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Notes de lectures, notes de musique, notes sur l'air du temps qui passe. Bienvenue.

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Ticket pour l'éternité

HomèreVous voulez devenir éternel? Survivre à vous-même? La littérature vous offre une occasion unique d'y parvenir. Certes, ce scenic railway se caractérise par la quantité énorme des appelés et par la rareté de ses élus; mais considérant qu'à l'instar de la Loterie, cent pour cent des gagnants ont tenté leur chance. pourquoi pas vous?

L'un de mes vieux professeurs, spécialiste d'André Malraux, disait que l'art n'est jamais immortel ou éternel. Il avait bien raison: qu'une météorite s'éclate sur la Terre, et au revoir les génies dits "universels" que sont Homère, Machu Picchu et Guillaume Musso. Mais j'ajoute que si l'art n'a certes rien d'impérissable, il constitue à chaque fois un défi lancé à ce qui est appelé à se dessécher, à disparaître. Et une manière, pour une personne, de survivre à soi-même.

Alors, pourquoi ne pas donner corps à votre idée de belle histoire? Le degré zéro, et la grosse erreur des esprits timorés, serait de garder tous leurs trésors dans leur tête ou dans leur coeur. Ceux-ci sont périssables, nous le savons... et en plus, les idées qui s'y trouvent, éminemment privées, ne sont pas protégées par le droit d'auteur. Résultat: si quelqu'un publie votre idée avant vous, vous devez en trouver une autre. Pas difficile, mais ennuyeux pour votre ticket pour l'éternité.

Alors, que faire? Ecrivez. A partir du moment où vous avez donné une forme concrète à votre idée, elle sera protégée par le droit d'auteur, ce qui vous arrange bien. Et elle aura le mérite d'exister aux yeux du monde. A partir de là, il ne reste qu'à publier... de manière à vous offrir un haut-parleur de bonne taille, qu'on appelle "éditeur" quand on parle de production artistique en quantité.

De vos deux cents pages d'idées, l'éditeur va produire un chouette bouquin. Là, déjà, vous avez décroché une option pour survivre à vous-même. Avec un peu de chance, on va même parler de vous dans la presse, et celle-ci est dûment archivée dans les bibliothèques et dans les caves des journaux. Reste le problème de la longévité du papier... je me demande en effet quelle peut être la tronche du jeune auteur prodige qui, publiant son premier roman à dix-huit ans, voit le papier de l'édition princeps de l'ouvrage se dégrader à mesure qu'il prend de l'âge. Une question qu'on est en droit de se poser, vu la qualité et la longévité du papier qu'on trouve actuellement.

Résultat? Arrangez-vous pour être réédité. Anna Gavalda le fait bien, Marc Lévy aussi, pourquoi pas vous? Cela, même si l'on ne prête qu'aux riches, et encore: seuls les succès de librairie sont repris en poche, et je soupçonne les éditeurs de ne pas reprendre tout de suite les succès d'exception genre Harry Potter ou "Bridget Jones, l'âge de raison". Mais cela relance votre livre, lui donne encore quelques années de longévité supplémentaire.

Puis faites en sorte qu'on en parle sur les blogs: les ventes vont se poursuivre à un rythme de croisière, votre nom sera colporté, et vous aurez encore gagné une manche contre l'oubli. A force, peut-être allez-vous entrer à l'Académie française, voire dans le Petit Robert. Là encore, une manche d'acquise! Plus solide certes, mais pas encore inébranlable. Vous devrez subir encore des périodes d'éclipses, des années de purgatoire où les écoles refuseront d'intégrer votre oeuvre à leurs programmes, parce qu'elles la jugeront trop ceci ou trop cela. A ce moment, vous serez sans doute déjà assis sur un nuage, au Paradis; attendez de voir venir, soyez confiant. Si vous avez su y faire, vous allez redevenir à la mode. Pour cela, il suffit parfois d'un ministre, voire moins.

Et si vous doutez encore des possibilités de pérénnisation de votre oeuvre, pensez au succès actuel des auteurs antiques - ceux que le temps a jugé utiles de retenir. Ceux-ci ont joui de soutiens occultes, de faveurs tenant de l'idéologie des temps passés: copistes bienveillants, princes attachés à l'Antiquité, etc. A ce moment-là, votre ouvrage vous aura vraiment échappé. Et l'humanité saura qu'à défaut d'avoir vaincu la météorite évoquée au début de ce billet, vous aurez suffisamment traversé les ans pour prétendre au titre de génie universel. Bonne chance!

Et n'oubliez jamais, vous qui êtes ambitieux: tout cela commence par une ligne rédigée, par un vers écrit.

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S
Daniel, vous m'ôtez les mots... de la plume! Ce que vous dites est très juste.
D
<br /> ... et le débat n'est pas moins intéressant.<br /> Je me souviens cependant toujours d'une phrase qui a sous-tendu ma réflexion ici, et que j'ai trouvée dans un ouvrage de journalisme intitulé "Ecrire pour être lu": "L'écrivain écrit pour la<br /> postérité, le journaliste écrit pour le postérieur". Trivial, vulgaire même; mais quelque part, il est à espérer que même le plus inavouable des ouvrages publiés à compte d'auteur aura<br /> une vie plus longue qu'un article de presse, si génial soit-il.<br /> <br /> <br />
F
Ne cesse pas de sculpter ta propre statue jusqu’à ce que l’éclat divin de la vertu se manifeste. Dit Plotin (Ennéades I, 6, 9).
D
<br /> <br /> Pas faux! On pourrait ajouter que Paulo Coelho, dans "L'Alchimiste", appelle cela "La Légende Personnelle". Ou simplement (vu l'auteur) le voir comme une quête inlassable de<br /> devenir meilleur. Mais est-ce si éloigné?<br /> <br /> <br /> <br />
S
Il y a, pour ceux que l'ambition et le désir d' immortalité titille, des moyens bien plus simples et moins coûteux que le pénible et laborieux travail d'écriture : Ainsi, par exemple, le très célèbre d'Érostrate qui brûla le temple d'Artémis (l'une des sept merveilles du monde) afin que la notoriété lui soit acquise!
D
<br /> ... notez que de nos jours, on masque souvent les noms de ceux qui se sont rendus coupables de tels actes. De nos jours, tirer sur tout le monde dans une école avant de se faire justice (coût<br /> suprême) ne garantit aucune immortalité de votre nom.<br /> <br /> En outre, ceux que la postérité titille (et ce n'est finalement qu'une variante du besoin de reconnaissance que, àmha, nous avons tous) préférereont peut-être une<br /> manière plus honnête d'arriver - la politique par exemple, ou l'illustration technologique (aller dans la Lune) ou artistique, etc. Tout cela est bien difficile, "pénible et laborieux",<br /> mais sans doute plus durable: les noms des premiers hommes à avoir marché sur la Lune sont connus de tous aujourd'hui encore; mais comment s'appelle, déjà, l'auteur des massacres de Columbine ou de<br /> Zoug?<br /> <br /> <br />
J
Tout ceci est bien vrai, sauf qu'il est plus facile d'écrire que de se faire éditer ! Comme tu le dis, il y a peu d'élus pour bien des prétendants. Mais écrit-on forcément pour passer à la postérité ? Je ne le pense pas, on écrit parce qu'on en a besoin. C'est un moteur qui nous fait fonctionner, une motivation que l'on ne peut réfréner (cf. les 10 conseils d'Hemingway). Ensuite, tous ne sont pas suffisamment conteur pour atteindre un niveau de publication, même s'ils ont des choses intéressantes à dire. Un éditeur mise sur la rentabilité, il lui faut faire vivre sa maison et, c'est là le principal écueil que devra surmonter l'aspirant écrivain. Puis la postérité est relative, les biens heureux sont si rare, et qu'importe de survivre à son départ ; il est déjà pas toujours facile d'être lorsque l'on est en vie ! A te lire, on pourrait s'imaginer qu'il est aisé d'écrire. Peut-être … Mais il est bien de garder à l'esprit qu'il est facile d'écrire pour soi, mais ardu d'écrire pour être lu. Un lectorat est un juge sévère. C'est lui seul qui maîtrise le temps… Tous les arts sont soumis à la même loi, le public.
D
<br /> Se faire éditer est difficile, on le constate en effet!<br /> Ecrit-on pour passer à la postérité? Excellente question; chaque auteur a sans doute sa réponse. Mais l'écrivain est finalement le seul "écrivant" (en tout cas c'est le seul exemple qui<br /> me vient à l'esprit, avec le traducteur littéraire peut-être, mais qui reste dans l'ombre de l'auteur) qui peut viser à une certaine pérennité - alors que le journaliste, par exemple, est<br /> condamné à travailler dans l'éphémère.<br /> Cela dit, je te suis à 200% dans l'aspect "motivation": les auteurs les plus chevronnés donnent tous l'impression d'avoir un besoin viscéral d'écrire, égal à d'autres besoins plus primaires.<br /> Après, convaincre l'éditeur, puis le lecteur, de te lire, est effectivement une autre paire de manches... sans parler de garder en mémoire les choses lues.<br /> <br /> <br />