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11 mai 2013 6 11 /05 /mai /2013 16:48

Dans le sillage du centenaire de la naissance de Corinna Bille, les éditions InFolio ont eu la bonne idée de publier l'an passé, dans leur collection "Le Cippe" (dirigée par le poète suisse Patrick Amstutz), deux petits ouvrages de littérature secondaire portant sur Corinna Bille et son oeuvre. Le premier est une étude consacrée à "Théoda", premier roman de l'auteur, et le deuxième est un hommage collectif.

 

hebergeur imageSignée Pierre-François Mettan, l'étude "Théoda de S. Corinna Bille" aborde l'oeuvre sous ses divers aspects. Une mise en contexte en constitue le début, avec entre autres les liens qui rattachent l'auteure valaisanne à Charles-Ferdinand Ramuz - ainsi que ce qui éloigne les deux écrivains, à savoir, pour Corinna Bille, le rejet de la "langue-geste" et du roman parlant typiques de Ramuz. Il y est également question de la manière dont Corinna Bille a exploité sa vie personnelle pour en tirer "Théoda" - sans parler, bien sûr, du fait divers qui en constitue le socle. En conclusion enfin, et c'est une partie fort instructive, l'auteur évoque d'autres oeuvres de l'auteur, entre autres "La Fraise noire", et met en évidence leurs liens avec "Théoda". Cet ouvrage pourra paraître un peu théorique au lecteur qui n'a pas lu "Théoda"; mais il saura aussi l'inciter à s'y plonger. Et il sera fort utile à toute personne désireuse d'approfondir sa lecture du premier roman de Corinna Bille.

 

hebergeur imageGénéraliste, le petit livre "Cippe à Corinna Bille, un recueil d'hommages" se caractérise par la diversité de voix et des regards portés sur l'écrivain: trente-cinq auteurs et quinze artistes y ont contribué, sous les formes les plus diverses. Leurs profils sont en effet variables: chercheurs, artistes, personnes ayant côtoyé l'écrivain, poètes, témoins, personnalités politiques même (avec la députée Géraldine Savary). Le lecteur relèvera ici, par exemple, le témoignage de l'écrivain Blaise Hofmann qui, en sa qualité d'enseignant, a abordé "Théoda" en cours avec des lycéens. Ou le portrait de femme que Florence Heiniger, journaliste littéraire, brosse du personnage de Théoda. Certains textes pointent des aspects de la vie de l'auteur, par exemple la contribution de Gilberte Favre, biographe, qui rappelle que Corinna Bille reste fort populaire au Liban. Enfin, les contributions artistiques constituent un intéressant contrepoint visuel au propos. Au terme de sa lecture, le lecteur aura ainsi eu l'impression de parcourir une mosaïque recréant un portrait vivant et détaillé de l'écrivaine valaisanne.

 

Pierre-François Mettan, Théoda de S. Corinna Bille, Gollion, InFolio/Le Cippe, 2012.

Collectif, Cippe à Corinna Bille, un recueil d'hommages, Gollion, InFolio/Le Cippe, 2012.

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10 mai 2013 5 10 /05 /mai /2013 06:53

hebergeur imageLu dans le cadre du défi "Nouvelles".

 

L'écrivaine suisse Corinna Bille aurait eu cent ans l'an dernier. Il était donc grand temps que je m'y remette, et l'occasion m'en a été donnée ce printemps, lorsqu'on m'a prié d'animer dans le cadre du Salon du Livre de Genève, une table ronde sur celle qui, en 1975, obtint la bourse Goncourt de la nouvelle. En plus de deux excellents ouvrages de littérature secondaire, un supplément de chance a mis entre mes mains "La Fraise noire", recueil de nouvelles publié pour la première fois par la Guilde du Livre, un éditeur suisse, en 1968, et réédité en 1976 et en 1999 par Gallimard.

 

"Pourvu qu'une histoire ne me vienne pas en ce moment!", craignait l'auteur lorsqu'elle s'affairait aux tâches du ménage, tant il est vrai que sans cesse, elle ressentait l'irrésistible besoin d'écrire. Cette aisance transparaît dans les textes recueillis dans "La Fraise noire". Classique, leur style est empreint d'une grande simplicité et d'une spontanéité indéniable, loin des "alambics" que l'auteur disait détester. Ce qui n'empêche pas le soin apporté à la musicalité du texte et au travail de la parole des personnages. Ni l'amour du détail, d'ailleurs: si l'issue de "Ma forêt, mon fleuve" est un peu attendue, cette nouvelle doit sa richesse à l'observation fine de la maturation sentimentale de la narratrice - adroitement structurée sous la forme d'un journal. Et sans insister lourdement sur la peinture de la région où ses récits se déroulent, l'auteur n'hésite pas à utiliser, à l'occasion, un mot rare et précieux pour désigner un élément naturel avec exactitude.

 

Cette fraîcheur est mise au service d'une certaine vision du Valais du vingtième siècle. Une vision sans fausse nostalgie, sans recherche d'esthétisme controuvé, qui consacrerait une époque aussi belle que révolue et imaginaire. Au contraire, l'auteur ne recule pas devant la confrontation entre un Valais ancestral et l'irruption de la modernité. Si la nouvelle "La Fraise noire" prend des allures de vendetta corse, "Toute la vie devant moi" met en scène la diaspora des ouvriers italiens installés en Suisse, avec leur propre mentalité. Le surnom du personnage principal masculin de cette nouvelle est "Tête-de-mort", suggérant le caractère mortel de toute vie, en contrepoint à ce que suggère le titre.

 

Il y a aussi, chez Corinna Bille, le goût des personnages qui se détachent de leur entourage, qui jurent, que ce soit par les couleurs, par leur attitude, par leur histoire en un mot. La femme qui évolue dans "La Fraise noire" a donc deux hommes dans sa vie, en plus de son mari, une situation atypique. On se souviendra d'ailleurs que cette nouvelle constitue le développement d'un épisode originellement prévu pour "Théoda", premier roman de l'écrivain, abandonné en cours de route - puis repris sous une forme nouvelle. Et Dieu sait que Théoda, femme venue d'ailleurs et installée en Valais au côté de son mari, jamais totalement acceptée par son entourage, dépeinte comme trop belle, trop colorée, représente l'archétype de la figure qui se détache du décor.

 

Simplicité, modernité, soin du détail: pour ces raisons, il faut lire ou relire Corinna Bille, qui a su saisir une époque et sait observer avec finesse les âmes humaines de ses personnages, avec une prédilection pour celles des fous, des ivrognes et de celles et ceux qui sortent de l'ordinaire par un trait de leur existence.

 

Corinna Bille, La Fraise noire, Paris, Gallimard, 1999, préface de Dominique Aury.

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