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14 septembre 2014 7 14 /09 /septembre /2014 19:49

hebergeur d'imageLu par Francis Richard.

Défis Premier roman et Rentrée littéraire.

Le site de l'éditeur.

 

"La face obscure des découvreurs de monde": tel est le sous-titre de "Black Whidah", premier roman du poète suisse Jack Küpfer. Paru aux jeunes éditions Olivier Morattel, cet ouvrage se présente comme le premier d'une série d'ores et déjà intitulée "Les vies d'azur". Tout un programme; mais dans "Black Whidah", c'est plutôt dans ce que l'humanité peut avoir de plus sombre que l'auteur décide d'immerger son lectorat. Pour ce faire, il choisit la forme du roman d'aventures et relate un épisode du triste épisode de l'esclavagisme. Nous sommes en 1808, et tout se passe entre le Brésil et l'Afrique subsaharienne - des terres nommées alors "Nigritie", aux mains des puissances coloniales européennes d'alors.

 

L'aspect sinistre de l'esclavage est bien mis en évidence, par contraste. L'auteur met en scène, en effet, un aventurier nommé Gordon, certes loin d'être parfait, qui se pique d'avoir un soupçon d'honneur et n'a aucun penchant favorable au trafic d'êtres humains. Mais il s'y trouvera pris, malgré lui... En face, au fort de Whidah, les négriers vont développer, l'un après l'autre, les arguments favorables à leur activité: sauver les personnes concernées d'une mort certaine, leur offrir le christianisme sur un plateau... L'auteur excelle à montrer l'horreur quasi émétique de leur brutale mentalité; il se montre également bien renseigné sur les pratiques du "métier". Le dégoût que Gordon ressent n'en paraît que plus compréhensible.

 

Roman d'aventures, ai-je dit: le narrateur, en effet, va voir du pays. Il y a des décors bien rendus, telle la forêt vierge de nuit. Les péripéties sont présentes, bien sûr, et quelques classiques du genre sont bien là - à l'instar des plaies d'argent qui mènent aux extrêmes, de la jeune et jolie Portugaise dont le narrateur va tomber amoureux ou de la tempête en mer. Scènes d'émotion, aussi, autour de telle fillette retrouvée dans la jungle et qui va devoir partir vers l'Amérique à bord du bateau des négriers. Comme future esclave, bien sûr. Par moments, toutefois, le lecteur regrettera la lenteur de la narration, due à l'intégration de passages où le narrateur parle de lui - et pense à lui. C'est que par moments, le roman d'aventures cède au ton de la confession.

 

"Black Whidah" est un roman d'ambiances aussi, et celles-ci sont fortes. Les discours des négriers suggèrent un vaste débat sur les superstitions africaines, qui ont fini par les contaminer. De la part de l'auteur, il est aisé de jouer sur les illusions nées de ces croyances: joueurs de tam-tam qu'on ne voit jamais, esprits, zombies, bruits effrayants, etc. Certains épisodes se passent de nuit, ce qui ajoute au mystère et rapproche ce roman du genre fantastique.

 

"Black Whidah" est porté par une écriture qui reproduit de manière crédible la langue française du temps du narrateur. Précieuse, elle va jusqu'à faire un usage régulier du subjonctif imparfait et se fait constamment lyrique ou poétique. Ce qui n'interdit pas l'ironie à l'occasion, soulignant ainsi le détachement de l'auteur face aux propos des négriers qu'il met en scène. Il n'en faut pas moins pour créer un roman bien captivant, fluide, et qui donne à réfléchir sur un sujet difficile, encore actuel aujourd'hui, et peu fréquemment évoqué.

 

Jack Küpfer, Black Whidah, La Chaux-de-Fonds, Morattel, 2014.

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