (1855-1916), Toute la Flandre

Source: Poetica.

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31 octobre 2015 6 31 /10 /octobre /2015 06:00

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Il est de ces vins modestes qu'on choisit au hasard et qui, sans être flamboyants, vous racontent leur histoire en toute simplicité. Le "Castillo de Magallón", Campo de Borja Crianza 2010, est de ceux-là. Vin rouge espagnol d'appellation contrôlée produit par les Bodegas Aragonesas, li s'avère d'un agrément certain, délicat, soyeux et pour ainsi dire féminin. C'est peut-être la faute de ses 75% de garnacha et de ses 25% de tempranillo... à moins que son alcoolémie modérée (13%) ne s'y soit mise.

 

Léger, le nez évoque des champs de fleurs en altitude, voire du miel. Sa fraîcheur, surtout, est épatante. La délicatesse de cette première impression se confirme au palais. Il y a de l'harmonie dans ce vin, et aussi l'agrément d'un dessert délicat (c'est rare, j'en conviens). Les parfums s'avèrent bien fondus et s'invitent sans agressivité, évoquant des chocolats noirs mais doux, dépourvus de sucrosité excessive ou d'amertume malvenue.

 

Quant à la finale, elle est à l'avenant, fugitive, éthérée, laissant le souvenir d'un vin assez court en bouche. Fin et discret, le "Castillo de Magallòn" (photo) n'ose guère déraper. C'est un vin sage et timide comme une jeune fille, un vin aux accents fragiles aussi, qui appelle des plats de viande froids, charcuterie ou hors-d'oeuvre.

 

 

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29 octobre 2015 4 29 /10 /octobre /2015 21:51

Filippini Viola

Un court moment d'un érotisme charmeur, frais et écrit à l'ancienne. C'est ce que propose l'écrivain et philosophe français Serge Filippini avec "Viola d'amor", un petit roman agréable et rafraîchissant où la chair exulte comme autrefois, dans une temporalité suffisamment floue pour paraître ancienne et donner à ce petit livre les airs d'un conte délicatement libertin.

 

Rappelons rapidement l'essentiel de l'intrigue: un musicien est envoyé dans un village pour y agrémenter, par sa musique, les dernières heures de vie du seigneur local. Il constate assez vite qu'il met les pieds dans un étrange pays où l'amour peut être une délicieuse (euh...) prison.

 

 

La forme, en phase avec le fond

L'écriture est en accord avec la présentation d'une histoire vécue au temps jadis. La plume de l'auteur est classique; quelques traits archaïques y affleurent, laissant de manière fugitive au lecteur l'impression de lire un roman libertin du XVIIIe siècle. L'auteur fait par ailleurs quelques choix lexicaux explicites, suggestifs de la vie des sens et créateurs, le plus souvent, d'une fine poésie. 

 

On pourra certes relever que l'utilisation du cervelas comme métaphore phallique est un peu facile. Je retiendra plutôt l'idée que la vie des sens n'est pas que sexuelle, et que la bonne chère fait partie d'un épicurisme bien compris. A peine plus subtilement, le lecteur verra naître sans peine une multitude d'images sensuelles en entendant le nom de "Viole d'amour" ou en visualisant cet instrument de musique.

 

Arts et religion

La trame du récit est portée par un réseau de références religieuses où dominent les récits de la Création tirés de l'Ancien Testamen. Ces références concourent à donner au texte un caractère archaïque et une image doucement iconoclaste, dans une dynamique déjà vue ailleurs qui oppose le puritanisme chrétien et le caractère orgiaque de la vie païenne - matérialisée ici par la "Nócc", nuit annuelle de débauche aux ambiances friponnes - et plus si entente. 

 

L'auteur a le chic pour suggérer le caractère lascif d'une sarabande, et donner au lecteur l'envie de l'entendre - envie qui ne sera jamais assouvie, bien sûr, sauf à aller écouter les vrais compositeurs d'antan plutôt que les personnages de roman. De manière ferme mais sans appuyer, il montre aussi un tableau de nu. 

 

Esthétique de l'érotisme

Au-delà d'un style qui parle aux sens à la moindre occasion, l'auteur n'hésite pas à montrer ce qu'il faut voir, de façon explicite. Le lecteur sera donc parfois voyeur, sans vulgarité cependant. Il finira confronté à une vision fort traditionnelle de l'amour et du sexe, hétérosexuelle et empreinte d'une fidélité qui a tout d'une capitulation de la part de l'homme. La prison amoureuse s'avère douce... 

 

L'auteur suggère par ailleurs, mine de rien, que rien n'est gratuit, pas même le commerce entre adultes consentants. Quelques femmes accortes hantent le récit et permettent de l'épicer en instlillant un peu du poison de la jalousie.

 

L'auteur invite son lectorat à un roman léger, agréable et libertin, d'un érotisme agréable. Il l'amène aussi du côté du nord de l'Italie, région d'où il est natif. La couleur locale est bien rendue, autant que le permet ce court roman: les personnages ont l'accent, et il fait beau comme cela peut arriver au sud des Alpes. Un sud des Alpes que l'auteur connaît, puisque ses origines sont là.

 

Serge Filippini, Viola d'amor, Paris, Hors Collection, 2011.

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28 octobre 2015 3 28 /10 /octobre /2015 22:20

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Lu par Amandine Glévarec, Francis Richard, Stella Noverraz (diable, j'arrive le dernier...)

Le site de l'auteur, celui de l'éditeur.

 

Le soir d'une vie est le dernier moment pour révéler quelques secrets. Et inciter la jeune génération à se dévoiler aussi: à force de tracer notre route, avons-nous tout raconté à nos parents, nos grands-parents, à la génération montante? "Rosa", deuxième roman de Lolvé Tillmanns, a l'ambition de percer quelques mystères autour d'une famille juive dont le terrain de jeu se balade entre Genève, Londres et le New York de Little Italy. Avec un détour dramatique par Auschwitz.

 

Ambitieux projet, en effet, que celui de relater en un peu plus de 300 pages le passé de trois ou quatre générations, passées par ce que le vingtième siècle a pu offrir de pire et de meilleur: la fortune facile des trente glorieuses et l'horreur des camps de concentration. Cela, sans oublier que le genre du vaste roman familial a ses maîtres, qu'on ne défie pas innocemment - il n'est qu'à penser à la trilogie "Le Vent du soir" de Jean d'Ormesson, évoquée en trois phases par ici (1, 2, 3).

 

Lolvé Tillmanns a choisi une esthétique de la répétition pour relater son propos, consistant à donner successivement la parole à chacun de ses personnages pour relater des tranches de vie personnelles ou communes. Le lecteur se retrouve donc confronté à la narration d'épisodes identiques, perçus à travers le regard forcément différent de chacun des personnages. Il y a du génie dans cette approche, menée avec succès par une auteure qui se glisse sans difficulté dans la peau de ses personnages, si divers qu'ils soient: un Juif orthodoxe, un producteur musical, deux artistes torturés, une voyageuse insouciante, pour n'en citer que quelques-uns. L'auteur ne va toutefois pas jusqu'à la polyphonie, soit l'ambition de donner une voix à chaque personnage, d'un chapitre à l'autre.

 

Mais même sans cela, les personnages sont tous fort bien approfondis, et deviennent si personnels que le lecteur y croit, et croit en leurs interactions, nées de détails ou d'éléments clés, voire existentiels.

 

Il est question d'art, donc: l'auteure met en scène deux artistes-peintres, l'un fils de l'autre. Il convient de noter que tous deux ont construit leur oeuvre sur un mensonge. Est-ce à dire que la romancière considère la création comme une manière de mentir? Quitte à ce que ce mensonge soit la manière retenue pour atteindre une vérité supérieure... cela, avec l'ivresse de la musique, issue des bars méconnus de New York.

 

La question de la transmission traverse "Rosa", à tous les niveaux. Le passage du roman familial est certes l'élément clé de cette saga en miniature. Mais à des niveaux inférieurs de narration, le thème est aussi présent: ainsi Mario, l'Italien qui a grandi dans le taxi de son père, découvre-t-il le jazz auprès de ceux qui l'ont fait dans les caves. Ainsi tel sage supérieur de la judéité (un "Tsadik" parmi 36 - thème exploité dans "Le dernier homme bon" de A. J. Kazinski) transmet-il ce qu'il sait de sa religion à Isaac l'intransigeant. Mais de façon fondamentale, qui est le vecteur sincère, essentiel de la judéité dans "Rosa"?

 

"Rosa" touche à des questions existentielles, au sens le plus fort du terme, et illustre la notion de transmission, présentée comme connexe. Ce roman convoque les arts pour donner corps à ces aspects, ce qui le rend particulièrement riche. il faut certes prendre le temps de s'intéresser aux personnages mis en scène, comprendre éventuellement leur généalogie; mais celui qui s'y colle sera récompensé: en compagnie de la romancière, il vivra trois cents pages riches, passionnées et surtout humaines, profondément humaines, d'Auschwitz à Londres et de Genève à New York.

 

Lolvé Tillmanns, Rosa, Genève, Cousu Mouche, 2015.

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27 octobre 2015 2 27 /10 /octobre /2015 05:25

Lorrain Volcans

Lu par 3 bouquins, Des mots sur des pages, Eimelle, Joyeux drille, Karine B., Lili Galipette, ManU B., Pierre Darracq, Potzina, Sybelline.

 

Un parfum de soufre et de compétition entoure "L'année des volcans", roman de François-Guillaume Lorrain. Scandale ancien, certes: ce roman retrace le tournage concurrent de deux films, "Stromboli" et "Vulcano", en 1949. Et, plus encore, les amours interdites d'Ingrid Bergman et de Roberto Rossellini. La compétition des amours est l'une des lignes fortes de "L'année des volcans", en effet, à telle enseigne qu'on se dit que les coeurs sont au moins autant des volcans que les films qui sont tournés à leur pied, en concurrence et avec leurs vedettes respectives, dans l'Italie de l'immédiat après-guerre.

 

L'auteur trace de superbes portraits de ses personnages. Roberto Rossellini devient sous sa plume un improvisateur génial, créant des films d'exception sans avoir de véritable fil rouge au début, doublé d'un menteur extraordinaire - d'un homme, en somme, qui sait raconter des histoires, tant à l'écran que dans la vie de tous les jours. Mémorable est également le portrait tracé de l'actrice Anna Magnani, amante trahie de Roberto Rossellini, qu'on imagine en femme puissante et au caractère bien trempé, volcanique serait-on tenté de dire, irrémédiablement blessée par l'amour brisé.

 

Il y a le contexte, aussi. Minutieux, l'auteur recrée avec réalisme une certaine époque, et certains lieux où, avec les cinéastes, la modernité fait irruption, brutale, et fascine: avant eux, c'est-à-dire avant 1949, les îles Eoliennes n'avaient pas l'électricité. Et si la grande histoire se rappelle parfois au souvenir des personnages, la petite histoire s'invite aussi dans le récit, par exemple avec l'arrivée inopinée, presque hilarante, de Haroun Tazieff sur les lieux du tournage de "Stromboli": entre le volcanologue français, homme prudent et scientifique, et l'artiste italien, prêt à tourner son film sans conscience des risques, le clash est programmé.

 

Clash également, enfin, entre les conceptions du cinéma qu'ont chacun des personnages. On l'a compris, Roberto Rossellini est présenté en artiste spontané. Une approche que toute l'industrie hollywoodienne du cinéma, qui est derrière lui pour produire "Stromboli" (notamment à travers la figure de Howard Hughes), a de la peine à comprendre. Cela, sans oublier Ingrid Bergman, qui en est issue et va devoir souffrir pour s'adapter. 

 

"L'année des volcans" s'avère le roman de tous les chocs, de tous les éclats et du scandale retentissant, avec en arrière-plan une Italie qui n'a pas encore autorisé le divorce et réprouve les amours adultères. C'est avec un talent réel que l'auteur recrée tout un pan de l'histoire du cinéma - et de l'histoire, tout court. Avec une belle histoire d'amour, pour couronner le tout.

 

François-Guillaume Lorrain, L'année des volcans, Paris, Flammarion, 2014.

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25 octobre 2015 7 25 /10 /octobre /2015 06:00

Idée de Celsmoon.

Avec: Abeille, Alex, Amos, Anjelica, Ankya, Azilis, Bénédicte, Bookworm, Cagire, Caro[line],Chrestomanci, Chrys, Edelwe, Emma, Esmeraldae, Ferocias, Fleur, George, Herisson08, Hilde,Katell, L'or des chambres, La plume et la page, Lystig, Maggie, Mango, Marie, MyrtilleD, Saphoo,Séverine, Tinusia, Violette, Yueyin

 

Ce soir le grand vent d'octobre ondoie et court dans la vallée

Et tout mon corps se joint à cet étrange accord de feuillages rouillés

 

ô mon crâne ô mes os

je songe au jour de ma mort

je sens l'instant rugueux sur ma nuque

comme une main certaine

 

la tombe neuve brillera dans la lumière comme un trésor

mon nom pèsera entre les bruyères et les lierres

dans l'automne sans odeur

 

Claire Genoux (1971- ), Poésies 1997-2004, Orbe, Bernard Campiche, 2010.

 

 

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23 octobre 2015 5 23 /10 /octobre /2015 21:18

Meyer Bouche

Lu par Zazymut.

Le site de l'éditeur.

Rentrée littéraire 2015.

 

La ville de Genève a réussi à se frayer un chemin dans la rentrée littéraire parisienne 2015. Cela, grâce à l'écrivain israélien d'expression francophone Shmuel T. Meyer. Avec "La bouche ouverte", paru chez Serge Safran, il offre une évocation familiale et culinaire de la ville du bout du lac, traversant les générations et les mentalités.

 

Les mentalités sont dessinées par le biais des religions, qui se marient à leur manière. Il y a d'un côté une famille juive, et ses évocations mettent au jour des moeurs spécifiques, un certain sens de la vie et de la famille. Elles sont empreintes d'un certain humour, dont la discrétion même fait mouche. Et de l'autre, il y a tout le lourd héritage calvinien, empreint d'austérité opulente et de modestie - du moins pour la façade, puisque l'auteur ne manque pas de rappeler les origines troubles de la fortune de la famille présentée. C'est que la richesse de Genève, c'est aussi le commerce d'armes et la banque privée...

 

La ville du bout du lac est évoquée à travers ses lieux, cités avec un grand naturel. Le lecteur se retrouve baladé entre des lieux aussi contrastés que le quai des Bergues et les Pâquis, pour n'en citer que deux.

 

Quelques épisodes historiques bien genevois sont également mentionnés, tels des rites (il y a le jour du jeûne genevois); mais l'auteur prend globalement soin de ne pas donner d'ancrage temporel trop précis. Pour faire naître un certain flou artistique, il se contente de donner de rares dates et de mentionner des éléments qui parleront aux curieux: en citant le journal "Le Temps", par exemple, il installe une partie de son récit après 1998. Et par la mention de l'opprobre liée au sida qui frappe et tue l'un des personnages, il indique qu'un autre épisode a dû avoir lieu au début des années 1980.

 

Et puis il y a la nourriture, fil rouge de "La bouche ouverte"... le titre est évidemment tout un programme gourmand; quant à l'énumération des chapitres, elle ressemble au menu d'un grand restaurant. De manière rituelle, voire répétitive, chaque chapitre a pour point de mire un plat, une boisson, un ingrédient qui va nourrir les personnages, dans le cadre d'une mise en scène attendue mais à chaque fois différente. Et l'on est bien à Genève lorsqu'on parle de longeoles ou de gratins de cardons. Cela, sans parler de la tarte aux pruneaux, indissociable de l'austère journée de célébration du jeûne genevois. Reflet d'un rite sévère ou d'une gourmandise presque coupable, chaque plat est évoqué avec une sensualité qui fait saliver.

 

L'écriture exploite les jeux de distance que permet une utilisation judicieuse du "je" et du "il", et joue sur la longueur des séquences pour accélérer parfois le rythme du roman. Les voix s'avèrent donc discrètement diverses, cernant en finesse des personnages aux vécus presque ordinaires, parfois traversés d'une surprenante exubérance. Et au fil des pages, l'auteur offre un portrait subtil des gens et un regard exact sur Genève, inattendu en cette rentrée littéraire.

 

Shmuel T. Meyer, La bouche ouverte, Paris, Serge Safran, 2015.

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21 octobre 2015 3 21 /10 /octobre /2015 22:27

Casati Colonialisme

Lu par Fondation littéraire Fleur de lys, Iresmo, Laurence Biava.

 

Toutes les actions de l'esprit humain doivent-elles migrer vers le numérique, simplement parce que c'est possible? Roberto Casati, philosophe italien, apporte dans "Contre le colonialisme numérique" une réponse nuancée à la question. En particulier, il refuse une accusation qu'on pourrait lui faire d'emblée: non, il n'est pas contre la technologie. Mais il est favorable à une utilisation ciblée et empreinte d'esprit critique, et rejette le "colonialisme numérique", soit l'intrusion irréfléchie et massive du numérique dans la plupart des domaines de notre vie. Son essai, accessible et percutant, se penche en particulier sur les questions de la lecture, de l'attention et de l'enseignement.

 

Roberto Casati n'hésite pas, cela dit, à aller chercher ses exemples ailleurs que dans la lecture numérique. L'hypothèse qu'il expose sur l'arrivée victorieuse du numérique dans le domaine de la photo est concluante: c'est grâce à un appareil polyvalent, smartphone ou téléphone portable, que la photo numérique a imposé une révolution dans l'art des prises de vue, celui-ci passant d'un acte rituel limité à certaines circonstances à une manière de prendre des notes, selfies, photos de petits plats, etc. au quotidien, sans même y penser. Les téléphones portables et smartphones incluent en effet un appareil photo numérique et se trouvent dans la poche de tout un chacun. Ce sont de véritables couteaux suisses, véhicules entre autres d'une fonction qui, accessoire a priori, a fini par s'imposer.

 

L'auteur se montre plus critique avec la lecture au format numérique, et ses arguments s'avèrent originaux. Il considère en effet que le livre papier est un objet parfait, centre d'un écosystème, et il le compare avec la liseuse, trop exclusive pour convaincre un lecteur de changer de support (l'appareil photo numérique n'y est pas parvenu selon l'auteur, la photo numérique s'est imposée grâce au téléphone portable) et la tablette, qu'il décrit comme la vitrine commerciale d'Apple, Google et consorts. Il la perçoit comme un danger pour l'attention que requiert un livre: une tablette a toujours un machin qui clignote pour détourner l'attention. Du coup, et cela fait l'objet d'un chapitre, un tel objet ne devrait pas avoir sa place dans une école, à moins que son utilisation ne soit strictement cadrée: selon l'auteur, l'école doit rester un lieu préservé où tout doit être mis en oeuvre pour optimiser l'acquisition du savoir. C'est avec vigueur que le philosophe taille en pièces certaines théories et statistiques qui lui paraissent mal étayées à ce sujet, ainsi que les scientifiques qui les portent, à l'instar de l'universitaire Paolo Ferri.

 

L'auteur démonte brillamment le mythe des "natifs numériques", simplement en réfléchissant à ce que l'on veut dire par là et à ce que cela implique. L'expression vient en effet de l'idée que le numérique serait une langue maternelle. Or, selon l'auteur, celle-ci serait d'une simplicité désarmante (cliquez sur j'aime, sélectionnez l'appli du bout du doigt) pour l'utilisateur - quelle indigence pour une "langue maternelle"! Le philosophe italien met par ailleurs en regard les "natifs numériques", qu'on voit volontiers jeunes, et les aînés qui sont vite très à l'aise avec les technologies numériques, au moins autant que leurs cadets. Le numérique est-il leur langue maternelle? Sans doute pas. 

 

On suivra volontiers le philosophe dans sa fine réflexion sur l'acte de voter, prélude à une critique en règle du vote électronique. Selon l'essayiste, ce dernier modifie certains aspects bien installés du vote traditionnel au moyen d'un bulletin sur papier: la garantie de voter dans l'isolement grâce à l'isoloir, l'assurance que le vote est bien arrivé (dans l'urne), qu'il est anonyme (pas d'interception d'informations entre l'isoloir et l'urne) et n'a pas pu être détourné. Son raisonnement trouvera un écho chez toute personne qui fait un sondage en ligne: quelle est la garantie réelle d'anonymat? Il est permis de se poser la question, d'autant plus qu'on se retrouve assez vite noyé de publicités par courriel, dont on ignore d'où elles viennent.

 

On sera en revanche plus nuancé face à l'enthousiasme que l'auteur porte au projet Wikipedia. Il est regrettable, en effet, qu'il ne tienne pas suffisamment compte des petits jeux de pouvoir qui se trament derrière cette encyclopédie en ligne, ni de la mauvaise foi régulièrement utilisée par les wikipédiens comme argument supplétif voire prioritaire aux critères d'admission d'un article - j'en ai été victime lorsque je rédigeais des articles là-dedans. La conclusion de Roberto Casati est cependant intéressante: la rédaction d'un article sur Wikipedia peut être un bel effort intellectuel, voire un sujet de devoir scolaire de haute volée, surtout s'il dépasse la simple compilation d'extraits copiés et collés sans réflexion (mash-up, etc.).

 

La conclusion de l'ouvrage est un parfait récapitulatif de tout ce qui a été exposé au préalable. Rappelant que chaque support doit trouver sa place sans s'imposer indûment, l'auteur se distancie une dernière fois de l'accusation de "luddisme" qu'on pourrait lui faire, et prend la mesure du parcours de son livre. Un livre qui renouvelle heureusement les arguments usuellement utilisés dans le débat numérique/papier et s'avère donc indispensable à celui-ci. Cela, d'autant plus que sa lecture est agréable, et même souriante par moments.

 

Roberto Casati, Contre le colonialisme numérique, Paris, Albin Michel, 2013. Édition traduite de l'italien par Pauline Colonna d'Istria et complétée par rapport à la version d'origine.

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18 octobre 2015 7 18 /10 /octobre /2015 05:00

Idée de Celsmoon.

Avec: Abeille, Alex, Amos, Anjelica, Ankya, Azilis, Bénédicte, Bookworm, Cagire, Caro[line],Chrestomanci, Chrys, Edelwe, Emma, Esmeraldae, Ferocias, Fleur, George, Herisson08, Hilde,Katell, L'or des chambres, La plume et la page, Lystig, Maggie, Mango, Marie, MyrtilleD, Saphoo,Séverine, Tinusia, Violette, Yueyin

 

Veillée d'antan

 

L'homme s'est fait prier, accusant sa mémoire

D'être trop infidèle. Il fronce les sourcils,

Puis il annonce, abrupt: "Greneyon lo sorci".

L'âpre voix du conteur fait frémir l'auditoire.

 

Un récit de sorcier... Comment ne pas y croire

Lorsque le burle souffle à Courreau, près d'ici?

Les gamins n'osent plus, près de l'âtre obscurci,

Entretenir la flamme. Elle fait peur, l'histoire!

 

La châtaignée, au fond du grand chaudron, tiédit.

Et le vin des coteaux, que l'on avait brandi,

Entre rires et chants, il reste dans les verres.

 

Deux petits amoureux se serrent de plus près.

Cet homme qui raconte en patois, sans apprêt,

Devient plus écouté que ne le fut trouvère.

 

Serge Granjon, dans Moniteur du Caveau stéphanois, n° 132/Saint-Etienne, octobre 1984.

 

 

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