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26 octobre 2011 3 26 /10 /octobre /2011 20:48

hebergeur imageSan Miniato est la retraite italienne d'où le personnage de Jean de Plessis-Vaudreuil rédige, l'âme volontiers vagabonde, la trilogie du "Vent du Soir". Une trilogie signée Jean d'Ormesson et qui se conclut sur le roman "Le bonheur à San Miniato" - un bonheur qui peut être interprété comme la paix revenue au terme de la Seconde guerre mondiale, qui constitue l'essentiel de la période brossée par ce troisième roman, publié en 1987.

 

Après la Belle Epoque et les Années folles, on imagine volontiers que l'ambiance de la Seconde guerre mondiale est dépeinte en mode mineur. La badinerie érudite et diserte de l'auteur cède ici la place à un récit certes érudit, mais qui accorde la première place au réalisme historique. L'auteur n'évoque guère sa retraite de San Miniato, si ce n'est dans la troisième partie du roman, la plus apaisée; il préfère relater, d'une manière globalement chronologique et linéaire, la suite de la geste des soeurs O'Shaughnessy et des frères Romero, qui ont choisi l'Europe, voire le monde, comme terrain de jeux: naissances, mariages, décès et intrigues constituent les ingrédients de ce roman.

 

La vision de la guerre est évidemment en phase avec les personnages mis en scène. Ainsi, l'auteur n'évoquera guère les déportations de Juifs, et très peu les privations. Ses personnages évoluent dans des sphères sociales qui leur permettent d'échapper aux difficultés du commun des mortels (mais d'en connaître d'autres, par exemple les camps de concentration japonais) et d'accéder aux coulisses de la diplomatie européenne et mondiale, pour le meilleur et pour le pire. Certains personnages vont ainsi proposer leurs forces et leurs convictions au général de Gaulle, alors que Vanessa reste prisonnière de ses relations sentimentales avec Rudolf Hess.

 

C'est donc les coulisses du pouvoir et de l'Histoire que l'auteur explore. Pas question de révisionnisme, cependant: adroit, l'auteur explore certaines zones d'ombre de l'historiographie officielle et y glisse sa propre explication, volontiers sentimentale ou romanesque. Un seul exemple: le parachutage de Rudolf Hess en Ecosse, historiquement mystérieux, trouve dans "Le bonheur à San Miniato" une explication sentimentale. L'auteur confère parfois à des visages anonymes ("qui est dans la voiture à côté de Hitler, de Franco, de Roosevelt?") de photographies officielles l'identité de l'un ou l'autre de ses personnages. Dans la plus grande discrétion, autorisée par une histoire officielle qui ne s'attache qu'aux façades, certains de ses personnages s'activent comme agents secrets ou comme facilitateurs d'occasion.

 

Le tout est nimbé d'une ambiance mélancolique, du parfum ineffable que revêt le roman d'une épqoue à jamais révolue - à ce titre, il est possible de dire que l'auteur voit la fin de la Seconde guerre mondiale comme un épisode marquant la fin d'une époque, d'un monde même. "Le vent du soir se levait", dernière phrase du roman, est ainsi emblématique à plus d'un titre. Elle suggère ainsi la fin d'une époque, balayée par le temps qui passe (et qui constitue un personnage majeur du roman, ce que l'auteur ne manque pas de souligner), et de dynasties qui meurent avec le vingtième siècle. Double sens du "vent du soir", donc - à la fois agrément de l'écrivain qui s'installe sur sa terrasse pour écrire face au soleil couchant italien et acteur majeur de l'effacement de toute entreprsie humaine. Ce "Vent du soir" n'est-il pas, dès lors, en résonance avec "Autant en emporte le vent" de Margaret Mitchell?

 

Au fil des plus de mille page de cette trilogie, c'est donc à San Miniato que tout le monde se donne rendez-vous: un auteur qui se déguise pour prendre place dans un vaste roman dont il affirme que tout est vrai, mais aussi ses personnages, morts ou vivants, qui viennent lui rendre visite et avec lesquels il dialogue sans contrainte. Ainsi le réel vit-il en osmose avec l'imaginaire, l'écrivain jouant ici un rôle essentiel de passeur. Cela, pour le plus grand agrément du lecteur, transporté par un récit captivant où l'histoire et la petite histoire se mêlent, avec l'imagination de l'auteur comme liant.

 

Jean d'Ormesson, Le bonheur à San Miniato, Paris, Lattès, 1987.

 

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Avec ce titre, je termine mon Défi des Mille, la trilogie "Le Vent du soir" totalisant 1110 pages, hors notices biographiques des personnages principaux... Les billets précédents sont ici: "Le Vent du soir" et "Tous les hommes en sont fous". Je rappelle aux intrépides que le Défi des Mille court toujours...!  

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