Notes de lectures, notes de musique, notes sur l'air du temps qui passe. Bienvenue.
Premier roman. Egalement lu par Clarabel.
Quatre temps, comme les quatre parties du bref roman "Valdingue", que Natalie Carter a publié en
2006 aux éditions Robert Laffont. Imaginez l'histoire d'un môme de treize ans qui met le feu à la maison de son supposé grand-père, et l'imbroglio familial complexe qui peut surgir autour de cet
acte initial violent.
Quatre temps, comme les trois voix du récit - trois, car en argot, la valdingue est une danse à trois temps qui ressemble furieusement à la valse, même si celle-ci est totalement absente de ce roman, ce qui donne à ce titre un côté étrange. Les trois voix sont celles du môme (le pyromane), d'un type, de la fille - le môme ayant l'honneur du mot de la fin, en une brève quatrième partie. Une structure intéressante d'un point de vue littéraire, mais aux virages un peu déroutants: très longue, la première partie du "môme" (Antonin, à moins que ce ne soit Alexandre) laisse le lecteur s'habituer à son discours, quitte à ce qu'il loupe le virage du "type" (deuxième partie), qui équivaut à un changement de voix. Autre élément curieux: des pages intercalaires rappelant, par flashes, des événements survenus au bord de l'océan.
Structure intéressante, ai-je quand même dit. Celle-ci est quand même exploitée avec habileté par l'auteur, qui excelle à donner à chacun des trois personnages appelés à s'exprimer une voix propre. J'en veux pour exemple celle de la fille, qui s'exprime plutôt correctement et s'adresse à un tiers qu'on n'entend pas mais dont on sent la présence - un peu à la manière d'un interrogatoire de police. Quant au môme, il est volontiers crâneur, un rien détestable, et aborde avec aisance des sujets pour lesquels il paraît a priori encore un poil jeune. L'auteur varie également les modes de narration, au risque de dérouter: dans sa première partie, le môme a un discours qui se subdivise en chapitres brefs, alors que la fille se lance dans une longue confession, ininterrompue tout au long de son chapitre. Enfin, l'agencement des locuteurs permet à l'auteur d'offrir des points de vue divers et de découvrir plusieurs oralités.
Le lecteur sera aussi frappé par la relative sobriété des décors. Le cadre donne une impression d'interchangeabilité: certes, l'histoire se passe dans le Sud-Ouest de la France, mais cela est à peine mentionné, comme si tout cela pouvait se dérouler n'importe où ailleurs, au Far West par exemple. Dans la première partie par exemple, il suffira de savoir qu'il y a une maison qui brûle, un rocher où vivent des vautours, des chevaux (pottocks) et plus tard une épicerie où travaille une épicière perverse dont on ne sait pas grand-chose.
Pour ce qui est des personnages, le lecteur les découvrira soit par leur verbe (le type, la fille - qui avoue être frigide et nymphomane dans l'âme, sans trop se faire prier), soit par le jeu qu'ils jouent autour des locuteurs, et en particulier du môme. On pense à Eve Beauchamps, qu'on voit agir et dont on se dit, au mieux, qu'elle est "un peu artiste" (ce qu'elle est), ou au pire qu'elle est givrée (ce qu'elle est peut-être aussi - après tout, dans "Valdingue", il y a "dingue"). Le grand-père incendié est présenté comme une ordure aux moeurs rudes, auxquelles fait écho la parole fleurie, très directe, d'Antonin.
Un roman formellement intéressant, donc - mais dont le contenu ne m'a guère touché. A vous, lecteurs, de tenter votre chance! Cela, au risque de vous noyer (les thèmes de l'eau et de l'océan sont omniprésents - rapprochement pertinent entre l'eau et le feu, même s'il n'est pas directement exprimé) ou de vous perdre dans cette narration brève mais finalement complexe.
Natalie Carter, Valdingue, Paris, Robert Laffont, 2006.