Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
11 septembre 2016 7 11 /09 /septembre /2016 05:00

Idée de Celsmoon.

Avec: Abeille, Anjelica, Ankya, Azilis, Bénédicte, Bookworm, Caro[line],Chrys, Emma, Fleur, George, Herisson08, Hilde, Katell, L'or des chambres, La plume et la page, Lystig, Maggie, Mango, MyrtilleD, Séverine, Violette.

 

Rebelle

 

Non, je n'obéis pas à ces règles benêtes

Qui veulent m'empêcher d'écrire à ma façon.

Que nul ne vienne ici me faire la leçon!

Je vivrai librement sans toutes ces sornettes.

 

Je chasse de mon coeur les Muses malhonnêtes

Qui savaient me flatter lorsque j'étais garçon.

Elles n'ont qu'un seul but, m'imposer la rançon

De marcher bien soumis derrière leurs cornettes.

 

Après tant de sanglots, de souffrances, de cris,

Voici que je respire, heureux lorsque j'écris.

Quand on fait ce qu'on veut, comme la vie est belle!

 

Je vais pêchant les mots en tirant mon chalut.

Je me réveille enfin, moi, poète rebelle;

C'est fini l'esclavage; ô liberté, salut!

 

Pierre Guex-Borgeaud (1923-2014), dans Renouveau, revue du Cercle romand de poésie classique, Petit-Lancy, 1999.

Partager cet article
Repost0
9 septembre 2016 5 09 /09 /septembre /2016 20:25

Hirsch OmbresLu par Daniela Carlucci, Yaël, Yv.

Le site de l'éditeur, le site de l'auteur.

 

Sa soif des records est inextinguible. C'est une véritable passion. On tutoie carrément l'hybris. Au coeur de son dernier roman "Nous étions des ombres", Mikaël Hirsch place le personnage de François Sauval, riche bonhomme, désireux de marquer l'histoire de son empreinte. Mais que réaliser encore, à une époque où tout a déjà été accompli? Faut-il se contenter de faire mieux que les mémorables pionniers, dans autant de domaines que possible?

 

Le personnage de François Sauval est tellement immense qu'il vaut la peine de l'admirer avec un peu de distance. C'est pourquoi l'auteur a choisi de faire parler son biographe, un écrivain en rupture de contrat soudain engagé pour relater la geste épique de celui qui fonctionnera comme son maître.

 

Soif des records, vanité et littérature

Sans y toucher, l'oeil de ce biographe du quotidien observe d'un regard critique la vie de celui qui l'a embauché, met en évidence la vanité de ce François Sauval qui, issu du monde de l'informatique, décide, ambitieux, de devenir le bonhomme qui a inscrit le plus de records dans le Livre Guinness des Records. Donnant à voir certains de ces records, il en souligne la vanité. Or, certaines de ces tentatives ressemblent étrangement à des choses qu'on voit aujourd'hui, comme le tour du monde en montgolfière. Bertrand Piccard, sors de ce corps...

 

"La littérature a ceci de commun avec les exploits sportifs que tout a déjà été accompli. Il n'est bon que de refaire, encore et encore...": une phrase tirée du livre, citée en dédicace, suggère que la vaine soif des records de François Sauval a quelque chose à voir avec l'art littéraire, sommé d'innover mais bloqué par ces illustres et pesants pionniers qu'on nomme "les classiques". Lucidité de l'auteur de "Quand nous étions des ombres", qui se sait condamné à n'ajouter qu'un titre à la déferlante des romans publiés de nos jours? Celui-ci aura eu, en tout cas, le mérite et le courage d'aborder avec force et pertinence un thème rare, original.

 

De la banane à l'Histoire, via la culture

Originaux sont également les lieux choisis pour l'action, et en particulier le Honduras, dont l'auteur trace en parallèle une histoire saisissante et critique tendant à montrer un pays constamment mis en coupe réglée par une classe ou un peuple dominant - érigeant la banane en symbole de cette domination, mettant en évidence ce qu'il y a derrière ce fruit savoureux. On relève aussi la relation de la méconnue "Guerre de cent heures", dont le catalyseur a été un match de football. Dans les deux cas, l'auteur fait le grand écart entre des choses sympathiques en apparence et ce qu'il peut y avoir de détestable en coulisse. Cela, sans dramatisation inutile: un peu de distance suffit.

 

Et alors que François Sauval est obsédé par l'idée de laisser sa trace dans l'histoire, l'auteur met en scène, à un tout autre niveau, une vieille dame héritière d'une langue précolombienne en voie de disparition, fleuron d'une peuplade, les Charahuales, dont il ne reste que 97 mots recueillis par un missionnaire et enfermés dans une bibliothèque - terrible réduction, que l'auteur dessine à merveille, évoquant par épisodes la conquête et la domination de l'Amérique centrale par les Espagnols.

 

Ce qui pose la question de la transmission. Sur plusieurs décennies, l'auteur installe une lignée de femmes qui, de mère en fille, vont transmettre le fragile héritage culturel et linguistique des Charahuales. L'auteur sait ménager ici de l'émotion, par exemple lorsque la philologue Cassandra Schwarzer parle dans sa langue à l'ultime personne de cette culture, sur la base d'un lexique lacunaire.

 

Pour quelle jonction?

Mais (et c'est là que se rejoignent les deux récits, apparemment sans lien l'un avec l'autre) François Sauval, devenu dirigeant du bout de terre où vit la dernière des Charahuales, va-t-il s'en préoccuper? Et son biographe? De l'humble indigène sans cesse délogée ou du milliardaire blasé, qui va s'imposer dans l'histoire? Entre la culture millénaire et le fric milliardaire, l'auteur se garde de donner une réponse tranchée (quoique, vu le sort qu'il réserve à François Sauval...), et suggère que le destin, aveugle et absurde, aurait pu en décider autrement: "Il pourrait s'agir d'une parabole caricaturale opposant les gentils Indiens au capitalisme sans coeur, mais tout est simplement régi par le hasard et rien ne venait prédire cette collision de deux trajectoires, celle d'un individu obsédé par la gloire et celle d'un peuple voué à disparaître.".

 

En définitive, c'est bien le narrateur qui va se retrouver avec le double héritage de ces deux trajectoires. Des trajectoires que le roman, genre littéraire impossible à révolutionner mais qu'on peut encore pousser un peu plus loin, vainement, permet de rappeler.

 

Mikaël Hirsch, Quand nous étions des ombres, Paris, Intervalles, 2016.

Partager cet article
Repost0
8 septembre 2016 4 08 /09 /septembre /2016 21:28

Baden BadenLu par Gilles Pudlowski, Mina Merteuil.

 

Un guide de voyage littéraire? Chouette idée! C'est celle qu'ont eue les deux meneurs des éditions Andersen, Jean-Paul Klée et Olivier Larizza. Ambitionnant de proposer à leurs lecteurs des guides de voyage atypiques, ils ont commencé par évoquer Baden-Baden, station thermale allemande au passé prestigieux. Cela donne "Les charmes de Baden-Baden", un tout petit livre bien compact, facile à prendre en voyage, dans lequel s'invite un hôte de marque: Gérard de Nerval.

 

De lui, on ne dira rien, si ce n'est qu'il restitue la splendeur aujourd'hui insoupçonnée de la ville de Baden-Baden et de ses hôtes. Les pages citées, intitulées "Souvenirs de Baden", sont méconnues; elles convoquent les personnalités d'une époque qui fait rêver, tel le flambeur Fédor Dostoïevski, habitué du casino.

 

En résonance, arrive un bouquet d'évocations de Jean-Paul Klée, qui recrée à plus d'un siècle de distance ce que peut être aujourd'hui un voyage vers Baden-Baden, au départ de l'Alsace. Si l'on fait abstraction l'utilisation agaçante de l'esperluette, la prose du poète alsacien emmène agréablement le lecteur d'aujourd'hui vers ce qui l'attend. Cela, avec un certain sourire et un regard qui aime aller voir dans les chemins de traverse, voire se montrer imaginatif.

 

Ces deux interventions sont assorties de notes explicatives, volontiers instructives, en particulier en ce qui concerne Gérard de Nerval, qui évoque un monde qui n'est plus. Enfin, c'est Olivier Larizza qui assure les aspects les plus prosaïques du voyage, en indiquant ce que l'on peut découvrir dans la cité thermale, sur un ton amusé et parfois décalé.

 

La lecture a-t-elle été minutée? Je suis certain que ce livre de 90 pages écrites plutôt gros suffira pour une lecture tranquille et pétillante lors d'un voyage en train entre Strasbourg, siège d'une antenne de l'éditeur, et Baden-Baden - histoire de se mettre dans l'ambiance. Les auteurs promettent d'autres livres du même genre, plaçant en résonance un poète ancien et un écrivain actuel autour d'une destination de voyage. On se réjouit.

 

Gérard de Nerval, Jean-Paul Klée, Olivier Larizza, Les charmes de Baden-Baden, Paris/Strasbourg, Andersen, 2016.

Partager cet article
Repost0
5 septembre 2016 1 05 /09 /septembre /2016 21:30

Pignat EcosseDéfi Premier roman.

 

Passer de la nouvelle au roman: c'est le grand saut pour tout écrivain. En cette rentrée littéraire romande, l'auteur suisse romand Cédric Pignat s'y est essayé. Il propose "D'Ecosse", un roman marqué par la présence de John Steinbeck et Robert Louis Stevenson et habité, comme son titre l'indique, par l'Ecosse.

 

L'intrigue semble à la fois brève et difficile à cerner dans ses enjeux: curieusement obnubilé par un fait divers impliquant la mort violente de deux adolescentes en Ecosse, un personnage mordu de lectures, probablement Suisse, sans doute fonctionnaire sans histoire, décide d'y aller voir de plus près. Ses motivations? Elles sont mystérieuses, troubles sans doute, mais en tout cas, il ne va pas mener l'enquête en vue de révélations fracassantes. Le roman se termine du reste simplement sur la vision de la tombe de l'une des jeunes victimes, Fay McMullan.

 

Une fois de plus, l'auteur épate son lectorat par un style très travaillé, très écrit, dont la beauté ne peut qu'étonner. La scène d'ouverture, observée de près dans un aéroport, s'avère ainsi fort belle. Le langage de l'auteur, sa voix en somme, semble même s'être étendu depuis les nouvelles du recueil "Les Murènes", l'auteur creusant le sillon du beau verbe sans relâche. Les mots rares et précieux ne manquent pas. Cela suffit-il pour tenir la distance?

 

On l'a dit, l'intrigue reste floue. Cela laisse l'impression tenace que "D'Ecosse" peine à guider son lecteur. Le voyage littéraire s'offre du reste des détours plutôt longs, déclinés à plus d'une reprise en énumérations étirées, et où s'étendent des allusions biographiques amples au sujet des écrivains Robert Louis Stevenson et John Steinbeck, reflets avant tout des manies de lecture de l'un ou l'autre personnage. Enfin, l'alternance entre les différentes personnes, dispositif permettant de différencier les personnages, s'avère assez difficile à suivre. Cela, même si l'utilisation du "tu" pour donner la parole au narrateur permet à l'auteur d'interpeller le lecteur de façon forte.

 

"D'Ecosse" est un roman dense, long et sinueux (il aurait mérité d'être élagué, sans que soit compromise une certaine ambition de tout dire), souvent difficile à suivre en raison d'un fil conducteur en traitillé. On n'y trouvera pas non plus le son des cornemuses (ce qui n'est pas forcément un tort...), les ambiances des pubs n'arrivent que de manière épisodique, et on aurait attendu que l'auteur soit parfois plus proche de l'action que d'un style qui, souvent, a des allures de fin en soi.

 

Pourquoi lire "D'Ecosse" quand même, alors? Sans doute pour les beaux mots en pagaille, pour les phrases ouvragées, même si elles sont parfois bien longues. Il est donc permis de voir en "D'Ecosse" un message adressé avant tout aux passionnés du verbe ciselé et de l'art (littéraire) pour l'art.

 

Cédric Pignat, D'Ecosse, Vevey, L'Aire, 2016.

Partager cet article
Repost0
4 septembre 2016 7 04 /09 /septembre /2016 05:00

Idée de Celsmoon.

Avec: Abeille, Anjelica, Ankya, Azilis, Bénédicte, Bookworm, Caro[line],Chrys, Emma, Fleur, George, Herisson08, Hilde, Katell, L'or des chambres, La plume et la page, Lystig, Maggie, Mango, MyrtilleD, Séverine, Violette.

 

Rêverie d'un instant

 

C'est une rêverie dans mon coeur en délire,

C'est une rêverie, et mon coeur a vingt ans.

Il gambade, vois-tu, heureux et palpitant,

Car il voudrait, ce soir, t'arracher un sourire.

 

Il voudrait t'enchanter en grattant sur sa lyre

Et chanter le soleil et l'ardeur du printemps,

Versifier la nature en un rire éclatant

Et t'offrir le bonheur en des mots qu'il inspire.

 

Mais le soir est passé, la nuit fait place au jour

Et le temps passe aussi, sans espoir, sans amour,

Mon coeur était joyeux, toi tu étais farouche.

 

J'avais rêvé, vois-tu, de cueillir un baiser

Et rêvé plus encor qu'il m'était refusé...

Mais tu me l'as donné, brusquement, sur la bouche.

 

Maguy Brunet (1932-2016), dans Moniteur du Caveau stéphanois, numéro 132/octobre 1984.

 

 

Partager cet article
Repost0
2 septembre 2016 5 02 /09 /septembre /2016 20:23

Magini SeulLu par Folies d'encre, Goliath,

Défi Premier roman.

Le site de l'éditeur; merci pour l'envoi.

 

Trois regards alternés sur une tragédie. Le premier roman de Marco Magini frappe fort: fruit d'une obsession, "Comme si j'étais seul" est un livre profondément tragique qui illustre l'absurdité de certains épisodes guerriers, à l'exemple des guerres de Yougoslavie, et l'impuissance affolante de certains acteurs, incarnés en trois types: le casque bleu, le juge à la Cour Suprême, l'exécuteur malgré lui. Pour peindre ce dernier, l'auteur met en scène la figure réelle de Drazen Erdemovic, impliqué dans les tristement célèbres massacres de Srebrenica.

 

Trois regards pour rythmer un roman: le lecteur se laisse guider par le regard des trois figures qui dominent ce livre. Et l'auteur les rend humaines, profondément, ces figures, en imaginant ce qu'a pu être leur vie. Il sait surprendre et interpeller: la première vision de Dirk, casque bleu revenu au pays, qui casse tout dans son salon sans raison apparente, est le signe choc d'une folie éclatante.

 

Le personnage du juge Romeo est intéressant aussi, en ce qu'il trahit la duplicité d'une évolution de carrière: la délégation de cet homme âgé au tribunal pénal de La Haye, chargé des procès liés à l'ex-Yougoslavie, fait figure de voie de garage en or plaqué: certes, il est intéressant de relever un défi à un tel niveau, mais Romeo comprend, en s'occupant du cas de Drazen Erdemovic, qu'il s'occupe d'une affaire sans éclat. L'auteur excelle à montrer les mille et une facettes d'un juge qui est avant tout un être humain, faillible peut-être, déçu en tout cas, sensible à la personnalité de ceux qui sont amenés à rendre justice avec lui. A travers Romeo, c'est la neutralité même de la justice, rendue par des humains qui ont leur passé et leurs idées, qui est mise en cause.

 

Enfin, Drazen Erdemovic est la personne qui est au coeur de ce roman. L'auteur lui donne aussi toute sa biographie, gage nécessaire de profondeur. Il fait appel à l'adhésion du lecteur à ce personnage en le montrant, démuni et en charge de famille, contraint d'entrer dans une armée pour la troisième fois de sa vie: au gré de circonstances dont il est le jouet, ballotté par les aléas des guerres de Yougoslavie, Drazen aura porté trois uniformes. Ce qui l'amènera à contribuer bien malgré lui à l'un des massacres de Srebrenica, tuant pour ainsi dire à bout portant plusieurs dizaines d'hommes - l'auteur réserve là quelques pages particulièrement dures, en fin de roman.

 

Tragique? Le fait est que l'auteur montre que chacun de ses trois personnages, avec ses qualités et ses faiblesses, fonctionne selon des intérêts et des circonstances qui font qu'il ne peut en être autrement; dans un contexte de guerre, leurs consciences sont mises à l'épreuve. La figure de Dirk incarne au mieux l'impuissance des forces armées internationales du côté de l'ex-Yougoslavie, cette impuissance qui peut rendre fou et qui naît d'une discipline rigide, à mauvais escient selon l'auteur. Personnage finalement gris installé parmi un pool de juges aux motivations bien dessinées, Romeo se retrouve dans un rôle de pivot qui le dépasse au terme du procès de Drazen Erdemovic. Ce dernier, d'ailleurs, massacrant sous la contrainte à Srebrenica pour mériter sa solde, chargé d'une famille qu'il lui faut bien faire vivre, est-il vraiment coupable?

 

Absurdité de certains aspects de la guerre, mort injustifiée de civils: "Comme si j'étais seul" est un roman dur, fort et important autour d'un épisode des guerres d'ex-Yougoslavie, érigé en moment emblématique par un écrivain passionné qui n'a pas hésité à creuser des documents pas toujours faciles d'accès pour recréer au plus près, dans un souci constant d'humanité, ce qui s'est passé cet été-là dans un coin perdu d'Europe orientale. Pour son entrée en littérature, Marco Magini signe avec "Comme si j'étais seul" un roman puissant, terrible et nécessaire.

 

Marco Magini, Comme si j'étais seul, Paris, HC Editions, 2016, traduction de Chantal Moiroud.

Partager cet article
Repost0
31 août 2016 3 31 /08 /août /2016 21:57

Maeder PillagesLu par Francis Richard,

Le site de l'auteur, celui de l'éditeur.

 

Et de trois! Rachel Maeder propose avec "Pillages" un troisième roman mettant en scène la personne attachante, finaude et pas du tout orthodoxe de Michael Kappeler. Après un intermède du côté de la Seconde guerre mondiale ("Qui ne sait se taire nuit à son pays"), ce nouvel opus renoue avec l'égyptologie. Son titre l'indique: il sera question de trafics d'oeuvres d'art antiques.

 

Michael Kappeler? On se souvient de ce bonhomme qui aime les femmes et la bière, qu'il déguste volontiers dans un établissement genevois nommé "La Clémence". Dans "Pillages", le lecteur a l'impression qu'il se déchaîne: il se trouve toujours là où il ne le faudrait pas et a toutes les audaces. Dans la partition bien huilée d'une enquête policière, incarnée par les forces de police officielles, Michael joue le rôle constant et exquis de la dissonance féconde.

 

Il n'est certes plus question, dans "Pillages", d'un meurtre au Compactus comme dans "Le Jugement de Seth". Il n'y a même guère de cadavres, si ce n'est de légitime défense... Il sera plutôt questions de vols de pièces précieuses. En connaisseuse, l'auteure met en résonance les pilleurs de tombes égyptiennes d'antan et les trafiquants d'art d'aujourd'hui, suggérant qu'ils sont semblables finalement. En historienne, elle évoque à plus d'une reprise qu'une pièce historique restaurée hors de son contexte, sans respecter les règles de l'art, n'a guère plus de valeur qu'un bibelot, certes élégant dans le salon d'une personne aisée.

 

Des pièces historiques égyptiennes à Genève? Cela peut surprendre, mais est parfaitement cohérent: il suffit de visiter les collections du Musée d'art et d'histoire pour s'en convaincre. Il aurait été intéressant d'en savoir plus sur l'aspect particulier de leur arrivée dans la ville de Calvin; mais gageons que cela pourra faire l'objet d'un prochain roman. L'auteure soulève cependant un coin du voile en mettant en scène le personnage fictif de Nicolas Blondel, archéologue actif en Egypte dans les années 1905. Les citations de son journal et de celui de sa femme Zélie, complémentaires, donnent une indéniable épaisseur à "Pillages", de même que les citations de la presse d'aujourd'hui ("Le Temps", "Libération", etc.), où il est question de certains aspects du trafic d'objets d'art. Un sujet d'actualité, puisque l'Etat Islamique, de sinistre renommée, tire une partie de ses revenus de la revente d'objets archéologiques. Sans compter la question des Ports Francs de Genève, lieu de commerce discret, présente dans "Pillages".

 

Des vols, et la police qui mène l'enquête: on l'a compris, "Pillages" est un polar, le troisième de la romancière. Il est servi par une écriture fluide, organisée en chapitres courts qui garantissent une lecture qui va vite. La fin est un peu décevante: en somme, les coupables sont connus, mais il n'y a rien contre eux... Va-t-on donc les coffrer dans un prochain opus? Le lecteur préfère garder le souvenir d'un polar qui roule, servi par une romancière parfaitement au fait des enjeux de l'égyptologie et de la muséologie d'aujourd'hui. C'est vrai, quoi: qui aurait pu croire que la préparation d'une exposition sur l'Egypte ancienne aurait pu être si trépidante?

 

Rachel Maeder, Pillages, Lausanne, Plaisir de lire, 2016.

Partager cet article
Repost0
28 août 2016 7 28 /08 /août /2016 05:00

Idée de Celsmoon.

Avec: Abeille, Anjelica, Ankya, Azilis, Bénédicte, Bookworm, Caro[line],Chrys, Emma, Fleur, George, Herisson08, Hilde, Katell, L'or des chambres, La plume et la page, Lystig, Maggie, Mango, MyrtilleD, Séverine, Violette.

 

Fleur d'art

 

Oui - Quel art jaloux dans Ta fine histoire !

Quels bibelots chers ! - Un bout de sonnet,

Un coeur gravé dans ta manière noire,

Des traits de cana à coups de stylet. -

 

Tout fier mon coeur porte à la boutonnière

Que tu lui taillas, un petit bouquet

D'immortelle rouge - Encor ta manière -

C'est du sang en fleur. Souvenir coquet.

 

Allons, pas de pleurs à notre mémoire !

- C'est la mâle-mort de l'amour ici -

Foin du myosotis, vieux sachet d'armoire !

 

Double femme, va !... Qu'un âne te braie !

Si tu n'étais fausse, eh serais-tu vraie ?...

L'amour est un duel : - Bien touché ! Merci.

 

Tristan Corbière (1845-1875). Source.

Partager cet article
Repost0
26 août 2016 5 26 /08 /août /2016 20:21

hebergement d'imagePoète et romancier à la fois suisse, français et canadien, Jacques-Pierre Amée s'avère un écrivain complet, touchant à la poésie comme au roman, et lorgnant vers le théâtre. C'est en tout cas ce que suggère "Comme homme", son troisième roman (qui a son site). Un ouvrage surprenant.

 

La surprise est formelle, d'abord, et belle. "Comme homme" est en effet un ouvrage à l'écriture extrêmement travaillée. Elle est poésie et musique, nourrie parfois de jeux sur les mots et les polices de caractère, afin de montrer les écrits qui parsèment le récit tels qu'ils ont été produits par les personnages, ou presque. Le style est exigeant pour le lecteur; l'auteur a le bon sens d'éviter la lourdeur en proposant des chapitres courts. Ceux-ci n'enlèvent cependant pas une impression diffuse de lenteur, suscitée sans doute par la volonté de l'auteur de tout montrer de très près au fil des phrases, jusqu'aux moindres détails. Tout cela, quitte à tenter de faire croire que le style se suffit à lui-même.

 

C'est que le lecteur sera davantage déconcerté par l'intrigue qui se met en place dans "Comme homme". Facilement allusif, porté sur le détail, l'auteur oublie parfois de dire l'essentiel, ou au moins de le montrer. On ne comprend pas tout de suite, par exemple, ce qui attache Zo et Zach, ni qui sont, vraiment, les personnages qui gravitent autour d'eux: une fille morte dont l'auteur montre les photos curieusement dénudées sur la route en Haïti, un Jeff haut en couleur, traducteur à la petite semaine et humaniste à sa manière, dont la saveur ne se révèle pleinement qu'en fin de roman.

 

On s'étonne également de la proposition faite à Zach de devenir clown dans une pièce de théâtre: cet élément est posé assez vite dans "Comme homme", mais ne revient que de manière sporadique plus loin, dans le cadre plus large d'une pièce de théâtre qui se prépare en arrière-plan.

 

Si le regard de l'auteur goûte le détail, il aime aussi le flou artistique. On ne sait pas vraiment où se passe ce roman dont les noms de localités sont inventés, suggérant des lieux sauvages et campagnards. L'auteur donne cependant une piste en citant "Blur", un générateur de nuages éphémère créé pour l'exposition nationale suisse organisée en 2002 dans la région des Trois-Lacs. Des allusions au Valais suggèrent que le coeur de l'intrigue est en Suisse, mais en définitive, cela pourrait être tout ailleurs... De Haïti, l'auteur retient entre autres les terribles séismes, qui ont des conséquences concrètes sur le roman: lors d'un tremblement de terre survenu dans son enfance, Zo a perdu sa main droite.

 

Alors certes, l'histoire est déroutante, difficile à saisir si ce n'est en disant que "Comme homme" est le tableau d'un couple qui hante une cabane en un lieu sauvage mais qui reste connecté au monde. Plutôt qu'une intrigue solide et suivie, le lecteur goûtera donc dans "Comme homme" la saveur sans cesse renouvelée des mots précieux, du vocabulaire recherché, des sonorités et des rythmes. Et peut-être découvrira-t-il, au détour d'un code QR, ce qu'est vraiment la pièce de théâtre "Comme homme".

 

Jacques-Pierre Amée, Comme homme, Gollion, Infolio, 2016.

Partager cet article
Repost0
26 août 2016 5 26 /08 /août /2016 20:02

hebergement d'imageEncore des participations! Cette fois, c'est Sharon et Martine qui sont en vedette. Je vous invite à découvrir leurs billets sur des premiers romans:

 

Chez Martine:

Yan Gauchard, Le cas Annunziato.

 

Chez Sharon:

Guinevère Glasford, Les mots entre mes mains.

Emma Jane Holloway, Une étude en soie.

Sara Novic, La jeune fille et la mort.

Stéphanie Pélerin, (Presque) jeune, (presque) jolie, (de nouveau) célibataire.

Molly Prentiss, New York, esquisses nocturnes.

Valentin Spitz, Ce sera l'été.

 

Merci à elles pour ces nombreuses participations au Défi Premier roman!

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de Daniel Fattore
  • : Notes de lectures, notes de musique, notes sur l'air du temps qui passe. Bienvenue.
  • Contact

Les lectures maison

Pour commander mon recueil de nouvelles "Le Noeud de l'intrigue", cliquer sur la couverture ci-dessous:

partage photo gratuit

Pour commander mon mémoire de mastère en administration publique "Minorités linguistiques, où êtes-vous?", cliquer ici.

 

Recherche

 

 

"Parler avec exigence, c'est offrir à l'autre le meilleur de ce que peut un esprit."
Marc BONNANT.

 

 

"Nous devons être des indignés linguistiques!"
Abdou DIOUF.