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4 janvier 2012 3 04 /01 /janvier /2012 21:18

hebergeur imageLu par CamilleEnlivrons-nousLe Globe Lecteur, Méloë, ShangolsTournez les pagesUrsula Michel, Véronique D., Wodka.

Lu dans le cadre du défi "Rentrée littéraire".

Dernier livre lu en 2011!

Prix Populiste 2011 - félicitations à l'auteur! 

 

Impossible situation que celle de l'interprète d'un centre de détention! C'est pourtant cela que dépeint Shumona Sinha dans son deuxième roman, paru l'automne dernier. Et l'impossibilité de vivre la situation d'interprète pousse la narratrice à assommer un homme avec une bouteille de vin. C'est donc au commissariat qu'on la rencontre... et qu'elle initie, à la première personne, un récit qui oscille entre souvenirs et ressentis, entre analyse sociale et introspection.

 

L'impossibilité de vivre le métier d'interprète est ici dépeinte au travers des multiples pressions dont elle fait l'objet. Pressions morales et verbales émanant des personnes migrantes, d'abord: celles-ci aimeraient bien que l'interprète leur donne un coup de pouce; d'autres acceptent mal qu'une femme s'occupe de leur cas, considèrent même que l'interprète n'est pas des leurs, puisqu'elle a un emploi dans le pays où ils entendent être autorisés à résider.

 

Pression des collègues, aussi, qui n'ont pas forcément le même point de vue sur la neutralité de l'interprète ou sur des produits culturels - l'auteur place en cours de roman une allusion à Syngué Sabour. Pression d'avocats qui aimeraient que l'interprète traduise dans le sens de leurs plaidoiries et gomment les hésitations et tergiversations de leurs clients...

 

... et surtout, pression existentielle. La qualité d'interprète de la narratrice la positionne entre deux mondes entre lesquels elle ne doit pas choisir. Cet entre-deux imposé par sa profession se retrouve, métaphoriquement, dans la narration de son existence, où elle court en permanence le risque de n'être reconnue par aucun des acteurs qui l'entourent. "Passée de l'autre côté", elle n'est plus vraiment perçue comme appartenant à son groupe ethnique d'origine; et le groupe ethnique d'arrivée, auquel elle s'est intégrée, ne l'adopte pas non plus complètement. Cette situation instable trouve aussi une illustration dans l'instabilité affective de la narratrice, qui cumule les aventures sentimentales/sexuelles sans lendemain. A ce titre, elle n'est pas sans rappeler Madhuban, la jeune femme mise en scène dans "Fenêtre sur l'abîme", premier roman de Shumona Sinha. 

 

Le lecteur qui a effectué des travaux de traduction dans sa vie sera aussi sensible, ici, à la pression des mots - ceux qu'on dit ou qu'on traduit, ceux qu'il faut comprendre entre les mots également, ceux qui mentent alors que les gestes démentent... L'activité d'interprétation est volontiers présentée par la narratrice comme une gymnastique de la langue. Derrière cette gymnastique, se trouvent les discours, souvent grossièrement mensongers, souvent astucieux - à telle enseigne que cela fait rire l'interprète - un rire désespéré plutôt qu'un moment de détente, on s'en doute.

 

Ainsi positionnée à la croisée d'intérêts contradictoires, la narratrice ne prend parti pour personne, ni pour les demandeurs d'asile, ni pour l'administration tracassière à laquelle il faut que les requérants racontent leur histoire, ni même les autres interprètes ou le personnel judiciaire. La narratrice offre ainsi au lecteur tous les outils pour juger lui-même les difficiles situations relatées dans ce roman, à partir d'un point de vue sans concession, qui dérange plus d'une fois.

 

Shumona Sinha, Assommons les pauvres!, Paris, L'Olivier, 2011.

 

 

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2 janvier 2012 1 02 /01 /janvier /2012 22:03

Chose promise, chose due, et il était permis de s'y attendre: dans l'esprit du challenge "Littérature belge" de Reka, je lance le Défi "littérature suisse"! Le principe est simple, comme à l'accoutumée: les participants s'engagent à lire, durant toute l'année 2012, au moins un livre écrit par un écrivain suisse - d'expression française, allemande, italienne voire romanche, peu importe. Poésie, théâtre ou roman, le genre littéraire n'importe pas non plus! Enfin, ce qui importe, c'est bien la "suissité" de l'écrivain, indépendamment de son lieu d'édition: même si Noëlle Revaz a par exemple trouvé un éditeur à Paris, il est possible de lire ses romans dans le cadre de ce contexte parce qu'elle est bien suisse.

 

S'il y a une limite inférieure d'un seul livre, il n'y a pas de plafond! N'hésitez donc pas à lire autant d'ouvrages que vous le souhaitez dans le cadre de ce défi: si le pays est petit, sa littérature est vaste. Je vous souhaite donc de bonnes lectures, riches en découvertes - n'hésitez pas à aller plus loin que les classiques, tels que Jacques Chessex, Martin Suter, Jean-Jacques Rousseau ou Peter Stamm. Il est par ailleurs tout à fait admissible de combiner le Défi suisse avec d'autres défis, par exemple le Défi des Mille (pour les courageux qui souhaiteraient s'atteler à la lecture des 17000 pages du "Journal intime" de l'auteur genevois Henri-Frédéric Amiel, par exemple), puisque les deux défis vont coexister durant un an.

 

Alors, bienvenue en Suisse! Le Défi suisse sera clôturé au 31 décembre 2012. Veuillez inscrire vos participations au-dessous du présent billet; je relaierai, comme d'habitude.   

 

P.-S.: je cherche encore une idée de logo convaincante...

 

 

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1 janvier 2012 7 01 /01 /janvier /2012 20:31

hebergeur imageAvant tout, j'annonce que Livrement Acro a publié son récapitulatif du Défi des Mille! Merci pour sa participation. Pêle-mêle, ses lectures l'ont amenée à parcourir tout Harry Potter, et des auteurs tels que Cornelia Funke, J. R. R. Tolkien, Justin Cronin, etc. Que de livres, que de pages!

 

A la demande de plusieurs personnes mordues de gros livres, j'ai décidé de reconduire pour une année le Défi des Mille! Cela renouvelle l'occasion d'attaquer ces pavés qui hantent les piles à lire, et d'explorer les plus grands espaces de la littérature. Dans le cadre du défi, il est naturellement possible de finir les livres et séries de livres de plus de mille pages commencés en 2011! Comme d'habitude, merci d'annoncer vos participations sur la page du Défi des Mille.

 

De mon côté, je vais encore chercher un livre (ou une série de livres) suffisamment gros pour ce défi. Alexandre Dumas, peut-être? Affaire à suivre, comme qui dirait.

 

Et j'ai envie de lancer un nouveau défi aux blogolectrices et blogolecteurs pour cette année, en plus du Défi des Mille. Affaire à suivre aussi: ça bouillonne par ici...

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1 janvier 2012 7 01 /01 /janvier /2012 00:01

hebergeur imageVoici une photo sympa et inhabituelle de ma pile à lire, avec un clin d'oeil  à un des auteurs de la défunte rentrée littéraire 2011, pour vous donner une idée des réjouissances livresques qui m'attendent pour 2012... Tout cela pour vous souhaiter à toutes et à tous, amies et amis visiteurs de ce blog, habitués ou occasionnels, blogueurs ou simples lecteurs, une excellente nouvelle année! Qu'elle soit pour vous riche de belles expériences de lecture, de dégustations de bons vins et de bons petits plats et, surtout, de tous les instants de bonheur et de succès dont vous pouvez rêver. A bientôt!

   

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30 décembre 2011 5 30 /12 /décembre /2011 22:14

hebergeur imageThriller écologique, lu par FeetishJacques, Ma petite bibliothèque, Thrillermaniac.

Lu dans le cadre du défi "Pour-cent littéraire".

 

Bien ficelé et accrocheur comme c'est rarement le cas: telles sont les impressions qui me restent de ma lecture de "Le troisième pôle", thriller écologique de Guillaume Lebeau. Paru en novembre dernier aux éditions Marabout, cet ouvrage repose sur toute une série de questions ayant trait au dérèglement/réchauffement climatique dont la Terre est, nous dit-on, victime. L'auteur est un spécialiste de la littérature policière scandinave... et au fil des 505 pages de ce roman, force est de constater qu'il donne libre cours à son dada, pour le plaisir d'un lecteur scotché à son histoire.

 

Le scotchage commence dès les premières pages, qui se déroulent dans les terres inhospitalières de l'Islande et du Cap nord, en Norvège. L'auteur crée une ambiance parfaitement réaliste, en usant de deux procédés. Le premier, évident, consiste à utiliser un vocabulaire approprié, suffisamment précis pour que le lecteur s'y croie: c'est avec exactitude que l'auteur reproduit les conditions climatiques de l'extrême nord, quitte a expliquer certaines notions dans des notes de bas de page... ou à suggérer que les glaciers sont vivants. Le deuxième consiste à mettre en scène, sous forme de prologue, quelques personnages mystérieux, de manière à ce que le lecteur sorte de cet épisode avec plein de questions (plus que de réponses, en tout cas) et suffisamment de motivation pour lire tout un pavé pour en savoir plus. Et ça marche: au début, les pièces du puzzle semblent éparses, dans le temps (1912, 1996, 2011) et dans l'espace (Islande, Spitzberg, Cap Nord, Paris...) - sans parler des personnages: qu'ont en commun un groupuscule de richissimes illuminés païens, une bande d'écologistes extrémistes, des scientifiques aux apparences sérieuses et des mercenaires sans foi ni loi? Etrange aussi, de la part de l'auteur, cette manière qu'il a de tuer tout le monde en début de récit... mais toute vie laisse des traces, suffisantes pour trousser un roman.

 

C'est que l'auteur a bel et bien mis en scène, dans son roman, une belle brochette d'illuminés. Son utilisation du groupuscule écologiste est extrêmement intéressante, dans la mesure où elle illustre la capacité du romancier à faire d'un élément a priori anecdotique un morceau clé de son récit. Le lecteur croit en effet, en voyant une bande de zigotos s'immoler sur une voie de chemin de fer pour faire passer leur message, qu'il s'agit là d'une simple péripétie visant à montrer la puissance du méchant. Or, le groupuscule va rebondir plus loin... permettant à l'auteur de faire de l'un de ses personnages, Ethan en l'occurrence, un agent double, voire triple. Face à cette équipe, il y a les méchants, présentés comme pleins de moyens et très bien organisés - leur hiérarchie se dévoile en fait de chapitre en chapitre, de sorte que le lecteur découvre que celui qu'il pensait être le plus puissant n'est en fait qu'un pion sur un échiquier qui le dépasse. On a donc affaire à des baroudeurs considérant que la loi du plus fort est la seule valable, à des capitaines d'industrie peu désireux de se salir les mains, à d'anciens combattants au passé peu recommandable. Tout cela crée un climat de méfiance et de psychose générale: mis à part Smila Sibir, héroïne du roman (qui doit quand même survivre jusqu'à la fin, sinon le lecteur se sentirait floué), qui est digne de confiance? Sachant que la réponse est "personne", le lecteur attend les retournements de situation et de veste. Et de ce point de vue, il va être servi. Même s'il aura envie, une fois ou l'autre, de crier à Smila: "eh, l'affreux est derrière toi!".

 

Seul personnage de premier plan apparemment équilibré et sans cadavre dans ses placards, Smila Sibir est donc la figure à laquelle l'auteur invite le lecteur à s'identifier, dans la mesure où c'est elle qu'il suit tout au long du roman. Elle est scientifique; on peut donc en inférer que l'auteur considère que la science saura apporter toute la lumière sur le dossier hautement sensible du changement climatique. A travers Smila, et quitte à prendre le contrepied de certaines conclusions bien connues du GIEC, ce roman suggère qu'il s'agit plutôt d'un dérèglement climatique - et le fait que Smila assène à plus d'une reprise cette nuance tend à montrer qu'elle est d'importance.

 

Mais revenons aux méchants... car ce sont eux qui, selon le romancier, détiennent la clé de ce dérèglement. L'auteur postule en effet que l'évolution climatique est le fait d'humains sans scrupules, suffisamment organisés pour assurer la promotion de tout ce qui peut favoriser le réchauffement du climat: gaz à effet de serre, méthane, consommation du pétrole, etc. C'est là leur force - et la faiblesse majeure du roman: malgré quelques tentatives d'explication, il est difficile, pour le lecteur, de comprendre pourquoi un groupuscule ésotérique a intérêt à ce que le climat du monde entier se réchauffe - et de se convaincre de la justesse de leur démarche, ne serait-ce que de leur point de vue. Si ce n'est, dans une perspective romanesque, pour agiter quelques savants fous...

 

... mais il n'y a pas que la science dans ce récit. Et si Smila Sibir paraît incarner la voie juste entre toute une série d'agités du bocal, c'est peut-être aussi parce qu'elle est la fille d'un scientifique et d'une chamane - donc le pur rejeton de la science et de l'ésotérisme. Ce dernier vient introduire un élément de fantastique dans le récit: est-ce bien aux talents de chamane de la mère de Smila que celle-ci va recouvrer la mémoire? Au-delà de cette péripétie, l'auteur a compris que pour créer un personnage central fort, il ne suffit pas d'en faire une scientifique hors pair: il est indispensable de lui donner aussi l'humilité d'admettre qu'il y a quelque chose qui dépasse la science et la raison.

 

Au terme de ce roman qui se dévore, structuré en chapitres courts et aérés rédigés en un style standard parfois un rien relâché, le lecteur a eu l'impression de découvrir une histoire qui se tient, et que toutes les portes ouvertes ont été fermées (ou presque: la destinée de Haraldur et Mireya est bien brève, et leur mort ne débouche sur rien), au terme d'un voyage qui explore les terres les plus inhospitalières de l'hémisphère nord et ose une pointe en Antarctique. L'auteur sait cependant conclure en laissant entendre qu'il y aura une suite. Alors, affaire à suivre?

 

Guillaume Lebeau, Le troisième pôle, Paris, Marabout, 2011.

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30 décembre 2011 5 30 /12 /décembre /2011 22:09

hebergeur imageC'est avec Artemis Fowle que Luthien a accompli son Défi des Mille - bravo! Le récapitulatif de son défi se trouve sur la page ci-dessous:

 

http://andimagine.wordpress.com/2011/02/25/le-defi-des-mille/

 

Amis lecteurs, dépêchez-vous: il ne reste plus qu'un jour... à moins que!? 

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28 décembre 2011 3 28 /12 /décembre /2011 21:41

PhotobucketLes fêtes de fin d'année sont propices à la dégustation de petits plats, c'est un fait... et les vins en sont souvent les aimables compagnons. Et c'est en farfouillant un peu à la recherche d'un vin sympathique à savourer entre deux grandes fêtes que je suis tombé sur le côtes-du-Rhône 2010 "Les Essaims" produit par les caves Guyot à Taluyers (Rhône) - qui m'ont l'air d'être une vaste entreprise vinicole. L'étiquette est jolie, c'est le moins qu'on puisse dire; qu'en sera-t-il du vin? Il s'agit d'un assemblage de grenache, carignan, cinsault et syrah - voyons voir!

 

Robe rouge bien sombre, bouquet agréable et subtil, promesse d'un petit univers que la dégustation confirme. On a affaire ici à un vin qui joue la carte de la rondeur et prend, au palais, des allures de jus de fruit. Simple et souple, pas épicé pour deux sous, son goût rappelle celui du cassis - ou, de manière plus éloignée, du lait. Agréable et discret, il m'a paru manquer un peu de caractère et de présence quand même, un peu à la manière d'un jeune homme bien sage qui aurait peur de déranger et finirait par paraître un peu mou. Faudrait-il le garder deux ou trois ans en cave pour qu'il révèle quelque chose de plus complexe?

 

J'ai, après découverte et dégustation, envie de dire qu'en l'état, ce petit vin jeune peut devenir le compagnon discret de plats de pâtes, voire de volailles pas trop relevées; ou alors, il pourra prendre la première place dans un apéritif, où il saura se montrer gouleyant sans s'imposer par un excès de lourdeur.

 

Fiche technique sur le site du producteur.

 

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27 décembre 2011 2 27 /12 /décembre /2011 22:22

hebergeur imageRoman, lu par Angélita.

Lu dans le cadre du défi "Pour-cent de la rentrée littéraire".

 

... en tout cas dans le dernier roman d'Alba Kertz, intitulé de manière succincte et énigmatique "Masmara", justement. Ce livre est le troisième titre et le deuxième roman (après "Luce") que l'auteur de Bandol publie aux éditions des Presses du Midi. Et si, au terme des 195 pages de ce roman, tout trouve un ordre stable et prometteur à long terme, c'est une ambiance d'instabilité qui règne au début du récit.

 

Comme il se doit dans un roman bien construit, le premier chapitre de "Masmara" contient en germe de quoi lancer toute l'intrigue. On y rencontre d'emblée Ludivine, dite Ludi, qui décide qu'elle doit larguer Marc, son amant du moment - un de plus à sa collection, ce personnage se caractérisant par une certaine instabilité sentimentale connue de toutes et de tous. Cette instabilité fait contraste avec deux figurants: un jeune couple fusionnel qui s'embrasse fougueusement dans le parc où Ludivine lit Raymond Aron - une béquille, un prétexte dont elle saura se débarrasser au moment opportun, comme on vire un sparadrap devenu inutile. Et en constatant tout cela, force est de constater qu'il sera question d'amour, et plus largement de liens interpersonnels.

 

C'est que Ludivine a aussi le goût de l'intrigue et qu'en la matière, elle va être servie. En toute tranquillité, l'auteur campe au fil des pages une ambiance en demi-teintes un rien amère en montrant un Julien absent, peu concerné par une vie de famille pourtant vibrionnante puisqu'autour de lui, il y a une épouse formidable, Laure, et pas moins de cinq enfants que l'auteur va pas mal détailler, notamment Patrick (qui se découvre une certaine identité sexuelle) et Vanessa - un personnage qui va jouer un rôle particulier dans le récit, du point de vue de l'action et du rythme.

 

Action d'abord, puisqu'elle va susciter en fin de roman un coup de théâtre qui lui permettra de connaître les limites de certaines curiosités - ce dont elle sortira grandie, mûrie. Rythme et technique romanesque ensuite, puisque ses interventions sont le plus souvent consignées dans des lettres qu'elle écrit à sa meilleure amie, qui vit au Japon avec sa famille, expatriée pour des raisons professionnelles. Par leur vivacité, ces lettres, insérées à la manière de véritables chapitres, créent un contraste d'ambiance et de rythme bien venu; elles dévoilent par ailleurs, de manière très directe, certaines vérités subodorées ou connues, quitte à révéler quelques étonnements plus facilement que dans le cours normal du récit. Enfin, l'auteur profite du contact entre Vanessa et son amie du Japon pour donner à son roman, qui brasse des sentiments de toujours, un petit vernis de modernité.

 

Quant à Julien, pour revenir à lui, est-il au-dessus de tout soupçon en matière conjugale? L'auteur affirme que non, et lance dès lors une manière d'intrigue policière où il s'agira pour Ludivine de pister son cousin - quitte à se mêler de ce qui ne la concerne pas. Le fait que ledit cousin ne lui soit pas indifférent corse naturellement la démarche... qui prend parfois, sous la plume adroite de l'auteur, des allures de scènes de vaudeville.

 

Et comme il ne faut pas tout dire d'emblée au lecteur afin de lui laisser quelque chose à découvrir au fil des pages, ce n'est que très progressivement que l'auteur dévoile les enjeux de Masmara, la maison des parents de Ludivine... parents victimes d'un drame mortel, ce qui va longtemps retenir Ludivine d'y revenir - le roman lui permet cependant de régler leur sort à quelques vieux démons et de tourner la page. Ainsi peut-on voir dans ce récit l'histoire du cheminement vers le retour à la maison des parents. Et peut-être, enfin, à une certaine stabilité de vie pour Ludivine.

 

Ainsi s'entrecroisent les destins sculptés dans ce récit qui, ambitieux, explore les sentiments en demi-teinte de personnages arrivés à des âges qui, bien que différents, ont tous leurs questions: sexualité, nouvelles carrières, tentation d'une autre conjointe, etc. Et chacun va trouver sa (nouvelle) voie, dans un Sud de la France empreint à la fois de traditions (les allusions à la sardane en témoignent) et de modernité.

 

Alba Kertz, Masmara, Toulon, Les Presses du Midi, 2011.

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27 décembre 2011 2 27 /12 /décembre /2011 21:17

hebergeur image... chez Eléa, du blog "Romands au bord de l'eau", qui termine sa lecture du cycle "Royaume magique à vendre", qui comprend cinq volumes.

 

C'est ici que ça se passe, sous la forme d'un billet circonstancié sur "Le brouet des sorcières": http://romans-au-bord-de-l-eau.over-blog.com/article-fin-d-aventure-93199573.html

 

Alors que l'année s'apprête à changer, il y aura bientôt des nouvelles des défis de lecture sur ce blog. Ouvrez l'oeil!

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25 décembre 2011 7 25 /12 /décembre /2011 18:52

PhotobucketLu par Aperto Libro, Skritt.

Lu dans le cadre du Défi de la Rentrée littéraire.

Blog de l'auteur: Pierre Lamalattie; son site.

 

Un livre en deux tomes - ou deux livres pour le prix d'un, en fonction du point de vue. De la part des éditions L'Editeur, que je remercie pour l'envoi (salutations à Mme Ferron!), c'est une démarche originale, qui a donné le jour à un petit ouvrage intitulé "Portraits", recensant 121 portraits peints et commentés, au parfum volontiers expressionniste et farouchement figuratif, et à un livre plus gros, qui relate la manière dont s'est constituée la galerie de 121 visages, tous différents - une sorte de "making of", conçu au sens large puisqu'il est aussi question, dans "121 curriculum vitae pour un tombeau", de considérations sur la vie, la mort, l'art, les femmes, etc. On relèvera que le mot "tombeau" est à prendre au sens d'hommage (vous avez écouté Sainte-Colombe et Ravel...) - même si la notion de "tombeau", au sens habituel et concret, intervient aussi en fin de roman.

 

En recevant ces ouvrages, j'ai eu l'occasion de découvrir un artiste-peintre et écrivain - une combinaison réussie déjà, dans un registre très différent, par l'ami Ivan Sigg (dont j'ai évoqué récemment le roman "L'Ile du Toupet" et, plus anciennement, "La Touffe subilme" et "L'annonce faite à Joseph"). J'ai choisi, et cela m'a paru pertinent après coup, de feuilleter d'abord "Portraits", à savoir le catalogue des visages peints par l'artiste. Celui-ci présente ici un instantané de l'humanité d'aujourd'hui, au travers de 121 tableaux qui lui paraissent représentatifs - un regard de la société française et humaine. Peint à l'huile, chacun de ces tableaux se présente comme un "curriculum vitae" très efficace et succinct (pour vous en faire une idée, visitez le site de l'auteur): on y trouve certes le portrait de la personne, mais aussi son prénom et une phrase qui la caractérise. Il y a là du mystère, paradoxalement: ce que dit l'auteur donne envie d'en savoir plus, et on imagine sans peine qu'un DRH serait piqué au vif s'il recevait un tel curriculum vitae. Mais il y a aussi de l'humour, de l'ironie, de l'esprit caustique. Bref, une envie de mieux connaître tous ces personnages, peints dans des couleurs qui rappellent la photographie argentique en noir et blanc.

 

Et c'est là que le roman intervient et apporte à ces toiles une troisième dimension. Sur 447 pages, en effet, l'auteur a choisi de raconter la manière dont il a créé cette imposante galerie de portraits - dans une forme certes autobiographique, mais qui, on l'imagine, porte sa part d'imaginaire et de réinterprétation personnelle. "121 curriculum vitae pour un tombeau" n'est cependant pas qu'un "making of" sec. Non content d'offrir un coup d'oeil dans son atelier, l'auteur en profite pour relater une tranche de son existence et émettre quelques considérations sur le monde tel qu'il va. L'art contemporain institutionnel est le premier à subir ses foudres, d'autant plus qu'en sa qualité d'artiste figuratif, il se situe en marge des démarches artistiques les plus en vogue. Il s'oppose également aux démarches de Renoir et des impressionnistes, qu'il considère comme des artistes sympa, finalement peu novateurs. Quelques coups de gueule bien sentis viennent donc muscler cet ouvrage.

 

Celui-ci ne serait rien, cependant, sans les innombrables personnages qu'il recèle, et qui rappellent au lecteur que lui aussi est entouré, d'une manière dont il n'a pas forcément conscience, des nombreuses personnes dont son existence dépend. C'est que les 121 portraits sont tous nés de rencontres, rêvées, fortuites, brèves ou régulières, survenues dans les contextes les plus divers. Leur point commun: l'auteur a interagi avec ces personnes et, carnet de croquis en main, s'en est souvenu. Il y a là des étudiants, des personnes actives, des retraités, tout un univers de personnes adultes. L'artiste étant également ingénieur agronome et fonctionnaire dans un domaine voisin, les figures dépeintes s'en ressentent et constituent, ensemble, une photographie de la société du début du vingt et unième siècle.

 

Une telle démarche offre aussi à l'auteur l'occasion de présenter les coulisses du monde des études agricoles, avec ses chicanes administratives (on pense ici au personnage de Le Goff); le lecteur goûtera aussi les pages consacrées aux heures passées au Salon de l'agriculture (il paraît que les porcs sont des voisins plus tranquilles que les vaches...), ainsi que les rencontres de l'auteur avec des étudiants, toujours brossées avec une précision qui donne à voir les hésitations d'une certaine jeunesse - la nôtre, peut-être.

 

Le récit se déroule sur un ton agréable, sans aspérités; il est empreint d'un certain recul qui donne au lecteur l'impression, parfois, que l'auteur se pose en spectateur distant et amusé de sa propre existence. Certes, toutes les pages ne sont pas égales, et les scènes décrivant les actes sexuels vécus ou commentés par l'auteur, trop directes mais heureusement furtives, montrent les limites de l'art de l'écrivain. Le lecteur retiendra plus volontiers l'humour de l'auteur, autorisé par la prise de distance et qui s'exprime de manières fort diverses: il ne manquera pas d'être surpris par l'"échographie de la bite" que l'auteur subit en tout début de roman (le ton est ainsi donné!); mais il découvrira aussi, au gré des pages, le portrait d'une humanité qui vit mille anecdotes trop tordues pour être inventées: mariage participatif, chef de service odieux, mère attachante mais tellement terre-à-terre, destinées d'anciens camarades de volée, etc. Cela, en grande partie dans les décors bucoliques de Brive-la-Gaillarde et de la Corrèze. Et le fait d'avoir sous la main le petit livre "Portraits" permettra au lecteur de mettre un visage précis sur bon nombre des personnages de ce roman - une expérience particulière, tant il est vrai que lorsqu'on lit, l'auteur confie d'ordinaire au seul lecteur la mission de forger un visage à ses personnages.

 

Et pour les friands, il paraît que l'auteur a connu Michel Houellebecq, et que ce dernier hante aussi les pages de ces deux livres. A vous de le trouver!

 

Pierre Lamalattie, 121 curriculum vitae pour un tombeau et Portraits, Paris, L'Editeur, 2011.

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