Cela fait cinq ans que je me rends à Saint-Vaury, dans la Creuse, pour y participer au rituel championnat d'orthographe départemental. Départemental? De moins en moins, vu les origines de plus en plus variées des candidats, issus de tout le Limousin, d'Auvergne, voire de toute la France. Le huitième Championnat d'orthographe de la Creuse a en effet accueilli, cette année, le club d'orthographe de Châtellerault (Vienne), venu en nombre traquer les pièges et astuces linguistiques de Jacqueline et Louis-Claude Bayol, organisateurs de ces joutes.
Intitulé "Lettre ouverte à mon petit-fils", le texte dicté samedi dernier est fidèle à ceux proposés à Saint-Vaury: de l'émotion, un vocabulaire fort varié et pas toujours évident, et des thèmes chers aux auteurs: la lecture, l'instruction, mais aussi les mystères de l'informatique, qui permettent d'amener un vocabulaire assez inattendu. Certes, chacun ici sait ce qu'est un geek; mais tous les participants, réunis pour la dictée à la salle des fêtes de Saint-Vaury, ne connaissaient pas l'expression. Un geek devrait par ailleurs savoir ce qu'est le "prolog", mais, placé dans un contexte peu éclairant, ce nom de langage informatique a laissé bien des candidats sur le carreau.
Contexte peu éclairant? C'était celui de la fin de la dictée, réservée aux douze valeureux "professionnels" et anciens champions, dont j'étais. Qu'y avait-il là-dedans? Un bel inventaire à la Prévert où se côtoyaient l'homilétique ("cette partie de la rhétorique qui traite de l'éloquence de la chaire"), un petit coup de Nietzsche, connu pour sa graphie tortueuse, un clin d'oeil à Quinton et surtout le clou du spectacle: l'Edda prosaïque, ouvrage mythologique d'un certain Islandais nommé Snorri Sturluson. Un nom à coucher dehors, dites-vous? C'est ce que tout le monde s'est dit... moi y compris. Quelques cendres volcaniques de l'Eyjafjöll (non non, rassurez-vous: ce truc-là n'était quand même pas dans la dictée! Cela dit, pour la prochaine, il serait bon de savoir écrire ce mot) ont donc saupoudré ce texte de manière inattendue.
A noter aussi, et cela a pu en faire trébucher plus d'un, que les fautes de majuscules étaient décomptées - une pratique qui tend à se répandre, entre autres sous l'impulsion de Jean-Pierre Colignon, grand organisateur de dictées devant l'Eternel. Dans la "Lettre ouverte", quelques titres d'ouvrages ont par exemple donné du fil à retordre aux candidats, de ce point de vue également.
Avec sept fautes, j'ai ainsi terminé quatrième de la catégorie des professionnels - j'égale ainsi mon meilleur résultat à cette dictée. Le texte était, à mon avis, un poil moins complexe que l'an passé, et parfaitement étalonné pour que les meilleurs de chaque catégorie puissent se vanter d'avoir fait un nombre de fautes avouable. Mme Bayol se refuse à placer des jeux de mots et autres homonymies piégeuses dans ses textes; mais même sans ces artifices, elle se débrouille très bien pour tendre ses lacs grammaticaux et orthographiques tout au long de ses dictées.
Le palmarès des seniors professionnels: 1. Guy Deschamps (Calvados); 2. Guillaume Terrien (Isère); 3. Daniel Malot (Essonne); 4. Daniel Fattore (Fribourg). Je signale ici que Guillaume Terrien, médaille d'argent, vient de lancer un site Internet d'apprentissage et de perfectionnement de l'orthographe à l'enseigne d'Orthodidacte, que je vous invite à visiter: http://www.orthodidacte.com.
Photo: http://www.annuaire-mairie.fr