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13 novembre 2013 3 13 /11 /novembre /2013 21:26

hebergeur imageLu par Souram.

Lu dans le cadre des défis Polars et Rentrée littéraire.

Les sites de l'auteur et de l'éditeur.

 

"Qui ne sait se taire nuit à son pays": un mot d'ordre que tout Suisse a vu passer, sous des formes diverses, parfaitement usuel du temps de la Seconde guerre mondiale. La Suisse a certes été épargnée par le conflit, mais elle est restée sur la défensive et en a subi certaines retombées. Mieux vaut donc rester discret! Ce slogan, Rachel Maeder en a fait le titre de son deuxième roman policier - un titre parlant, d'emblée! Le lecteur y retrouvera avec plaisir le personnage de Michael Kappeler, déjà rencontré dans "Le Jugement de Seth".

 

"Qui ne sait se taire nuit à son pays" constitue un roman policier bien ficelé et dûment documenté, sur la base de témoignages, de lectures et d'archives. La structure du récit en témoigne. Elle fonctionne sur le rythme ternaire imposé par la narration d'événements présents (vingt et unième siècle), la relation d'actions passées (Seconde guerre mondiale) et la transcription de documents d'époque tels que coupures de presse (authentiques) ou extraits d'un journal intime. Ce sont autant de voix et d'éclairages, diversifiés sans en faire trop, qui apportent une lumière multiple au récit.

 

Michael Kappeler est un individu bien de notre temps, les lecteurs du "Jugement de Seth" le savent - et reconnaîtront, dans "Qui ne sait se taire nuit à son pays", certains marqueurs, lieux, personnages ou échos de péripéties, du premier roman. L'auteur a trouvé une astuce pour plonger dans le passé tout en gardant Michael Kappeler: lui conférer une grand-mère. Elle en fait un personnage épatant: l'aïeule Alice Kappeler est curieuse, aime les mises en scène et s'avère têtue. Dès lors, si elle soupçonne que les morts qui s'entassent autour d'elle dans l'EMS où elle vit sa fin d'existence ne sont pas partis naturellement pour un monde meilleur, elle voudra absolument connaître le fin mot de l'affaire. Quitte à passer pour une vieille folle... et à effectuer des manoeuvres qui, d'un point de vue policier, relèveraient de l'entrave à l'action de la police (dissimulation d'indices, par exemple).

 

Une vieille folle manoeuvrière que certains critiques n'ont pas hésité à comparer à la créature d'Agatha Christie, Miss Marple - en moins fine, d'accord, puisque Alice Kappeler n'hésite pas à mettre les pieds dans le plat pour en savoir plus. Il est aussi possible de rapprocher "Qui ne sait se taire nuit à son pays" d'Agatha Christie lorsqu'on pense à la structure de ce roman: on y cherche un coupable, dont l'identité ne sera dévoilée qu'en fin de roman, dans une mise en scène où tous les intéressés sont présents, réunis dans une pièce par l'enquêteuse. Quant au cadre - un foyer pour personnes âgées - impossible de ne pas penser à "Carte vermeil" de Boileau-Narcejac, qui exploitait aussi, en 1979, les possibilités romanesques d'un tel lieu. 

 

Le lecteur qui découvre l'univers de Rachel Maeder à travers ce roman se trouvera plongé dans une intrigue serrée et bien documentée, faussement sereine, qui fait revivre à sa manière - c'est relativement rare dans le domaine romand - la vie durant la Seconde guerre mondiale du côté suisse, dans ce qu'elle pouvait avoir de peu reluisant: trafics transfrontaliers, conquêtes féminines, copinages avec l'Allemand qui pratique la contrebande. En parlant de la ville frontière de Vallorbe, l'auteure prend soin de signaler que cette localité, aujourd'hui site d'un centre d'enregistrement et de procédure (CEP) où transitent des réfugiés venus de loin, a déjà été le lieu d'accueil de réfugiés, juifs ou autres, durant la Seconde guerre mondiale.

 

Quant au lecteur qui a lu "Le Jugement de Seth", il retrouvera certains éléments familiers (l'agente de police Jeanne revient, l'auteure suggère la possibilité d'un amour retrouvé avec Michael tout en laissant la porte ouverte - se garderait-elle de la matière pour un nouveau roman?), et aura le plaisir de parcourir un ouvrage costaud, mené avec la sérénité que peut procurer la maîtrise d'un genre.

 

Rachel Maeder, Qui ne sait se taire nuit à son pays, Lausanne, Plaisir de lire, 2013.

 

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commentaires

L
Un titre qui pourrait aussi s'adapter à d'autres pays que la Suisse, non ?<br /> Ah et ça me choque toujours de voir les noms féminisés : l'agente de police, l'auteure... les femmes ont donc tellement de complexes et se sentent si diminuées par rapport aux hommes pour avoir voulu flanquer des e partout ? ça m'éneeeeeerve ! ;-) (coup de gueule du dimanche matin, tout va bien !) des bises cher Daniel ! (quand fait-on enfin connaissance ?)
D
Ce titre peut effectivement concerner d'autres pays, mais on l'a beaucoup entendu en Suisse, et aussi lu comme slogan; il devrait donc parler à tous ceux qui ont participé à la &quot;Mob&quot; - la mobilisation des troupes suisses aux frontières nationales durant la Seconde guerre mondiale. <br /> <br /> Concernant la féminisation des noms, j'ai fini par m'y habituer un peu, ne serait-ce que par déformation professionnelle. Je trouve &quot;auteure&quot; pas très sexy, j'en conviens: &quot;autrice&quot; ou &quot;autoresse&quot; me paraissent de meilleur aloi. Et il faut aussi noter que chaque pays francophone a ses habitudes en la matière, parfois sous l'influence d'autres langues. Ainsi, planter des &quot;e&quot; muets partout est une tactique que l'on affectionne au Canada (procureure, auteure, etc.) Je te renvoie aussi à certaines réflexions de Michèle Lenoble-Pinson sur le sujet: parfois, ça relève presque de la lutte des classes...: http://www.cairn.info/revue-le-francais-aujourd-hui-2008-4-page-73.htm<br /> <br /> Enfin, gageons que la vie se chargera de nous offrir l'occasion de faire connaissance en vrai! Bises à toi!
A
Il faut les lire forcément dans l'ordre de parution ?
D
Non, &quot;Qui ne sait se taire nuit à son pays&quot; fonctionne très bien tout seul. Simplement, les résonances du &quot;Jugement de Seth&quot; prennent une autre résonance si tu l'as lu avant. A toi de voir, donc, en fonction de tes intérêts et tes goûts!

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