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31 août 2016 3 31 /08 /août /2016 21:57

Maeder PillagesLu par Francis Richard,

Le site de l'auteur, celui de l'éditeur.

 

Et de trois! Rachel Maeder propose avec "Pillages" un troisième roman mettant en scène la personne attachante, finaude et pas du tout orthodoxe de Michael Kappeler. Après un intermède du côté de la Seconde guerre mondiale ("Qui ne sait se taire nuit à son pays"), ce nouvel opus renoue avec l'égyptologie. Son titre l'indique: il sera question de trafics d'oeuvres d'art antiques.

 

Michael Kappeler? On se souvient de ce bonhomme qui aime les femmes et la bière, qu'il déguste volontiers dans un établissement genevois nommé "La Clémence". Dans "Pillages", le lecteur a l'impression qu'il se déchaîne: il se trouve toujours là où il ne le faudrait pas et a toutes les audaces. Dans la partition bien huilée d'une enquête policière, incarnée par les forces de police officielles, Michael joue le rôle constant et exquis de la dissonance féconde.

 

Il n'est certes plus question, dans "Pillages", d'un meurtre au Compactus comme dans "Le Jugement de Seth". Il n'y a même guère de cadavres, si ce n'est de légitime défense... Il sera plutôt questions de vols de pièces précieuses. En connaisseuse, l'auteure met en résonance les pilleurs de tombes égyptiennes d'antan et les trafiquants d'art d'aujourd'hui, suggérant qu'ils sont semblables finalement. En historienne, elle évoque à plus d'une reprise qu'une pièce historique restaurée hors de son contexte, sans respecter les règles de l'art, n'a guère plus de valeur qu'un bibelot, certes élégant dans le salon d'une personne aisée.

 

Des pièces historiques égyptiennes à Genève? Cela peut surprendre, mais est parfaitement cohérent: il suffit de visiter les collections du Musée d'art et d'histoire pour s'en convaincre. Il aurait été intéressant d'en savoir plus sur l'aspect particulier de leur arrivée dans la ville de Calvin; mais gageons que cela pourra faire l'objet d'un prochain roman. L'auteure soulève cependant un coin du voile en mettant en scène le personnage fictif de Nicolas Blondel, archéologue actif en Egypte dans les années 1905. Les citations de son journal et de celui de sa femme Zélie, complémentaires, donnent une indéniable épaisseur à "Pillages", de même que les citations de la presse d'aujourd'hui ("Le Temps", "Libération", etc.), où il est question de certains aspects du trafic d'objets d'art. Un sujet d'actualité, puisque l'Etat Islamique, de sinistre renommée, tire une partie de ses revenus de la revente d'objets archéologiques. Sans compter la question des Ports Francs de Genève, lieu de commerce discret, présente dans "Pillages".

 

Des vols, et la police qui mène l'enquête: on l'a compris, "Pillages" est un polar, le troisième de la romancière. Il est servi par une écriture fluide, organisée en chapitres courts qui garantissent une lecture qui va vite. La fin est un peu décevante: en somme, les coupables sont connus, mais il n'y a rien contre eux... Va-t-on donc les coffrer dans un prochain opus? Le lecteur préfère garder le souvenir d'un polar qui roule, servi par une romancière parfaitement au fait des enjeux de l'égyptologie et de la muséologie d'aujourd'hui. C'est vrai, quoi: qui aurait pu croire que la préparation d'une exposition sur l'Egypte ancienne aurait pu être si trépidante?

 

Rachel Maeder, Pillages, Lausanne, Plaisir de lire, 2016.

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13 novembre 2013 3 13 /11 /novembre /2013 21:26

hebergeur imageLu par Souram.

Lu dans le cadre des défis Polars et Rentrée littéraire.

Les sites de l'auteur et de l'éditeur.

 

"Qui ne sait se taire nuit à son pays": un mot d'ordre que tout Suisse a vu passer, sous des formes diverses, parfaitement usuel du temps de la Seconde guerre mondiale. La Suisse a certes été épargnée par le conflit, mais elle est restée sur la défensive et en a subi certaines retombées. Mieux vaut donc rester discret! Ce slogan, Rachel Maeder en a fait le titre de son deuxième roman policier - un titre parlant, d'emblée! Le lecteur y retrouvera avec plaisir le personnage de Michael Kappeler, déjà rencontré dans "Le Jugement de Seth".

 

"Qui ne sait se taire nuit à son pays" constitue un roman policier bien ficelé et dûment documenté, sur la base de témoignages, de lectures et d'archives. La structure du récit en témoigne. Elle fonctionne sur le rythme ternaire imposé par la narration d'événements présents (vingt et unième siècle), la relation d'actions passées (Seconde guerre mondiale) et la transcription de documents d'époque tels que coupures de presse (authentiques) ou extraits d'un journal intime. Ce sont autant de voix et d'éclairages, diversifiés sans en faire trop, qui apportent une lumière multiple au récit.

 

Michael Kappeler est un individu bien de notre temps, les lecteurs du "Jugement de Seth" le savent - et reconnaîtront, dans "Qui ne sait se taire nuit à son pays", certains marqueurs, lieux, personnages ou échos de péripéties, du premier roman. L'auteur a trouvé une astuce pour plonger dans le passé tout en gardant Michael Kappeler: lui conférer une grand-mère. Elle en fait un personnage épatant: l'aïeule Alice Kappeler est curieuse, aime les mises en scène et s'avère têtue. Dès lors, si elle soupçonne que les morts qui s'entassent autour d'elle dans l'EMS où elle vit sa fin d'existence ne sont pas partis naturellement pour un monde meilleur, elle voudra absolument connaître le fin mot de l'affaire. Quitte à passer pour une vieille folle... et à effectuer des manoeuvres qui, d'un point de vue policier, relèveraient de l'entrave à l'action de la police (dissimulation d'indices, par exemple).

 

Une vieille folle manoeuvrière que certains critiques n'ont pas hésité à comparer à la créature d'Agatha Christie, Miss Marple - en moins fine, d'accord, puisque Alice Kappeler n'hésite pas à mettre les pieds dans le plat pour en savoir plus. Il est aussi possible de rapprocher "Qui ne sait se taire nuit à son pays" d'Agatha Christie lorsqu'on pense à la structure de ce roman: on y cherche un coupable, dont l'identité ne sera dévoilée qu'en fin de roman, dans une mise en scène où tous les intéressés sont présents, réunis dans une pièce par l'enquêteuse. Quant au cadre - un foyer pour personnes âgées - impossible de ne pas penser à "Carte vermeil" de Boileau-Narcejac, qui exploitait aussi, en 1979, les possibilités romanesques d'un tel lieu. 

 

Le lecteur qui découvre l'univers de Rachel Maeder à travers ce roman se trouvera plongé dans une intrigue serrée et bien documentée, faussement sereine, qui fait revivre à sa manière - c'est relativement rare dans le domaine romand - la vie durant la Seconde guerre mondiale du côté suisse, dans ce qu'elle pouvait avoir de peu reluisant: trafics transfrontaliers, conquêtes féminines, copinages avec l'Allemand qui pratique la contrebande. En parlant de la ville frontière de Vallorbe, l'auteure prend soin de signaler que cette localité, aujourd'hui site d'un centre d'enregistrement et de procédure (CEP) où transitent des réfugiés venus de loin, a déjà été le lieu d'accueil de réfugiés, juifs ou autres, durant la Seconde guerre mondiale.

 

Quant au lecteur qui a lu "Le Jugement de Seth", il retrouvera certains éléments familiers (l'agente de police Jeanne revient, l'auteure suggère la possibilité d'un amour retrouvé avec Michael tout en laissant la porte ouverte - se garderait-elle de la matière pour un nouveau roman?), et aura le plaisir de parcourir un ouvrage costaud, mené avec la sérénité que peut procurer la maîtrise d'un genre.

 

Rachel Maeder, Qui ne sait se taire nuit à son pays, Lausanne, Plaisir de lire, 2013.

 

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1 octobre 2013 2 01 /10 /octobre /2013 20:36

hebergeur imageLu dans le cadre des défis Vivent nos régions, Premier roman et Thrillers.

Lu par Gwen, La Livrophile, S. Lewerentz, MHF.

Le site de l’auteur et celui de l’éditeur.

 

A l’heure où l’écrivaine lausannoise Rachel Maeder fait paraître son deuxième roman, « Qui ne sait se taire nuit à son pays », il était grand temps pour moi de me plonger dans le premier de ses ouvrages littéraires, « Le Jugement de Seth ». Paru en 2012, il fait apparaître pour la première fois le personnage de Michael Kappeler, archiviste à l’université de Genève.

 

Genève ? On s’y croit. Les locaux de l’université sont bien présents, et même décrits, dans leur situation générale. Plus intéressant, le parc des Bastions et le mur des Réformateurs apparaissent régulièrement, dans ce qu’ils peuvent avoir de sinistre. Cela, sans parler des statues : il n’en faut pas moins pour installer une ambiance de scène de crime. Dans la langue de l’auteur, quelques helvétismes viennent appuyer cet ancrage résolument local et réussi.

 

Autre élément réussi : l’idée de départ. Si vous hantez les bibliothèques ou si vous êtes archiviste, sans doute connaissez-vous ces bibliothèques roulantes, sur rails, qu’on manœuvre avec des manivelles ou électriquement, qu’on appelle des « Compactus ». Peut-être avez-vous eu peur un jour de mourir, la tête accidentellement prise en étau entre deux de ces bibliothèques sur roulettes. Eh bien, l’auteur a osé ce point de départ accrocheur et original, envoyant ad patres le chercheur Adrien Meyer par ce moyen pour le moins cruel. Evidemment, cela n’a rien d’accidentel ici…

 

Enfin, le contexte égyptien ne manque pas d’épaisseur : l’auteure, titulaire d’un mastère en égyptologie, n’hésite pas à plonger dans le monde méconnu de la dynastie des Hyksos, ni à appuyer son roman sur un mystérieux document diplomatique qui a traversé les siècles. Le regard porté sur cet aspect paraît crédible aux yeux du lecteur.

 

Le récit va dès lors placer en concurrence l’archiviste Michael Kappeler, que tout accuse – ce que l’auteur démontre de manière implacable. Il va donc chercher le coupable afin de se disculper. Il parvient même à persuader la police de collaborer avec lui. Celle-ci est représentée un ensemble de personnes peu intelligentes, indisciplinées et sous-équipées. On peine un peu à croire que la police genevoise est à ce point mauvaise ! Cela dit, l’auteur convainc en mettant en scène des personnages ayant une certaine étoffe : un agent homophobe bien lourd qui cherche à coffrer un personnage homosexuel, une agente qui cherche à se faire sa place dans ce monde de mecs pas finauds en se démarquant…

 

Michael Kappeler lui-même représente la figure de l’étudiant célibataire typique, un peu bohème mais parfaitement dégourdi même avec un solide taux d’alcoolémie, tout à fait capable de mener des recherches en tous genres, qu’elles soient policières ou documentaires. Il se distingue par une gouaille qui m’a fort amusé. Il a un petit entourage fait d’amis et de professeurs, ce qui permet à l’auteur de dévoiler certains dessous de la vie universitaire, en particulier en suggérant, sans l’approfondir, la piste d’un trafic d’objets égyptiens antiques. Autant d’éléments qui lui donnent suffisamment d’étoffe pour qu’on ait envie de le retrouver dans un deuxième roman.

 

Rachel Maeder, Le Jugement de Seth, Lausanne, Plaisir de lire, 2012.

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