Lu par 3 bouquins, Des mots sur des pages, Eimelle, Joyeux drille, Karine B., Lili Galipette, ManU B., Pierre Darracq, Potzina, Sybelline.
Un parfum de soufre et de compétition entoure "L'année des volcans", roman de François-Guillaume Lorrain. Scandale ancien, certes: ce roman retrace le tournage concurrent de deux films, "Stromboli" et "Vulcano", en 1949. Et, plus encore, les amours interdites d'Ingrid Bergman et de Roberto Rossellini. La compétition des amours est l'une des lignes fortes de "L'année des volcans", en effet, à telle enseigne qu'on se dit que les coeurs sont au moins autant des volcans que les films qui sont tournés à leur pied, en concurrence et avec leurs vedettes respectives, dans l'Italie de l'immédiat après-guerre.
L'auteur trace de superbes portraits de ses personnages. Roberto Rossellini devient sous sa plume un improvisateur génial, créant des films d'exception sans avoir de véritable fil rouge au début, doublé d'un menteur extraordinaire - d'un homme, en somme, qui sait raconter des histoires, tant à l'écran que dans la vie de tous les jours. Mémorable est également le portrait tracé de l'actrice Anna Magnani, amante trahie de Roberto Rossellini, qu'on imagine en femme puissante et au caractère bien trempé, volcanique serait-on tenté de dire, irrémédiablement blessée par l'amour brisé.
Il y a le contexte, aussi. Minutieux, l'auteur recrée avec réalisme une certaine époque, et certains lieux où, avec les cinéastes, la modernité fait irruption, brutale, et fascine: avant eux, c'est-à-dire avant 1949, les îles Eoliennes n'avaient pas l'électricité. Et si la grande histoire se rappelle parfois au souvenir des personnages, la petite histoire s'invite aussi dans le récit, par exemple avec l'arrivée inopinée, presque hilarante, de Haroun Tazieff sur les lieux du tournage de "Stromboli": entre le volcanologue français, homme prudent et scientifique, et l'artiste italien, prêt à tourner son film sans conscience des risques, le clash est programmé.
Clash également, enfin, entre les conceptions du cinéma qu'ont chacun des personnages. On l'a compris, Roberto Rossellini est présenté en artiste spontané. Une approche que toute l'industrie hollywoodienne du cinéma, qui est derrière lui pour produire "Stromboli" (notamment à travers la figure de Howard Hughes), a de la peine à comprendre. Cela, sans oublier Ingrid Bergman, qui en est issue et va devoir souffrir pour s'adapter.
"L'année des volcans" s'avère le roman de tous les chocs, de tous les éclats et du scandale retentissant, avec en arrière-plan une Italie qui n'a pas encore autorisé le divorce et réprouve les amours adultères. C'est avec un talent réel que l'auteur recrée tout un pan de l'histoire du cinéma - et de l'histoire, tout court. Avec une belle histoire d'amour, pour couronner le tout.
François-Guillaume Lorrain, L'année des volcans, Paris, Flammarion, 2014.
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