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Notes de lectures, notes de musique, notes sur l'air du temps qui passe. Bienvenue.

Une brèche en faveur des francophones

Ainsi donc, l'Académie française vient d'élire un quarantième Immortel en la personne de François Weyergans, qui coiffe au poteau, de justesse (12 voix sur 24 votants), sept ou huit candidats. Un choix qui confirme un cliché qui colle aux souliers de la vénérable institution, puisque c'est à nouveau un écrivain qu'on vient d'élire. On croit volontiers que ceux-ci constituent le plus clair des membres de la vieille dame du Quai de Conti; or, force est de constater que les gens de plume purs et durs, auteurs de textes relevant de l'imaginaire, constituent actuellement une minorité. Qui plus est, cela plaira à la famille d'Alain Robbe-Grillet, dont François Weyergans était, paraît-il, le poulain. Enfin, bel essai transformé pour celui qui, après avoir obtenu le prix Goncourt pour "Trois jours chez ma mère", obtient un fauteuil après... une seule candidature, alors que bon nombre de candidats doivent s'y reprendre à plusieurs reprises avant de pouvoir enfin revêtir l'habit vert.

Mais le cas François Weyergans soulève un autre aspect, celui des nationalités. On le sait en effet, l'auteur est belge. Il règne en revanche un certain flou artistique sur la nationalité voulue ou supposée d'un bon académicien. Bien des gens, y compris au sein de la docte assemblée, considèrent ou pensent qu'il faut être français pour siéger. Vrai? Le règlement ne dit rien à ce sujet: plutôt que d'être un pays, le candidat (et toute personne peut se porter candidate) doit être "de bonne compagnie".

Reste que l'idée a la vie dure. L'histoire a démontré que deux candidats au moins ont conservé leur nationalité d'origine: Léopold Sédar Senghor, Sénégalais, et Julien Green, Américain - qui cessa du reste brutalement de se rendre aux réunions du jeudi, laissant son siège désepérément vacant. L'histoire révèle également des cas de changement de nationalité. On pense d'abord au (presque) Suisse Victor Cherbuliez, né à Genève, et devenu français de par les hasards de sa vie, en 1880... soit un an avant son élection. L'un explique-t-il l'autre? Un biographe nous renseignerait. Il y a aussi le cas de Marguerite Yourcenar, Américaine au moment de son élection, qui récupère sa nationalité française après celle-ci. On la verra peu sous la Coupole, cependant.

Le cas de Jorge Semprún reste d'une évocation plus délicate. Son élection semblait jouée, lorsque quelque bonne âme, dans l'hémicycle, s'avisa de s'enquérir de sa nationalité. A partir de là, on lui fit des difficultés, face auxquelles il basta rapidement. Il siège à présent au sein de l'Académie Goncourt, et dit s'en porter tout aussi bien, d'autant plus qu'il s'agit d'un véritable aréopage d'écrivains. Reste que la question de la nationalité aurait eu pour but véritable, selon certains auteurs, d'écarter un candidat au passé gauchiste trop marqué.

Et avec un Belge sous la Coupole, peut-on espérer une représentation renforcée des francophones non français à l'Académie française? La question mérite d'être posée et, alors que c'est du Quai de Conti que viennent les règles régissant le bon usage, son enjeu n'est pas des moindres. Je doute que cela se fasse tout soudain, à la manière d'une révolution dont la compagnie est fort peu friande; mais dans quelques dizaines d'années, qui sait? Sur ce coup-ci, on a l'impression qu'une porte s'est entrouverte à la diversité du monde francophone.

Quant à moi, je vais faire remonter "Trois jours chez ma mère" dans ma PAL...

Photo: Flickr/Cyril Breton.

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J
Ton article est très intéressant Daniel. Je ne pensais que la nationalité française était tacitement requise pour postuler à l'Académie Française, sachant que l'un des deux rôles essentiels de cette académie est de défendre la langue française. A de nombreuses reprises, j'ai eu l'occasion de constater que la langue française (disons francophone) parlée en Belgique, en Suisse ou au Québec, supprimait de nombreux anglicismes que nous utilisons quotidiennement en métropole. Question défense de la langue française, les français de nationalité ne sont pas forcément les meilleurs représentants... Tout dépend de la personnalité du candidat et de son potentiel à promouvoir la langue...
D
<br /> En effet! Mais jusqu'à présent, on a le plus souvent eu affaire à des élus français, ou alors naturalisés. Et comme l'Académie française n'a pas de système de "membres correspondants" (à l'instar<br /> de l'Académie d'Espagne), il n'est pas évident de faire passer les éléments non français de la langue. D'un autre côté, si la mission de l'Académie française est de déterminer le plus petit<br /> dénominateur commun en matière de français (rien que des mots compris dans toute la francophonie, pas de régionalismes), pas sûr que ça soit souhaitable.<br /> <br /> Reste qu'en Suisse, nous luttons aussi contre les anglicismes... il y a une tentation assez détestable des agences de publicité zurichoise, consistant à concevoir les campagnes de pub en anglais en<br /> partant du principe que tout le monde comprend et que ça économise des frais de traduction. Reste qu'il n'est pas très agréable, pour le Romand de base, de lire "SALE" sur les vitrines en période<br /> de soldes...<br /> <br /> Pour découvrir des exemples de la défense du français en Suisse, va voir http://www.defensedufrancais.ch . Il y a quelques éléments assez cocasses, et<br /> beaucoup de sincérité.<br /> <br /> <br />
C
moi aussi mais à force de remonter tous les livres un à un, ils vont finir par retrouver leur place d'origine (tout au fond quelque part mais où ?)
D
<br /> <br /> On en est tous un peu au même point... et l'actualité nous suggère sans cesse des livres à lire, de manière plus ou moins directe.<br /> <br /> <br /> <br />