Une ville d'à peine cinq cents habitants, ça vous étonne? Je vous comprends. D'habitude, quand on pense "villes", on
imagine plutôt de grandes métropoles, ou au moins des bourgades rassemblant au bas mot dix mille âmes. Pourtant, les hasards de l'histoire ont permis qu'en Europe, plusieurs cités sont autorisées
à revendiquer le titre de "ville" alors qu'elles ne sont guère peuplées.
Quels seraient les critères, si l'on exclut la population? Historiquement, on retient la présence d'un château, d'un marché, d'un droit de battre monnaie, et peut-être un passé déterminant dans
le domaine politique. A ce régime, Gruyères, évoquée dans un précédent papier, est aussi une ville.
A ce titre, la deuxième localité qui me vient à
l'esprit est Rue, dans la Glâne, en Suisse. Un joli coin, ma foi, avec un demi-millier d'habitants. Malgré tout, cet endroit a des airs de citadelle fortifiée, juchée sur une colline, avec un
petit château pour surplomber le tout. Il s'agissait d'une ancienne résidence savoyarde; actuellement, le château est habité par le patron d'une importante chaîne de magasins d'électronique de
divertissement. L'histoire de Rue vaut son pesant de cacahuètes puisqu'il y a eu là-bas un marché, mais aussi un casino (une rue s'appelle encore "rue du Casino") et un hôpital. Avant la création
de l'Etat moderne en Suisse, en 1848, Rue était même le chef-lieu de la Glâne, toutes proportions gardées, avant de passer le témoin à Romont.
Longtemps, Rue s'est vendu comme "plus petite ville d'Europe". Or, elle a fusionné, voilà quelques années, avec les communes environnantes de Blessens, Promasens et Gillarens, ce qui porte à un
peu plus de mille le nombre de ses habitants. Toujours la plus petite ville d'Europe, alors?
D'autres cités sont sur les rangs, en tout cas. Durbuy est par exemple une ville francophone de Belgique; elle n'hésite pas, dit-on, à s'afficher comme "la plus petite ville du monde". En matière
de population, toutefois, elle affiche fièrement plus de dix mille habitants... à la suite de fusions, également. Difficile, cependant, de cerner les raisons de ce statut de "ville"; les
visiteurs belges de ce blog pourront peut-être m'en dire davantage.
La cité de Miranda do Douro, au Portugal, revendique aussi ce titre, tout comme Rabstejn, en République Tchèque. Miranda do Douro compte plus de 7000 habitants, répartis dans quinze villages; la
démographie s'y est avérée galopante depuis les années 1960. Son statut de ville remonte à 1286, et lui a été conféré par le roi Dom Dinis. Elle est par ailleurs la ville située la plus à l'est
du Portugal, et peut s'enorgueillir d'une cathédrale.
Située en Bohême, Rabstejn prétend surtout être la plus petite ville tchèque. D'abord un hameau, elle s'enorgueillit plus tard d'un château, avant d'être élevée au rang de ville en 1337. Un
article relève qu'il n'y a là-bas que quelques dizaines d'habitants, ce qui mettrait cette cité en très bonne position pour être la plus petite ville d'Europe en termes d'habitants, coiffant ses
concurrentes sur le poteau.
Du monde, cependant? Sans doute pas. Là, je crois qu'à part les villes fantômes du Far West, il
existe quelques villes très peu peuplées. Je pense surtout à Grytviken, ancien port de pêche à la baleine, situé en Géorgie du Sud. Une localité qui a tout pour plaire: un cinéma désaffecté,
un port, des ateliers désertés, des ruines d'avions (des suites de la guerre des Falkland), la tombe d'Ernest Shackleton, une église, de la neige, une faune à part et même un musée. Et les
conservateurs, Tim et Pauline Carr, sont les deux seuls habitants permanents de cette ville... Qui dit mieux?
Durbuy: http://www.durbuy.be
Géorgie du Sud: http://www.mclaren.gs/grytviken.htm
Miranda do Douro: http://site.voila.fr/miranda_do_douro/index.html
Rabstejn: http://www.radio.cz/fr/article/68514
Rue: http://www.rue.ch (source de la photo)
Photo Grytviken: flickr/Tod Lundgren