Notes de lectures, notes de musique, notes sur l'air du temps qui passe. Bienvenue.
Le challenge "Chick Litt For Men" est en train de faire des dégâts chez moi. Vous vous souvenez peut-être, en effet, de ma lecture en
demi-teinte de "Je vous aime" de Catherine Siguret.
Depuis, je me suis promis de revenir au genre de la chick lit afin de découvrir quelque chose de plus riche en péripéties, de plus alerte aussi. Et force m'est d'avouer qu'avec "Very Important
Pénélope B.", qui fait suite au roman "La double vie de Pénélope B." mais se lit très bien de manière isolée, j'ai été servi.
Le "pitch" (pour reprendre une expression utilisée dans le roman, et source d'un petit malentendu)? Avec son blog de filles, Pénélope Beauchêne, Bretonne montée à Paris, connaît un succès
colossal. Du coup, une éditrice aux épaules solides lui propose d'en faire un livre. Le récit démarre au moment du bon à tirer, que Pénélope ne relit pas parce qu'elle est en vacances.
Grave erreur, puisque l'éditrice s'est amusée à y glisser en douce quelques pointes que l'auteur ne souhaite pas forcément assumer...
On le constate vite, la trame est classique: nous avons affaire à un personnage presque ordinaire soudain dépassé par un succès aussi inattendu qu'énorme, avec pipolisation endémique, soirées en
pagaille et harcèlement médiatique en prime. L'histoire est riche en péripéties, on l'imagine, et Pénélope Beauchêne est régulièrement placée dans des situations impossibles qui n'ont pas
grand-chose à envier à certaines scènes des aventures de Bridget Jones. On pense en particulier à la randonnée en montagne où, mal équipée, Pénélope est un peu à la peine.
Servie par une plume pétillante qui ne recule pas devant le néologisme ("pétasser", "langue-de-putifier"), ni devant le name-dropping savamment dosé, la narration est habile. Au début, les
chapitres prennent la forme de tableaux de genre: Pénélope en randonnée, Pénélope rencontre les parents friqués de son ami Victor, etc. Mais peu à peu, cela prend de l'ampleur, et donne à voir
une trame aux fondations solides. L'affaire du bon à tirer rebondit après une bonne centaine de pages. La ficelle est peut-être un peu grosse (ça sent l'embrouille dès le début), mais elle permet
de faire réellement entrer son personnage dans le tourbillon d'une action riche.
Dans quel monde la blogueuse et écrivain Pénélope Beauchêne évolue-t-elle? Là aussi, nous avons un petit côté classique, avec une nuée de personnes quasi célèbres, auxquelles il manque peu
pour passer l'épaule: Victor (l'héritier que tout le monde s'arrache) est producteur de télévision, Lili (la belle rousse aux humeurs déprimées) est chroniqueuse, Axel (le gars immature au
tempérament d'artiste) est dans la mode (comme j'ai compris), etc. On l'a compris: les personnages ont des contours suffisamment caractérisés pour n'être pas interchangeables,
jusqu'à Ombeline, la méchante de l'affaire, dans l'ombre de laquelle évolue une quasi-figurante moins présente nommée Iris. Pénélope elle-même, avec ses petits soucis vite dramatisés à force
d'hyperboles, devient une figure attachante dès les premières pages, où elle démolit un à un les clichés traditionnellement liés aux vacances à la mer.
A travers ce récit, c'est aussi un jeu entre le vrai et le faux que l'auteur propose. La chick lit serait-elle un genre des futilités? Entre fringues, soirées, bonnes boissons, chaussures,
magazines, etc., celles-ci occupent une bonne part du terrain de "Very Important Pénélope B.", ce qui s'explique aussi par la célébrité soudaine du personnage principal - une célébrité aussi
volatile que celle qu'on peut avoir lorsqu'on tient un blog: quelques jours d'absence et on n'existe plus... Le faux trouve ici son expression dans les photos "prises sous un angle compromettant"
publiées par les tabloïds, dans la stressante séance de maquillage et d'habillage en vue du passage de Pénélope Beauchêne à la télévision, etc. Et il arrive que le faux se heurte à la réalité...
ce qui fait du dégât: ruptures, coups de théâtre, couples et amitiés qui se font et se défont en une ronde complexe et éprouvante (pour les personnages), manigances en coulisses même: pour
l'éditrice, dont l'emploi est un siège éjectable, l'essentiel est que le livre de Pénélope Beauchêne soit "bankable".
Un ouvrage léger, donc, mais reposant sur des bases bien assises. Je dois avouer y avoir pris un certain plaisir - celui qu'on prend à succomber à quelque péché mignon. Le doigt dans le pot de
confiture, quoi...
Anne-Solange Tardy, Very Important Pénélope B., Paris, First Editions, 2008.
Le blog de l'auteur: http://www.cachemireetsoie.fr
L'ancien blog de l'auteur: http://unemouetteaparis.canalblog.com/