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24 avril 2014 4 24 /04 /avril /2014 22:08

hebergeur imagePouce manque son train. Du coup, il vit d'innombrables aventures qui vont le faire mûrir, l'espace d'une nuit. Matière dense et captivante que celle-ci! L'écrivain suisse Thomas Sandoz en fait son miel dans son roman "Malenfance", odyssée littéraire qui vient de paraître aux éditions Grasset.

 

La quatrième de couverture annonce que ce roman est une sorte d'"Alice au pays des merveilles" au masculin. Il est possible d'en discuter: le lecteur découvre plutôt, au fil des pages, des péripéties juxtaposées qui n'ont rien de merveilleux. Pouce a tôt fait de vivre le désenchantement que le monde réel lui livre à pleines brassées. Loin des épisodes étranges et oniriques orchestrés par Lewis Carrol, ceux que "Malenfance" met en scène sont d'un réalisme indéniable: bagarres avec les "grands", voiture qui suit Pouce de façon suspecte, larcins destinés à nourrir le chaton...

 

Chaton? Oui, il y a un chaton dans "Malenfance". On pourrait certes dire, avec un sourire en coin, que l'auteur cède ici à un effet de mode. Cela dit, le rôle du chaton est à la fois permanent, discret et sporadique. En effet, l'auteur le place sous la responsabilité de Pouce qui, du haut de ses onze ans, devra gérer cette vie animale défaillante mais confiante. D'un point de vue littéraire, ce personnage n'est pas omniprésent; l'auteur lui donne une présence intermittente qui suffit à dire au lecteur que Pouce est un garçon responsable. Une expérience d'adulte? On peut le voir ainsi. Dès lors, le chaton fait partie des éléments concrets qui vont indiquer l'issue de ce roman: une sortie de l'enfance.

 

C'est que chaque épisode va contribuer au désenchantement de Pouce qui, subitement, va grandir en une seule nuit. L'auteur réserve au lecteur une surprise agréable: il s'arrange pour lui donner l'impression de découvrir les cadres successifs de l'action en même temps que Pouce. Ce procédé offre l'occasion de se mettre dans la peau de ce personnage, et de vivre les péripéties de Pouce "en étant lui".

 

Dans le contexte d'un basculement de l'enfance vers autre chose, l'auteur place aussi les jalons de la jeunesse. Ceux-ci prennent essentiellement la forme de marques et d'objets commerciaux (Mickey, mais aussi Matchbox, Scrabble, Monopoly, etc.). Ces objets sont le plus souvent perdus (la voiture Matchbox, par exemple, tombée dans le caniveau), disparus, ou présentés comme des souvenirs; à ce titre, ils sont l'image du passage de l'enfance à l'âge adulte, un passage qui s'accompagne de renonciations parfois difficiles.

 

Enfin, il y a une certaine suissitude dans "Malenfance". Certes, les lieux mentionnés sont imaginaires, mais certains traits tels que le bilinguisme local rappellent les lieux où l'auteur vit. Un auteur qui fait de son personnage principal son parfait contemporain... Si ces questions ne sont pas indispensables à la compréhension de ce roman, elles vont immanquablement créer un écho chez un lecteur lelvétique.

 

L'auteur faisait usage d'une ponctuation sans complications dans "Les temps ébréchés"; on retrouve cette manière d'écrire, envoûtante mine de rien, où dominent les points et les virgules, dans "Malenfance". L'auteur crée ainsi une ambiance simple et directe, qui laisse toute la place à la succession de péripéties de son roman, mais aussi aux références permanentes aux parents de Pouce. Peu aimables, protecteurs à l'excès, ceux-ci sont systématiquement présentés dans le cadre de flash-back qui, juxtaposés au récit sans annonce particulière, laissent entendre que le passé enfantin de Pouce, sa famille, sont aussi importants que ce que la vie lui réserve au présent.

 

"Malenfance" n'est pas long, c'est vrai. Les lecteurs adultes, auquel ce roman s'adresse, apprécieront de trouver ici un personnage pour ainsi dire enfantin qui aura le courage, un peu plus souvent qu'à son tour, de penser quelques vérités. Définitivement éjecté hors de l'enfance en fin de roman, Pouce conservera de celle-ci quelques références artistiques, entre Disney et la grande musique. Et l'expérience forte d'un voyage initiatique au sein du pays réel.

 

Thomas Sandoz, Malenfance, Paris, Grasset, 2014.

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