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Il vient de publier son tout dernier opus en date, le dixième volume des « aventures de Robert Pioche ». Robert Pioche, son double littéraire, est son pseudonyme depuis sa plus tendre enfance. Du « Dernier Carré » jusqu'au « Passage à niveau », dont il sera question ici, Olivier Mathieu n'a de cesse d'explorer la matière la plus essentielle qui soit à ses yeux : sa propre existence, ses propres aventures. Est d'ailleurs annoncé, pour dans quelques jours (septembre 2008), aux éditions « Petits Bonheurs » créées et dirigées par Jean-Pierre Fleury, un nouvel ouvrage d'Olivier Mathieu : « Le Pauvre cœur », une nouvelle littéraire consacrée à Minnie Bibble, un personnage somme toute peu connu de l'écrivain américain Francis Scott Fitzgerald. « Le Pauvre cœur » sera aussi illustré d'une vingtaine de photographies artistiques.
« Le Passage à niveau », qui est un roman, mais un roman en partie autobiographique, aborde les années qui ont suivi le divorce de l'auteur avec sa seconde épouse, enseignante à l'Université - et il le fait, naturellement, avec des excursus vers ce qu'il est advenu avant. Car chaque volume du Cycle de Robert Pioche aime à reprendre, selon des points de vue divers, les principaux épisodes de son existence. Réelle ou imaginaire, peu importe, une figure féminine domine ce roman, celle de Sara. Une jeune femme qui, comme lui, n'a pas connu que des joies dans son existence.
« Le Passage à niveau », pourquoi ce titre ? Il y a plusieurs raisons à cela. La première est certes la plus évidente, un classique de la traduction : dans les trains, il est en général interdit de se pencher par la fenêtre. Mais en italien, c'est juste « dangereux » : « è pericoloso sporgersi », dit le célèbre avertissement. Ame d'enfant, Robert Pioche se dit que si c'est juste dangereux, pourquoi ne pas tenter le coup ? Cela lui sert de métaphore pour toute son existence, présentée comme celle d'un homme qui se penche par la fenêtre du train pour jouir d'un point de vue différent sur la vie.
L'autre motif remonte à 2003, année où Olivier Mathieu obtint une voix à l'Académie française mais aussi celle où, terrassé par les revers de l'existence, il tenta de quitter ce monde en allant se placer sur une voie ferrée. Oui, non ? L'auteur reprend ici, analysés à la loupe, ses états d'âme. Les événements eux-mêmes, il les a déjà racontés de manière plus factuelle dans « Les drapeaux sont éteints », un roman (paru en 2004) consacré et dédié à sa fille Alice.
« Le Passage à niveau » est un dialogue entre deux âmes, ai-je dit - deux âmes qui se sont rejointes, au contraire de rails parallèles. Et recherche éperdue d'un amour absolu, de la part de deux humains qui ont la faiblesse, ou la force, d'y croire encore et de refuser de composer, de transiger, etc. « Le Passage à niveau » arbore volontiers, du coup, la forme d'un dialogue où s'échangent les arguments, à la manière des débats antiques.
Ce dialogue va avoir lieu un peu partout en Europe : dans la région de Nice, à Lyon (où Olivier Mathieu s'est installé en 2004) et enfin à Paris, la ville où Olivier Mathieu a passé une bonne part de sa jeunesse. Un Paris qu'il ne reconnaît plus. C'est le Paris du déraciné qui recherche une dernière fois et désespérément ses marques auprès de personnes qu'il fréquentait jadis (et cela au risque de perdre Sara) et qui, face à l'évidence de leur médiocrité, se trouve définitivement déçu. Bal des masques, moment dérisoire et pourtant important, manière de rupture même. Rupture avec une certaine vie (entendez : avec son passé politique), faute d'une rupture avec la vie tout court. Puisque la mort constitue toujours, pour Robert Pioche, une option possible. A ce titre, la photographie - dont Olivier Mathieu est l'auteur - qui illustre la fin du roman, et qui représente une jeune femme en train de savourer une bière dans un verre marqué « Mort Subite », est emblématique - un cliché pris, du reste, par Olivier Mathieu en 2008 (voir ci-dessus).
Autoédité par l'auteur, « Le Passage à niveau » est hors commerce. Il est précédé par une longue, copieuse et érudite préface (plus de 30 pages) de Jean-Pierre Fleury, un écrivain né en 1951, et qui est - entre autres - docteur en sociologie de l'Université de Nantes. Une préface qui éclaire remarquablement, on en jugera, ce que fut le passé, et l'histoire familiale, en somme l'essence d'Olivier Mathieu écrivain.
« Le Passage à niveau » (Passaggio a livello) est le titre qu'avait donné, jadis, le compositeur italien de musique légère Jannacci à l'une de ses chansons, interprétée par Luigi Tenco, le chanteur communiste qui s'est suicidé en 1969 lors du Festival de San Remo (disque 33 tours de Luigi Tenco, « Luigi Tenco canta Tenco, De André, Jannacci, Bob Dylan », éditions W. Gürtler, numéro de disque SM 3427 Joker). Luigi Tenco qu'apprécie notoirement Olivier Mathieu, et qu'il cite d'ailleurs dans le chapitre ultime de ce roman.
Certaines bibliothèques possèdent sûrement déjà leur exemplaire du « Passage à niveau », par Olivier Mathieu. Sinon, les lecteurs intéressés sont invités à fouiner chez les bouquinistes !
Olivier Mathieu, Le Passage à niveau, roman. Hors commerce.
(Dixième volume du « Cycle des Aventures de Robert Pioche »).
Avec une préface de Jean-Pierre Fleury, docteur en sociologie de l'Université de Nantes.
294 pages, couverture illustrée, nombreuses illustrations internes (en noir et blanc).