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26 mars 2016 6 26 /03 /mars /2016 18:14

Fargues RoleLu par Abracadabook, Cathy Raynal, Guerdine.

 

Exercice périlleux que celui auquel Nicolas Fargues se livre dans "Beau rôle": alors qu'on est un auteur blanc, se glisser dans la peau d'un métis et rendre compte d'une certaine difficulté de vivre. Il n'y a pas que ça, certes, et cet aspect éclate même assez tard dans le roman, intégré dans une situation humaine plus vaste. Antoine Mac Pola est un acteur de cinéma moyen, trentenaire, homme d'un succès, qui cherche un second souffle pour rebondir.

 

C'est justement sur l'aspect "trentenaire" que l'auteur démarre. Son observation d'une génération qui se situe dans un entre-deux et tire ses premiers bilans est précise et sans complaisance. Antoine n'est pas jeune (il a des cheveux gris, déjà), mais pas vieux non plus (il peut toujours espérer un rôle au cinéma, ou mettre une fille dans son lit sans payer). Ce statut intermédiaire fait écho à son statut d'acteur, ni franchement inconnu, ni célèbre, mais qui se voit presque supérieur à un ancien collègue d'école, devenu enseignant et vivant une existence étriquée, quasi estudiantine, mais stable. Enfin, pour souligner cet entre-deux de carrière, Antoine est un métis - ni blanc ni noir, en proie à plusieurs questions d'identité qui vont traverser "Beau rôle".

 

Identité intermédiaire, toujours à la recherche d'elle-même, acteur en permanence même hors du champ des caméras, Antoine rappelle par moments la figure de Zelig créée par Woody Allen: ce personnage qui finit par ressembler à ses interlocuteurs à force de leur dire ce qu'ils attendent. Antoine joue ce jeu, d'ailleurs - et assume une certaine hypocrisie, vue comme un reflet de l'hypocrisie de la société dans laquelle il évolue et s'exprime. Ecrit à la première personne, ce roman autorise Antoine à se justifier, à dire qui il est - bref, à faire son introspection sur le fond d'une identité complexe, marquée aussi par l'impuissance sexuelle occasionnelle, symbole d'une identité en demi-teinte pas évidente à assumer.

 

Au fil des pages, l'auteur resserre sa focale sur la question de la condition de métis, jamais sûr d'être accepté par le camp des Blancs, ni par celui des Noirs. Les liens familiaux interviennent ici, complexes: leur maintien est nécessaire, mais ils n'ont rien de facile pour un bonhomme qui a fait toute sa vie de son côté, loin des Concordines, ce lieu où l'on parle créole et qui pourrait être un coin de la France d'outre-mer. L'auteur sait cerner ce qu'un tel lieu peut avoir d'unique et d'agréable. On regrettera cependant, comme lecteur, que la description des états d'âme d'Antoine Mac Pola finisse par emplir les dialogues et prendre une place excessive.

 

C'est qu'Antoine Mac Pola est bavard et s'installe volontiers dans la conversation... un défaut qui gangrène un roman par ailleurs finement observé. Le lecteur doit vivre avec des théories sur le cinéma (apologie de Stephen Soderbergh, entre autres) et des confrontations sur la politique d'un outre-mer recréé. C'est dommage: "Beau rôle" est par ailleurs le roman pertinent d'un observateur aigu qui ne recule pas devant un sujet peu évident.

 

Nicolas Fargues, Beau rôle, Paris, P. O. L., 2008.

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