Deux
chapitres en guise d'entrée, pour présenter les personnages du récit: tel est le point de départ de "Je vous aime", roman de Catherine Siguret, rattaché au genre de la "chick lit". Et ces
personnages, qui sont-ils? A ma gauche, vous avez Alice, sans nom de famille, qui exerce le dur métier de nègre (tout comme l'auteur, d'ailleurs). Le chapitre constitue une visite de son âme, de
son système de fonctionnement psychologique - de quoi se familiariser un peu avec elle. L'incipit plonge du reste le lecteur dans le vif du sujet sans tergiverser, en lâchant sans ambages: "Le
message se résumait au titre: "J'aimerais vous revoir." Hop, envoyé, You'Ve Got Mail.
A qui ce courriel? A un écrivain célèbre, pardi! Dans le récit, c'est un trentenaire portant beau, homme à femmes, dénommé Philippe Musil. Homme sans qualités... littéraires ou clone de Guillaume
Musso? Le lecteur comprend assez vite qu'il a affaire à un prédateur, et l'auteur le souligne à l'occasion, à l'aide de vocables choisis: "traçabilité" de la fille (p. 68), "animal" (p. 72, en
parlant d'Alice). Homme de terrain, il ira jusqu'en province pour savoir qui est vraiment Alice.
En tombant amoureuse d'un tel bonhomme, Alice semble prolonger un modèle qui semble être celui de son existence, à savoir celui d'une certaine fuite du réel, assez bien dessiné par le choix de
l'auteur de montrer ce qui se passe dans les âmes de ses personnages. Ainsi, Alice écrit des livres, mais par procuration; elle utilise son PC pour communiquer, cherche l'évasion dans la lecture
de la presse quotidienne... et tombe amoureuse d'un personnage a priori inaccessible. A eux deux, ils incarnent du reste tout un faisceau de marqueurs propres à faire rêver dans les chaumières:
métiers confortables voire très lucratifs dans un milieu courtisé (et du reste esquissé par l'auteur) à Paris, soirées intellos au Collège de France, boutiques chics de bougies, soin apporté
à la décoration d'intérieur chez Alice, etc.
Toute l'histoire va donc se résumer au rapprochement de deux êtres que tout, apparemment éloigne. Tout, vraiment? L'auteur s'amuse beaucoup à un petit jeu de coïncidences et de points
communs qui rappelle les premiers temps du flirt, quand elle et lui recherchent ensemble les points qui leur sont communs. Là, il y en a une brassée, qui égrènent le récit - à tel point qu'on se
demande, à un moment du récit, si l'écrivain à succès n'est pas amoureux d'un de ses personnages. Tout y passe, du plus probable au plus surréaliste: l'auteur se demande depuis toujours qui
habite derrière la fenêtre d'Alice, les tourtereaux fréquentent tous deux le Flore (mais pas aux mêmes heures), se fournissent en bougies au même magasin, etc.
L'écrivain regarde donc ses personnages être et évoluer, et cela même par procuration, puisqu'elle confie à la meilleure amie d'Alice (du reste pas mal effacée, quand on pense à Renaud, le
meilleur ami de Philippe Musil) le soin de raconter l'histoire, hésitant entre le "je" et le "nous" puisque la narratrice semble se faire le porte-parole de toute une clique d'amis qui, du
coup, semble bien informée... Le parti pris psychologique présente un double inconvénient: il n'est pas toujours drôle (contrairement à un "Bridget Jones" ou à un "Le Diable s'habille en
Prada", l'ouvrage manque de péripéties et de rebondissements, si
l'on exclut, peut-être, le faux bond d'Alice au réveillon de Noël) et occulte un peu le décor de rêve que peut constituer Paris, capitale des amoureux, pour une telle histoire.
Alors, au final? Une lecture en demi-teinte: les trois premiers chapitres sont un peu lents, un peu trop psychologisants - et convenus quand il y a de l'action. Cela commence à rebondir au
chapitre 4 - et là, on est un peu mieux accroché, jusqu'à la conclusion, attendue: si je vous dis que ça se termine par un mariage, ne venez pas me dire que c'est un spoiler. Tout au plus vous
laissé-je la surprise de savoir quelle est la nature de la paire de jumeaux qui naîtra de leur union, après une gestation de 147 pages...
Catherine Siguret, Je vous aime, Paris, Fleuve Noir, 2006/Presses Pocket, 2008.
Lu dans le cadre du challenge "Chick Lit For Men". Je n'exclus pas de remettre ça en cours d'année.
Le site de l'auteur: http://www.catherinesiguret.com/