Avec: Abeille, Alex, Amos, Anjelica, Ankya, Armande, Azilis, Bénédicte, Bookworm, Cagire,
Caro[line], Celsmoon, Chrestomanci, Chrys, Claudia, Edelwe,
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Le Cul
Sans desroger aux premiers Blasonneurs
Du trou du Cul, et sauves leurs honneurs
Et de tous ceulx qui ont sçavoir condigne
Pour blasonner une chose tant digne,
Je de rechef luy donray ung Blason
Car sa louenge est tout jour de saison.
Et tout premier dys que, sans menterie,
Le cul au corps a haulte seigneurie
Et que ainsi soit, la force de son sens
Vient parforcer tous les autres cinq sens
A consentir aux sentences mucées
Dans son cerveau, puis par luy prononcées
Si justement qu'on n'en peult apeller,
Ne contre luy fors en vain rebeller.
Puis les cheveulx, front, sourcilz, yeulx et bouche
Sont amortis quand la mort le cul bouche,
Si sont tetins, nez, joues, et menton,
Gorge, estomach, ventre, cuysses, et ...,
Jambes, et bras, piedz, mains, aussi oreilles,
Colz blancz et droictz, et corps faictz pour merveilles.
Mais on peult bien perdre ung oeil, ou tous deux,
La jambe, ung bras, le nez, ou les cheveulx
Que pour cela monsieur le cul, derriere,
N'en mourra point, ne fera pire chere.
Donc, il n'est rien en tout le corps humain
Que, si le cul ne luy tient forte main,
Puisse eschaper que ne perde la vie
Ou, pour le moins, ne tumbe en maladie.
Et si d'icelle attend la guarison,
Fault que le cul en face la raison
En luy donnant force supositoires,
Poudres, senteurs, doulx huylles, et clysteres
Pour l'apaiser, voire jusques à tant
Qu'il crachera le mal au corps latent.
O doncques, cul, de santé le vray signe
Où maint docteur en l'art de medecine
Prend son advis, et visite ton faict,
Sans toy n'est corps qui ne soit imparfaict.
Et oultre plus n'est requis que je taise
Comment tout prince, et grant seigneur, te baise
Au departir du ventre maternel
Qui est à toy ung los bien solemnel,
Car ce tribut te doit tout filz de mere
Soit paovre ou riche, aussi nul ny differe.
Et s'aucun dict que tu es sale, et ord
Et inutile, il te blasonne à tort,
Car j'ay raison pour toy tout au contraire
Dieu sçait de qui! et voicy l'exemplaire:
Ne lit on pas aux livres anciens
Ce qu'ung grand clerc mande aux Corinthiens?
Ne sçay si c'est en l'epistre premiere...
Si le aille veoir qui ne te prise guere
Et revenons au cul en joye et ris.
O donc gros cul à facon de Paris,
Cul qu'en allant te degoyses et bransles,
Comme en dansant basses dances, ou bransles
Pour demonstrer - si bien ta geste on lict -
Que tu feroys bien bransler ung chalict.
Cul qu'à ta garde as dix ou douze armures
De linge, toylle, en drap, soye, ou doublures,
Oultre le beau, frisque, et gaillard derrier,
Mais de surcroys, pour estre plus gorrier.
Cul enlevé trop mieulx que une coquille,
O cul de femme! O cul de belle fille!
Cul rondelet, cul proportionné,
De poil frisé pour haye environné
Où tu te tiens tout jour la bouche close,
Fors quant tu voys qu'il faut faire autre chose.
Cul bien froncé, cul bien rond, cul mygnon,
Qui fais hurter souvent ton compagnon
Et tressaillir, quand samye on embrasse
Pour acomplir le jeu de meilleur grace.
Cul rembourré comme un beau carrelet,
Qui prens les gens plus au nez qu'au collet.
Cul preferé à chascun autre membre,
Qui le premier couche au lict de sa chambre
Et le dernier en sort gay et leger,
Comme de table à l'heure de menger.
Cul anobly, et à qui faict hommage
La blanche main, voire teste et corsage
S'enclinant bas pour te povoir toucher
Et tous les jours reveramment torcher.
Et, qui plus est, ce temps, chascun s'essaye
De te vestir de drap dor, et de soye
Et peult on voir maintz braves testonnez
Qui ont leurs bas de chausse, et leurs bonnetz,
Robe et pourpoint de draps de moindre enchere
Que n'est leur hault de chausse et leur derriere.
O puissant cul, que tu es à doubter,
Car tu fais seul par ta force arrester
Où il te plaist, seigneurs, serfz, folz et sages
Dont les ungs ont pour te moucher des pages.
Qu'il soit ainsi: par toy jadis on veid
Le Roy Saul, qui poursuivoit David,
Si tres forcé, qu'à David se vint rendre
Sans y penser, lequel ne le vint prendre
Ny ne l'occit, quoy qu'il l'eust en sa main,
Plus aymant paix, qu'espandre sang huamin.
Cul imprenable, assis mieulx que sur roche
Entre deux montz, où ennemy n'aproche
Qui tost ne soit en la malle heure houssé
Et par ta force, et canons repoulsé.
Diray je rien de ta grande franchise?
Las, si feray! car tu peulx dans l'eglise -
A ung besoing - souspirer et peter
Quoy que le nez s'en vueille despiter
Et que on te dist que tu es sacrilege,
Qui est à toy ung tresbeau privilege.
Cul desiré d'estre souvent baisé
De maint amant de sa dame abus
S'elle vouloit mayennant telle offrande
Luy octroyer ton prochain qu'il demande.
Je dy envor, o cul de grand valeur,
Que ton tainct faict de brunette couleur
Ne changera tant que seras en regne
Et le tainct blanc qu'aux aultres membres regne
Par cours de temps peu à peu viendra laid.
O doncques cul, resjouys toy seullet
Puis que tu as tant de vertu et grace
Que tout beau tainct, fors que le tien, s'efface
Et, advenant qu'il se peust effacer,
Mieulx que d'ung aultre on se pourroit passer.
Et, pour renfort de ta louenge escripre,
Dis que tu tiens de tous membres lempire,
Pource que peulx leurs beaultez disposer
Ou leur laisser, ou leur faire poser:
C'est quand tu es aux oeuvres naturelles
Prompt et hardy, ou quand te fasches d'elles,
Et de toy pend leur joye, ou leur tristesse.
O cul vaillant et remply de prouesse,
Combien heureux sont - donc - les membres tous
Tant que tu as la foire, ou bien la toux?
Car, ce pendant, la craincte ne les mort
D'estre mordus, en chiant, de la mort:
Confessent doncq que sans tes benefices
Ilz n'ont beaulté, tainct, plaisirs ne delices.
Eustorg de Beaulieu (1495-1552), dans Poètes du XVIe siècle, Paris, Gallimard/La Pléiade,
1953/1991.