Notes de lectures, notes de musique, notes sur l'air du temps qui passe. Bienvenue.
Dernier tour de piste de ma part pour le challenge "Chick Lit For Men 2009", en espérant
une prolongation pour l'an prochain: je vous fais part ici de ma lecture du roman "Toutes les rousses ne sont pas des sorcières", premier volume d'une trilogie aux parfums de chick lit à la
française, signé Valérie Bonnier et publié aux Editions du Rocher.
Chick lit ou pas chick lit? Le lecteur est en droit de se poser la question. Un certain nombre d'éléments plaident pour une lecture "chick lit" de ce roman. D'abord, le personnage principal,
Clarisse, est une jeune femme qui, à l'approche de la trentaine, est toujours à la recherche de sa place dans la société: stabilité psychologique, prince charmant, situation professionnelle. En
l'occurrence, elle trouvera ces deux derniers éléments chez Palerande, l'entreprise qui accepte de l'embaucher. Quel domaine? La fabrication de vêtements - et elle sera styliste! Trop beau, trop
glamour me direz-vous...
... et c'est là que l'auteur prend quelques libertés avec les canons du genre, imposés entre autres par les strass et paillettes du "Sex And The City" de Candace Bushnell. Côté prince charmant,
d'abord... il s'agit en fait d'un vert galant quasi sexagénaire. Certes, il est aussi beau que Dominique de Villepin (c'est en tout cas comme ça que j'ai imaginé Edouard Palerande), mais on
est loin du jeune premier qu'on rencontre dans d'autres récits. Du coup, "Toutes les rousses ne sont pas des sorcières" prend des allures de mythe de Pygmalion à la sauce moderne (le personnage
mythologique est du reste cité), le patron mettant la jeunette sur rampe de lancement dans un élan de passion du reste régulièrement narré, de façon assez explicite, ce qui donne du piquant
à l'histoire.
Mais styliste, c'est un métier glamour, me direz-vous... Parfaitement d'accord, mais Clarisse la rousse (elle n'a pas de nom de famille, mais c'est comme cela qu'elle est désignée sur Facebook -
essayez!) tombe, avec Palerande, sur une fabrique d'habits tout ce qu'il y a de plus plan-plan, spécialisée dans la production de sweat-shirts pour hommes sans audace. Rien de bien reluisant,
donc; mais l'auteur compense cette absence d'éclat par quelques belles pages de description du petit milieu de l'usine, juste assez pour faire sentir qu'il y a de petites mains derrière les
grands vêtements, mais pas trop pour ne pas verser dans les pesanteurs que peut receler une étude de moeurs: bisbilles entre les couturières et leur responsable (chouette péripétie, à ce propos,
lorsque le petit personnel se révolte, seins nus, contre celle-ci); alcoolisme prononcé de Philomène (qui forme avec la bouteille un couple qui se suffit à lui-même, comme Clarisse rêve de créer
son propre couple se suffisant à lui-même, si possible avec Palerande, à moins que ce ne soit le fidèle et peu fantaisiste Hervé); homme de couleur "de service" occupé comme manutentionnaire;
traître à la cause en la personne de Vincent, comptable impénétrable et sceptique face aux créations de Clarisse - qui, il faut le dire, secouent un cocotier devenu trop sage. Côté social
également avec les perpétuelles consultations de Clarisse chez sa psy, qui permettent à l'auteur quelques variations, brèves, sommaires mais bien présentes, sur la relation complexe qui peut se
nouer entre un médecin et un patient.
Le défilé de mode est également présent, enfin; mais il échappe à tout glamour lui aussi: en fait de catwalk, le lecteur est plongé dans un hangar désaffecté où les
premières créations de Clarisse sont présentées de manière presque artisanale, entre amis venus jouer les soutiens moraux. Le succès lui-même n'est pas immédiat - rien à voir avec ce que l'on
peut découvrir dans les coulisses de "Runway", décrites dans "Le Diable s'habille en Prada".
Le récit, enfin, est rédigé à la troisième personne. Prise de distance, donc - ce qui enlève au récit une part de passion, d'emportement, de délires à la façon d'une Bridget Jones.
Peu importe, cependant: la fable parisienne (mais finalement universelle) de Clarisse est bien ficelée, par une auteur qui semble connaître son sujet - ce que l'on constate à quelques
détails liés au monde de la production de vêtements. Elle est menée de manière simple et linéaire, non dépourvue de clins d'oeil souriants à travers un quotidien parfois présenté comme plutôt
morne, et permet malgré tout certains regards sur la richesse - une richesse qui a un prix.
Qui donc, de Clarisse ou d'Edouard, va donc croquer l'autre? Leur relation amoureuse,
passionnée, fougueuse, tient-elle de la symbiose bien comprise ou du parasitisme toléré par l'une des parties? A vous d'en juger et, dans la foulée, de répondre à la question de départ:
chick lit ou pas chick lit?
Valérie Bonnier, Toutes les rousses ne sont pas des
sorcières, Monaco, Editions du Rocher, 2007.
Le site du livre: http://www.toutes-les-rousses.fr.
On en parle chez Yaya, Liria.
Dernier round de mon challenge Chick Litt For Men, organisé par Calepin!