Vuvuzela? C'est comme le durian en Asie: il y a ceux qui aiment, ceux qui détestent et les autres. Ca me permet un excursus ethnomusicologique dans le cadre de la Coupe du monde de football, qui se tient en Afrique du Sud, comme chacun le sait.
La vuvuzela est un instrument de musique d'un genre particulier, à l'origine incertaine mais africaine, que vous avez peut-être entendu par chez vous. Il s'agit d'une sorte de trompe en plastique dans laquelle on souffle, qui émet une seule note à un volume pouvant atteindre 130 décibels en imitant assez bien le barrissement d'un éléphant - ou d'un essaim d'abeilles. En Afrique du Sud, c'est quelque chose de parfaitement normal, qui fait partie des us et coutumes en vigueur dans les stades, que ce soit pour le foot ou pour tout autre sport. Les supporters se lâchent, les footballeurs jouent, tout le monde s'amuse et le sport devient synonyme de liesse populaire. Jusque-là, tout va bien.
Là où ça se gâte, c'est que l'objet est sonore - et que cela ne va pas sans répercussions, surtout pour celles et ceux qui n'ont pas l'habitude, y compris les footballeurs venus de loin. Résultat: les observateurs du monde du football laissent libre cours à leurs passions: pour ou contre la vuvuzela? L'Occident télévisuel est évidemment aux premières loges pour râler: le son de ces buccins constitue à ses yeux un bruit de fond peu agréable pour suivre les retransmissions télévisées des matches de la Coupe du monde qui se dispute à présent en Afrique du Sud. Mais il n'y a pas que les téléspectateurs: selon les joueurs eux-mêmes, la vuvuzela génère un bruit tel qu'il leur est impossible de communiquer par la voix. Ennuyeux lorsqu'il s'agit d'interpeller un coéquipier pour lui faire une passe...
Cette histoire a fait du bruit (pouêt!) jusque dans les couloirs de la FIFA, qui a renoncé à interdire ces nouvelles trompettes de Jéricho, arguant du fait que cela fait partie des habitudes locales des amateurs de football. Argument imparable si l'on considère que le sport est un art d'apprendre à vivre ensemble et à styliser les conflits pour les dépasser. D'un point de vue humaniste, ça se tient. Mais qu'en pensent les tympans? Il paraît que les ventes de tampons auriculaires ont flambé du côté de Pretoria depuis quelques jours.
La BBC anglaise propose des rediffusions de matches sans vuvuzela. On conçoit qu'il est assez simple de gommer ce son grâce aux miracles de la technique - qui permet d'ailleurs aussi de couper le sifflet à un commentateur intempestif (du côté du téléspectateur, ça s'appelle une zappette). A quand les retransmissions de matches cent pour cent silencieuses? Un site cherche le moyen d'éliminer des retransmissions télévisées le son de la vuvuzela le soir au fond des stades. D'autres lancent des pétitions.
Ceux qui aiment s'empressent d'en enregistrer le "beau bruit" sur leur téléphone portable (c'est toujours mieux que le massacre du "Rondo alla Turca" de Mozart...) ou de l'échantillonner sur Wikipedia. D'autres ont carrément acquis l'instrument, même sous nos latitudes; j'en ai vu passer un pas plus tard que le week-end dernier, (presque) discrètement rangé dans un sac. Le gardien de but sud-africain en réclame même de plus sonores pour les prochains matches. A coup sûr, la vuvuzela est l'objet fétiche de cette édition de la Coupe du monde de football, bien plus que ses capricieux ballons.
Au terme de ce billet tonitruant, je vous dis une dernière fois "pouêt!" et je retourne à ma cure de silence...
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