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21 avril 2014 1 21 /04 /avril /2014 18:45

hebergeur imageLu par Francis Richard.

Défi Premier roman.

 

Vous le savez comme moi: il s'en passe de belles sur Facebook. L'arnaque amoureuse est une forme de relation virtuelle favorisée par ce genre de réseau social. Née au Brésil, l'écrivaine Nadine Richon se sert de cette trame, faite de chantages affectifs visant à soutirer de l'argent à la victime, pour développer un premier roman au titre en forme d'oxymore: "Crois-moi, je mens". Présenté comme "une fable moderne", il interroge son lectorat sur son rapport au réel et au mensonge. Quitte à jouer avec lui, comme tout bon romancier sait le faire.

 

Le mensonge ne commence pas directement dans le monde d'Internet: la narration commence par donner la parole à Violette, une sexagénaire isolée qui vit sa vie par procuration après avoir perdu son emploi. En faisant intervenir dès la première phrase la figure de l'acteur de cinéma Gary Cooper, l'auteure plonge son lectorat dans les images fallacieuses qui nous entourent: le cinéma et ses contes ne sont pas moins mensongers que l'internet. Sauf que le genre cinématographique repose sur une convention: tout le monde connaît la part d'invention que tout film recèle. Avec Facebook, c'est beaucoup plus flou. Et lorsqu'un gars fait mine de s'intéresser à la vieille dame, l'arnaque commence, sur un levier classique résumé par la citation d'André Comte-Sponville placée en exergue de ce roman: "Quoi de plus passionnant que d'aimer ou d'être aimé?"

 

hebergeur imageCe qui pourrait n'être que le roman somme toute ennuyeux de solitudes juxtaposées devient fascinant dès lors que s'installent en parallèle, dans une polyphonie bien ordonnée, un certain nombre de personnages. Cette polyphonie permet d'éviter l'écueil du manichéisme, en donnant corps à un arnaqueur qu'on pourrait croire froid, sans scrupule et, en définitive, sans visage. Quitte à prendre le risque de lui trouver des excuses, en effet, l'auteur a l'habileté d'aller voir qui est ce bonhomme, ce qui peut motiver ses démarches illicites, et pourquoi. Difficile, cependant, de démêler le vrai du faux, l'arnaqueur aux noms multiples étant également habile à construire des scénarios à l'attention de ses correspondantes.

 

La polyphonie permet par ailleurs d'offrir à chacun de ses personnages une voix qui témoigne de leur personnalité. Le contraste est maximal entre Violette, la sexagénaire que tout le monde a oubliée, et Catherine, quadragénaire, beaucoup plus déterminée. Ce que trahissent, d'un point de vue formel, des points d'exclamation et, surtout, le choix de la première personne du singulier, qui lui donne tout de suite une plus forte présence. Les figures masculines de l'arnaqueur et d'Alexandre/Sacha, qui lui prête malgré lui sa plastique d'ancien hardeur, font dès lors figure de contrepoints.

 

Il est du reste à noter que l'homme le plus "vrai" de ce roman est justement Alexandre, acteur d'un genre cinématographique menteur s'il en est, et que c'est grâce à lui que Violette fera la jonction entre le réel et le virtuel, bouclant par le cinéma ce qui s'est ouvert avec du cinéma. Avec "Crois-moi, je mens", Nadine Richon signe ici une entrée réussie en littérature, tout empreinte de tendresse pour des personnages qu'elle dessine avec un sens de la nuance qui n'exclut en aucun cas la précision.

 

Nadine Richon, Crois-moi, je mens, Orbe, Bernard Campiche, 2014.

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