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16 juin 2016 4 16 /06 /juin /2016 21:13

Meaux GuillotineLu par Ghislaine de R., Isabelle Dauphin, Jacques Plaine, Nicole Grundlinger.

Défi Premier roman.

 

Tout commence un certain 10 août 1792 aux Tuileries, à Paris, et se poursuit dans le Forez. "Le Fleuve Guillotine", premier roman d'Antoine de Meaux, prix Claude Fauriel 2015, est absolument saisissant. Relatant les positions qui s'affrontent dans le contexte violent de la Révolution française à Paris et surtout à Lyon, l'auteur suggère que l'on a affaire au fleuve du sang de ceux qui sont soupçonnés de ne pas penser comme il faut, qui ne sont pas des "purs". Autour d'une poignée de personnages, hommes et femmes divers, l'auteur dessine le vaste et généreux tableau d'une période de troubles.

 

L'auteur a le goût des vastes tableaux d'ensemble, des grands mouvements de foule où se déchaîne une violence sauvage, presque insoutenable. La journée du 10 août aux Tuileries lui donne l'occasion de donner libre cours à ce penchant, sans pathos: dire les choses suffit à leur rendre leur poids. Le lecteur a l'impression d'un certain recul. Ce ressenti est contrebalancé par la mise en scène d'une poignée de personnages dessinés en plan rapproché, dont l'écrivain dessine les évolutions. On s'y attache, du coup, par exemple à ce gamin affamé qui dévore un poulet. Mais l'auteur n'épargne rien: tous ces personnages ne survivront pas à la première partie du roman. L'effet s'avère poignant, et les survivants porteront sur eux, tout au long du roman, le poids de la perte des autres, parfois des proches.

 

Par contraste, le début de la seconde partie calme le jeu et prend une teinte fraîche, quasi bucolique, avec ce voyage en voiture de poste et les allusions répétées (et attendues) à l'"Astrée" d'Honoré d'Urfé. L'auteur se fait proche des personnages installés dans la voiture, offre au lecteur l'opportunité de découvrir celles et ceux qui, demeurés vivants, hanteront les pages du roman. Il découvre aussi les rapports qui s'esquissent, notamment sentimentaux. C'est cependant bien sur une terrible exécution à la guillotine à Lyon, longuement décrite, que s'achève cette deuxième partie... Le Rhône et la Saône deviennent des fleuves de sang.

 

Le personnage du Chancru, artiste un peu original qui observe et dessine sans agir, paraît être le double visuel de l'écrivain, un personnage qui prolonge le regard de l'auteur. Avec le Chancru, l'occasion est belle de mettre en scène quelqu'un de pittoresque. D'autres personnages ont toute l'attention de l'écrivain: les figures politiques, mais aussi telle femme au beau corps, dénudée dans une rivière, ouvrant la porte à quelques pages sensuelles, parenthèses enchantées marquées par l'urgence dans un récit où aucune violence n'est épargnée au lecteur.

 

Cela, sur un ton qui rappelle immanquablement l'épopée, comme le suggère le titre de la troisième partie, "La nouvelle Troie", celle-ci étant Lyon. Il y a les héros, les téméraires, les alliés venus du voisinage qui s'engagent, les tactiques. L'histoire, la vraie, documentée, est bien là, comme le suggère l'interminable litanie des condamnés à mort, guillotinés, long hommage à des hommes et des femmes qui ont perdu la tête pour peu de chose au terme de procès sommaires. Et si la guillotine a connu des ratés pour l'exécution de Marie-Joseph Chalier en fin de deuxième partie, en fin de quatrième partie, celle-ci, en écho, fonctionne irréprochablement.

 

Tout est là, donc, et l'auteur a le souci de l'exactitude dans sa peinture d'une époque. Hanté par les violences et par l'ombre formidable et omniprésente de la guillotine, son premier roman a le souci de l'exactitude, et crée volontiers des tensions autour de l'histoire locale, qui pourra paraître presque dérisoire par moments face aux événements clés de la grande histoire, tels que l'assassinat de Marat. Enfin, le titre annonce la couleur: "Le Fleuve guillotine" est un roman qui a la lenteur implacable implacable d'un fleuve qui emporte tout sur son passage, comme l'a fait la Révolution française.

 

Antoine de Meaux, Le Fleuve guillotine, Paris, Phébus, 2015.

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commentaires

A
Il me tente, pour l'historie forezienne. Merci.
D
Ce gros roman va effectivement te balader entre Paris et les départements du Rhône et de la Loire. Je te le conseille! Il a eu un prix à Saint-Etienne l'an passé, et sans doute qu'il en reste encore un exemplaire à la Librairie de Paris.

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