Lu par Catherine Verne, La Fée Gaffe, en roumain).
Le site de la traductrice, le site de l'éditeur - merci à eux pour l'envoi!
Défi Premier roman.
Un hôtel à Bucarest. Disparu aujourd'hui, après avoir été affecté à divers usages: simple auberge, bordel, hôtel miteux, résidence d'étudiants. Tel est le personnage principal de "Hôtel Universal", premier roman de l'écrivaine et journaliste littéraire roumaine Simona Sora, qui vient d'être traduit en français par Laure Hinckel.
Les personnages qui se croisent dans "Hôtel Universal" sont ceux qui l'ont fait, et qui l'ont fait vivre: étudiants, voyante, enseignants, etc. L'auteure met en avant des figures féminines, pas toujours faciles à discerner, comme s'il s'agissait de fantômes un peu indistincts: certaines portent même des prénoms identiques, et se distinguent à l'occasion par des surnoms; et les liens apparaissent peu à peu. Chacune a cependant une ou plusieurs histoires dramatiques à raconter: des leçons de violon qui tournent au drame, une grossesse d'un père inconnu, un homme tombé d'une fenêtre dans des circonstances mystérieuses.
Un flou artistique caractérise la temporalité de "Hôtel Universal", un récit qui correspond à la durée de l'histoire de l'établissement, fondé au dix-neuvième siècle. Quelques marqueurs apparaissent cependant, notamment le procès sommaire suivi de l'exécution des époux Ceausescu, et parleront à celles et ceux qui ont connu ce temps. Cela dit, l'établissement paraît exister dans une certaine intemporalité. Le mystère y a aussi sa place, entre autres par le biais de ces trois pièces aménagées dans une ancienne cage d'escalier et qui n'existent pas, puisqu'elles ne sont répertoriées nulle part: il n'empêche que des gens y vivent, à l'étroit certes.
Autant dire qu'il n'est pas évident d'accéder à "Hôtel Universal", qui dessine un univers bien à part. La romancière opte par ailleurs pour des chapitres assez longs, pour ainsi dire exempts de dialogues et structurés en longs paragraphes, imposant une lecture lente, voire ardue par moments. Plutôt que de donner à entendre des voix, elle offre donc des personnages qui agissent, qui se souviennent, qui souffrent. D'autres voyagent aussi, offrant une respiration bienvenue en contrepoint au huis clos étouffant de l'hôtel.
L'humour et le pittoresque affleurent aussi par moments dans "Hôtel Universal". Et enfin, comme pour offrir au lecteur une récompense embaumée, il y a ce motif récurrent, qui justifie la surprenante couverture que les éditions Belfond ont donnée à ce premier roman: la production de confitures de roses, élevée au rang des beaux-arts, au goût et au parfum incomparables.
Simona Sora, Hôtel Universal, Paris, Belfond, 2016, traduction de Laure Hinckel.
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