Idée de Celsmoon.
Avec: Abeille, Alex, Amos, Anjelica, Ankya, Armande, Azilis, Bookworm, Cagire, Caro[line], Celsmoon, Chrestomanci, Chrys, Claudialucia, Edelwe, Emma, Emmyne, Esmeraldae, Ferocias, Fleur, George, Hambre, Herisson08, Hilde, Julien, Katell, L'or des chambres, La plume et la page, Laurence, Lystig, Maggie, Mango, Marie, Mariel, Mathilde, MyrtilleD, Naolou, Restling, Roseau, Saphoo, Satya, Schlabaya, Sev, Séverine, Soie, Tinusia, Uhbnji, Violette, Yueyin, Zik
LE SOUPIR
Quant je contemple à part moy la beaulté
Qui cele en soy si grande cruaulté,
Je ne puis lors bonnement non me plaintre,
Et par souspirs accumulez esteindre
Ce peu de vie, et presque tyrer hors
L'ame gisant en ce malheureux corps,
Comme par ceulx qui du centre procedent,
Où mes tormens tous autres maulx excedent,
Donc, ô Souspirs, vous scavez mes secretz,
Et descouvrez mes douloureux regretz,
Quant vous sortez sanglantissans du cueur
Jusque à la bouche esteincte par langueur:
Où allez vous, Souspirs, quand vous sortez
Si vainement que rien ne rapportez
Fors un desir de tousjours souspirer,
Dont le poulmon ne peult plus respirer?
Souspirs espars qui tant espaix se hastent
Que pour sortir en la bouche ilz se batent,
Ne plus ne moins, quen estroicte fornaise
Lon voit la flamme yssir mal à son aise.
Souspirs soubdains et vistes et legiers.
Souspirs qui sont desloyeaulx messagiers.
Ha! qu'ay-je dit? desloyaulx,mais fideles,
S'entretenant par distinctes cordelles,
A celle fin que point ne m'abandonnent:
Et que toujours soulagement me donnent.
Souspirs menuz qui estes ma maignie,
Et me tenez loyalle compaignie
Les longues nuictz, au lict de mes doleurs
Qui est coulpable, et receleur de pleurs,
Lesquelz je mesle avec trespiteux plainctz,
Lors qu'à vous seulz tristement je me plains.
Souspirs secretz servans de procureur
Quand, pour juger ignorance, ou erreur,
Ilz vont pour moy vers celle comparoistre
Où je ne puis - au moins à presence - estre.
Que dira lon de vous, souspirs espaix
Qui ne povez dehors sortir en paix:
Levans aux cieulx vostre longue trainée?
Alors qu'on voit fumer la cheminée,
Lon peult juger par signes evidens
Qu'il y a feu qui couve la dedens:
Et quand souvent je sangloutte, et souspire,
Souspirs qui sont le souef et doulx vent
Qui vont la flambe et mon cueur esmouvant.
O toy, Souspir, seul soulas de ma vie,
Qui sors du sein de ma doulcette amye:
Dy moy que faict ce mien cueur trop ausé:
Je croy qu'il s'est en tel lieu composé
Quamour piteux si hault bien luy procure
Qu'il n'aura plus de moy soucy, ne cure.
Maurice Scève (1501-1564), "Blasons du corps humain", in Collectif, Poètes du XVIe siècle, Paris, Gallimard/La Pléiade, 1953/1991.