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13 octobre 2010 3 13 /10 /octobre /2010 20:44

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Lu dans le cadre du défi Héroïne.

Lu dans le cadre du % littéraire (7/7)

 

Avec "Le douzième Evangile", Jacques Guyonnet signe un ouvrage labyrinthique et généreux qu'on rangera dans les littératures de science-fiction clairement assumées. Il s'intègre à merveille à une dizaine d'ouvrages déjà parus, dans lesquels l'auteur donne libre cours à sa fantaisie pour peindre des univers qui, par cercles concentriques, partent d'un réel bien plat pour arriver à toucher aux mythes humains. Nouveauté de ce roman, cependant: ici, l'auteur se met dans la peau d'une femme, Mélissa, "obsédée sexuelle notoire et reporter vedette du plus grand Zine des Etats-Unis d'Europe"... et Mélissa est chargée d'identifier ce que les femmes préfèrent, enquêtes de terrain à l'appui. Donc traquenards il y aura, dans le sillage de l'affreux Sarkodile.

 

La photo de couverture, composition de l'auteur, est évocatrice. Un visage de femme y apparaît en transparence dans un rideau d'eau. Le sujet principal apparaît ainsi de manière littérale; quant aux "contre-sujets", à savoir la musique et la manière de "tomber dans la lumière", ils interviennent de manière métaphorique: le flux d'eau rappelle les flux musicaux, et les reflets du soleil dans l'eau dévoilent cette chute féconde, relatée par un Jacques des Ombres qui se présente comme le double de l'auteur (et de Dieu, accessoirement, sans qu'on sache trop qui, des hommes ou des dieux, a créé l'autre) pour en raconter certains épisodes autobiographiques, en contrepoint des aventures de Mélissa.

 

Le contrepoint est du reste mené de manière intéressante. Il constitue, en début de roman, un élément structurant fort dans la mesure où l'auteur fait alterner des chapitres relatifs à Mélissa, volontiers ludiques et verbalement inventifs, et d'autres parlant de la vie de Jacques des Ombres, plus factuels mais captivants pour qui s'intéresse au petit monde de la musique contemporaine: on y croise les compositeurs Yannis Xenakis, Pierre Boulez, Hugues Dufourt et quelques autres pointures. Ce jeu s'estompe à mesure que Mélissa se rapproche, artistiquement et sentimentalement, du personnage de Jacques des Ombres, jusqu'à ce qu'un langage commun émerge. Le talent rythmique de l'auteur intervient aussi dans le jeu subtil d'équilibres entre des chapitres plutôt courts, des paragraphes parfois très longs et des dialogues.

 

L'ouvrage peut paraître délirant, mais il est aussi construit sur une érudition certaine, caractérisée par un éclectisme assumé. Bécaud croise ainsi Boulez, Rimbaud rencontre Rushdie, et les citations, clins d'oeil et allusions sont nombreux. Quelques éléments de l'actualité immédiate nourrissent aussi le propos, par exemple des allusions aux crises de ces dernières années (ce qui permet à l'auteur d'introduire l'Amérique, un de ses thèmes de prédilection) ou l'ombre de Bernard Madoff.

 

Roman féminin, donc; roman féministe? A la différence de "On a volé le Big Bang", "Le douzième Evangile" est fortement sexuel - ce qui n'en fait pas un roman érotique pour autant, même si Mélissa parle volontiers des pouvoirs étranges de son string. La jouissance physique est ainsi exacerbée; mais elle fait partie d'un tout plus vaste. Ainsi, d'un autre côté, l'auteur loue sans relâche les qualités des femmes, perçues comme supérieures aux hommes. Le tout se résout dans l'idée que la femme, origine du monde (et pas que selon Courbet), est essentielle et a hérité de quelque chose du big bang.

 

On peut aussi se dire que par instants, Mélissa fonctione un peu comme un homme. Faiblesse? Cela me paraît explicable, dans la mesure où elle évolue, au début du récit, dans un monde où seules les femmes ont droit de cité; certains traits de caractère masculins se seraient-ils ainsi développés? De ce point de vue, la référence à Valerie Solanas est obligée; les observateurs de la rentrée littéraire 2010 penseront quant à eux au roman "Les Assoiffées" de Bernard Quiriny, même si les ambiances sont très différentes. Comment une telle société peut-elle fonctionner? L'auteur a ici ses réponses, à découvrir au fil d'un roman généreux, copieux même. Alors, les femmes préfèrent-elles les femmes? A vous de le découvrir.

 

Jacques Guyonnet, Le douzième Evangile, Genève, La Margelle, 2010.

 

 

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commentaires

H
<br /> Ce livre vaut sincèrement la peine d'être lu, connu et reconnu :)<br /> très belle critique, et très bonne journée<br /> <br /> <br />
D
<br /> <br /> Merci de votre visite!<br /> C'est effectivement un livre qui en vaut la peine! Il m'a fait passer quelques belles heures de lecture, même s'il intrigue à plus d'un titre. Mine de rien, il donne à réfléchir!<br /> Bonne journée à vous!<br /> <br /> <br /> <br />
S
<br /> Très space, comme bouquin, je ne sais pas rop s'il me plairait !<br /> <br /> <br />
D
<br /> <br /> Complètement fou, en effet... mais sur des bases solides et imprégnées d'une belle culture.<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> Quel rapport avec les origines officiels et autres apocrifes (là, j'ai dû faire pleins de fautes en un seul mot...°<br /> <br /> <br />
D
<br /> <br /> L'auteur considère que la femme est l'origine du monde (un clin d'oeil à Courbet); ce qui conduit tout droit au "big bang" - qui conclut d'ailleurs ce roman, de manière particulière.<br /> <br /> <br /> <br />

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