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Mon billet d'hier
évoquait les potentiels que le calendrier catholique (et les calendriers religieux en général) offrent en matière de vacances. Dès le départ, j'assumais l'approche forcément restrictive de ce
choix: pourquoi n'attribuer des congés supplémentaires qu'en se fondant sur des motifs religieux? L'objection est recevable, surtout à notre époque de laïcité consommée. Si j'ai choisi le filtre
de la religion, c'est en particulier parce que celui-ci, si riche soit-il en potentiel de vacances, a quand même ses limites, fixées par les religions elles-mêmes. Et celles-ci étant par essence
immuables, on se retrouve face à un stock tout aussi immuable de jours de congé. Personne ne va s'amuser à déplacer la Saint-Jérôme, l'Assomption, la Noël même (même si celle-ci n'a pas toujours
été célébrée le 25 décembre), etc.
Ouvrons donc le champ aux religions moins reconnues, voire au monde laïc dans toute sa diversité.
Commençons par les religions et obédiences moins connues. Qui empêcherait, par exemple, de créer un jour de congé pour célébrer l'anniversaire de Menno Simons,
fondateur de l'obédience des mennonites? Ou en l'honneur de Charles Taze Russell, fondateur des Témoins de Jéhovah? Dans un autre ordre d'idées, allons jusqu'au paganisme et
restaurons les fêtes qui avaient cours à l'époque romaine - en particulier les Saturnales, ancêtres de notre Carnaval actuel, où, l'espace de trois jours, les esclaves devenaient les maîtres. De
nos jours, si certaines localités entretiennent un carnaval vivace, cette fête (même au sens chrétien du terme) semble être un peu oubliée ailleurs. Je me souviens, par exemple, d'avoir passé
quelques jours à Paris en 2002, juste dans la période du carnaval... et n'en avoir rien vu du tout. Ce qui n'était pas pour me déplaire. Et pour en finir une bonne fois pour toutes avec le
religieux, l'Etat suisse ferait bien de créer un jour de congé en l'honneur des amish, qui ont bien souvent des origines helvétiques.
Mais venons-en aux motifs purement laïcs de créer des jours de congé. Chaque pays a les siens. Quoi de plus laïc, en effet, que le 14 juillet en France ou le 1er août en Suisse? Ces fêtes
nationales célèbrent des actes fondateurs qui ont peu à voir avec la religion. Si le 14 juillet français est férié depuis toujours, le 1er août suisse ne l'est que depuis une couple d'années - à
la suite d'une initiative émanant des Démocrates Suisses, un parti volontiers rattaché à la droite dure. Dans le même ordre d'idées, mais avec un certain mélange, le Jeûne fédéral, typiquement
suisse, se veut une célébration de l'unité du pays. Comme elle a été inventée par des protestants à la fin de la guerre du Sonderbund (1848), elle se traduit par un jeûne; si elle avait été le
fait de catholiques, gageons qu'elle aurait pris la forme d'un gueuleton...
Enfin, les motifs purement laïques et internationaux de congés existent également. Le premier qui me vient à l'esprit est naturellement la journée de la femme (9 mars): on pourrait offrir un jour
de vacances à ces dames, non? La Russie a déjà fait un pas dans cette direction: il est de coutume que ce jour-là, les hommes gâtent tout particulièrement les femmes en général, leur offrant des
fleurs, les complimentant, assurant même le ménage au foyer familial. Chouette, non? Malheureusement, cette tradition est difficilement exportable en Suisse, où la journée du 9 mars est celle des
"femmes en colère" qui, à mon avis, dégoûte l'homme (et parfois la femme) de la cause de la femme, si juste soit-elle en certains aspects.
Mais allons plus avant dans l'audace. Il existe déjà de nombreuses journées de ceci ou de
cela: francophonie, enfance, troisième âge, etc. Pourquoi ne pas octroyer des jours de congé pour cela? Certes, avec un peu d'imagination, on peut créer des congés pour tout et pour rien -
dans un ouvrage de San-Antonio, par exemple ("Hue, Dada" ou "Appelez-moi chérie"), l'un des personnages s'offre des jours de congé pour tout acte significatif de sa vie de couple (premier
bouquet de roses, premier baiser, premier rendez-vous, etc. Sans aller si loin, on pourrait adopter comme jour férié la "Journée mondiale sans portable" imaginée par l'écrivain Phil Marso, ou la
"Journée du rire", qui a lieu en mai. Cela, sans compter des congés plus délirants encore, par exemple le jour du Prix Goncourt (pour qu'on puisse enfin bouquiner en paix!) ou la journée où
sortent le Beaujolais nouveau ou la Bière de Mars (pour qu'on puisse enfin boire un verre tranquilles!). Devant tant de causes et d'idées, on pourrait imaginer un concept où les employeurs
offrent à leur personnel un solde de jours à utiliser pour ce genre de motif.
L'approche laïque est donc plus colorée et moins limitée, au risque de ruiner le système! Et vous, à quelle occasion aimeriez-vous avoir congé?
Photo: Flickr/Sergio Parisi.