Lu dans le cadre du défi "Thrillers".
J'ai rencontré l'écrivain Philippe Colin Olivier lors de la Fête du livre de Saint-Etienne, millésime 2012. Je me souviens d'un auteur qui aime la conversation et a une solide repartie. Autant dire qu'en lisant son dernier roman, "Le Bal des débutants", j'ai retrouvé quelque chose de ce personnage haut en couleur.
L'histoire est simple: lors du bal des débutantes, événement mondain parisien s'il en est, Christophe Foulques, présenté comme "le roi de l'atome", patron du groupe industriel "Knosoz" spécialisé dans l'énergie nucléaire, se fait kidnapper. L'astuce du titre, c'est que ce sont des débutants, jeunes gens en mal de liquidités, qui mandatent l'enlèvement. L'auteur exploite cette caractéristique pour développer un processus criminel un brin atypique qui fait patauger la police. Rançon, police, femme éplorée, coucheries dévoilées, détectives privés en goguette, tout ce qu'on peut attendre d'un solide polar s'enchaîne sur un rythme alerte qui réserve une part généreuse à des dialogues qui claquent bien.
L'auteur joue d'une particularité qui distingue ce roman: brouillant les cartes, il présente des personnages qui sont le plus souvent pourris, aptes à devenir les larrons de la fable dès que l'occasion se présente. Et aussi des criminels au (relativement) grand coeur. La victime du rapt, en particulier, ne donne guère envie qu'on se mobilise pour elle; il y a des policiers ripoux dans l'histoire, et même les détectives privés Costes et Bernstein (le gros et le mince, Laurel et Hardy revisités) ne sont pas au-dessus de tout soupçon dès lors qu'il s'agit de regarnir leurs comptes en banque: "Costes et Bernstein, enquêteurs privés à l'honnêteté douteuse, entrent dans la danse. Et, entre l'argent sale et l'argent propre, ils ne voient pas bien la différence", résume le prière d'insérer.
L'onomastique peut intriguer, d'ailleurs, même si certains noms de personnages sont lisibles. Foulques est si exécrable qu'on a envie de lui donner des noms d'oiseaux (du reste, depuis Fukushima et Tchernobyl, comment un ponte du nucléaire pourrait-il être aimable, dans l'imaginaire collectif?). Bernstein, amateur de cigares, porte apparemment le nom d'une marque d'accessoires pour fumeurs. Quant à Costes, gros mangeur et amateur de dives bouteilles, il est naturel qu'il porte le nom d'une chaîne de restaurants parisiens à la mode. Il est en revanche plus étonnant de rencontrer des personnages nommés Schoumer, Duminku ou Dilula...
Le lecteur goûtera ici une narration rapide et nerveuse, relancée régulièrement par quelques phrases qui trahissent un sens prononcé de la formule bien caustique. Les errements de chacune et chacun dans ce récit laisseront l'impression que tous ces personnages se marchent un peu sur les pieds dans ce "Bal des débutants". Mais qu'on ne s'y méprenne pas: tout est bien orchestré, jusqu'au final - qui plaira aux détracteurs de l'énergie nucléaire.
Enfin, juste un clin d'oeil: ce roman contient une allusion louangeuse au saucisson du Forez; serait-ce une réminiscence de la Fête du Livre de Saint-Etienne?
Philippe Colin Olivier, Le bal des débutants, Paris, Le Passage, 2013.
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