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14 février 2010 7 14 /02 /février /2010 22:35

Photobucket"A Monsieur Daniel Fattore, dans l'espoir que ce livre ne le scandalisera pas... trop", m'écrivait Malaren en dédicace à son roman "Le Sacre des impostures", acquis le 17 octobre à la Fête du Livre de Saint-Etienne. Le bandeau qui enserre ce roman aux allures mystérieuses, publié par un petit éditeur niçois (FEEL), interroge: "Faut-il interdire ce livre?" Et le prière d'insérer va plus loin en demandant s'il est permis de relater les faits que contient ce roman. Nous voilà prévenus: l'auteur se pose en lecteur non conformiste de l'histoire contemporaine, plus précisément de celle de la Seconde guerre mondiale, entre collaborateurs et résistants.

On l'imagine, le sujet peut être délicat. L'auteur prend le parti, risqué, de monter un roman des grandes familles, saga qui relate la destinée presque maudite des Valfort et de leur château, situé quelque part entre Lyon, Roanne et Saint-Etienne. On pense rapidement aux "Aristocrates" de Michel de Saint-Pierre... Dès le départ, le lecteur est plongé dans la description de la propriété de Valfort, enjeu du récit et lieu d'Histoire, dans une entrée en matière plutôt lente qui invite le lecteur à se laisser intriguer. Face à eux, on trouve les communistes, présentés comme détestables, Despréaux en tête...

Vision manichéenne? On peut le craindre: comme dit, les communistes n'ont pas le beau rôle. Mais la famille Valfort n'est pas dépourvue de tout reproche, entre alliances, mésalliances et pièces indignes. La subtilité de l'affaire, et son aspect potentiellement sensible, est ailleurs: regroupant d'anciens combattants de la Grande Guerre, le camp des Valfort passe beaucoup de temps à discourir de politique. Et qu'est-ce qu'on trouve là? Un facteur de pianos juif, un résistant pétainiste, une noblesse ancienne dont le point commun est une vision très critique de Charles de Gaulle, perçu comme un planqué à Londres, volontiers surnommé "L'Asperge". Pétain, de son côté, est vu comme un chef faible, collaborateur pour protéger la France (certains personnages croient même, jusqu'au bout, à la pureté de ses intentions), alors que Laval fait figure de collabo zélé. L'univers religieux catholique est également présent: prêtres héroïques, encyclique "Mit brennender Sorge", etc. On attend Pie XII, c'est Pie XI qui est évoqué ainsi.

Il conviendrait certes d'analyser à fond les faits parfois méconnus que l'auteur relate ou évoque, tels le non-transfert de Pétain en Algérie, du côté des Américains, qui lui eût valu la gloire car il aurait signifié un refus de combattre du côté de l'occupant allemand. La force de ce roman réside cependant dans les prises de position que les Valfort et affiliés, résistants de la première heure, responsables très tôt d'un réseau qui fait passer les Juifs en Suisse via le Léman, adoptent face aux faits et aux idées. L'auteur fait preuve ici d'une grande liberté et essaie d'adopter le point de vue de ses personnages, non filtré par tout ce que la recherche historique et le poids des idées reçues ont produit depuis la fin de la guerre. Le commentaire se fait au jour le jour ou presque, avec les a priori du moment, comme si chacun lisait et commentait ce qu'il a dans le journal.

La Résistance est aussi vue de manière nuancée, loin de tout héroïsme. Les Valfort ne se vantent guère de leur réseau, qu'ils font fonctionner avec la discrétion voulue; quant aux résistants les plus bruyants, maquisards de la dernière heure (après l'instauration du Service du travail obligatoire, présenté comme un élément déclencheur d'un engagement massif de jeunes gens) prompts à "voler au secours de la victoire" et à faire une justice de ruffians, ils ne recueillent pas l'adhésion des personnages, de par leurs actes - du terrorisme? Parfois, c'est un peu de cela qu'il s'agit dans ce roman. Est-ce la règle ou l'exception? De telles questions sont impossibles à poser aujourd'hui, selon l'auteur.

Tel est l'essentiel du propos de cet épais roman (375 pages), non exempt de longueurs et de passages touffus qui altèrent parfois l'intelligibilité du propos. Un propos porté par un style au petit goût parfois archaïque à force d'être classique, jouant parfois avec les répétitions de mots pour créer un rythme. Plutôt que scandaleux, ce roman m'a donc paru original, en ce sens qu'il offre un certain regard, sans doute fort personnel, sur une époque sombre. Regard juste? Regard intéressant? Faut-il y croire? Si l'on peut répondre par l'affirmative à ces questions, s'il permet à l'amateur d'être secoué à bon escient dans ses certitudes, c'est un livre qui mérite l'effort d'une lecture. Mais les historiens sauront mieux que moi démêler l'écheveau de cette saga historique.  

Malaren, Le Sacre des impostures, Nice, FEEL, 2008. Préface de Sixte-Henri de Bourbon-Parme.

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commentaires

N
<br /> Oui c'est ça, chez Laurent Coos<br /> <br /> Une connaissance ?<br /> <br /> <br />
D
<br /> Je t'écris un mail. J'ai l'impression que le monde est ULTRA petit...<br /> <br /> <br />
N
<br /> J'ai un livre publié aux éditions Chloé des lys et je viens de signer un contrat avec la Plume Noire<br /> Cela dit, être publié à compte d'éditeur ne veut encore rien dire. Il faut encore que le livre soit bien distribué et fasse l'objet d'une bonne promotion.<br /> Pas facile quand on est inconnu!<br /> Bonne soirée<br /> <br /> <br />
D
<br /> Génial! C'est déjà quelque chose, même si après, le travail de promotion peut être important, surtout s'il faut ramer soi-même.<br /> La Plume Noire, c'est chez Laurent Coos?<br /> Bonne soirée à vous!<br /> <br /> <br />
N
<br /> Evitez Daniel<br /> <br /> Beaucoup d'argent dépensé (2000 à 3000 euros), et peu de résultats ! C'est connu (jamais essayé mais j'en ai beaucoup entendu parler)<br /> <br /> Au cas où un manuscrit n'est pas retenu par un éditeur, il vaut mieux s'auto-publier ou passer par un système d'impression à la demande genre Lulu ou ILV<br /> <br /> Je ne doute pas qu'on puisse trouver de bons livres chez Feel et co, mais vu qu'il n'y a pas de sélection éditoriale, dans l'ensemble la qualité est... enfin je vous laisse imaginer...<br /> Il y en a même qui ont envoyé pour voir des textes volontairement médiocres... Manuscrit accepté !<br /> <br /> <br />
D
<br /> J'ai même entendu des prix plus élevés. J'éviterai donc, ne serait-ce que parce que c'est hors de mes moyens...<br /> Etes-vous auteur? Avez-vous déjà vécu l'expérience de la publication?<br /> <br /> <br />
N
<br /> FEEL c'est si je ne me trompe pas France Europe éditions, même clique que Bénévent et Amalthée?<br /> Pas très rassurant... du compte d'auteur abusif!<br /> <br /> Mais cela dit, tant mieux si certains y trouvent leur compte.<br /> <br /> <br />
D
<br /> J'ignorais cet aspect et ces liens entre éditeurs; mais c'est bel et bien France Europe Editions, à Nice. Merci de cette précision!<br /> <br /> J'imagine effectivement que certains y trouvent leur compte; pour les auteurs ou les donneurs d'ordre, le tout est, finalement, de savoir dans quoi on met les pieds. Personnellement, je n'en aurais<br /> juste pas les moyens...<br /> <br /> <br />
L
<br /> j'ai une dizaine de billet en retard (je compte pour un la trilogie "millenium" !!!), donc pas tout de suite pour un livre que je n'ai pas encore lu !<br /> <br /> <br />
D
<br /> Je serai patient! <br /> <br /> <br />

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