Notes de lectures, notes de musique, notes sur l'air du temps qui passe. Bienvenue.
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Le blog de l'auteur: Foodamour
Merci aux éditions Lafon et à Camille!
... un jour d'inventer l'école? Princesse Soso, blogueuse et professeur d'anglais dans un collège, a collecté des billets de son blog pour en tirer le livre "Chroniques d'une prof qui en saigne", publié dernièrement aux éditions Privé. Un ouvrage de témoignage rédigé dans un style dont le moins qu'on puisse dire est qu'il arrache sa race - pour reprendre une manière de s'exprimer assez typique.
Il s'agit ici de la narration, au moyen de chroniques plutôt longues pour des billets de blogs mais confortables à parcourir sur papier, le quotidien d'une enseignante d'anglais placée jour après jour face à des adolescents en folie. Après Paul Guth, après François Bégaudeau, force est de constater qu'une nouvelle voix apparaît dans le domaine des enseignants qui écrivent. Celle-ci est dynamique, goûte volontiers aux traits qui font djeun et manie le vitriol comme d'autres le gaz hilarant. Elle semble faire un pas supplémentaire dans le désenchantement du microcosme scolaire. Bienvenue dans un univers où l'on s'étripe à coups de pointes de compas! Le lecteur lira sans doute, avec un sourire en coin, ce concentré de "crasses" d'élèves et de gestion de crise permanente.
Tout le monde en prend pour son grade. Le ministère de tutelle et le rectorat sont régulièrement critiqués pour leurs idées, présentées comme faussement bonnes le plus souvent. Il y a aussi les parents, cibles récurrentes, volontiers dépeints comme de parfaits clients démissionnaires de Super Nanny, souvent incultes, parfois même complaisants avec un adolescent en perdition - quand ils ne demandent pas la maîtresse comme amie sur Facebook. Cela, sans oublier le chauffeur d'autobus qui doit les conduire à Canterbury... et bien sûr les élèves, source inépuisable de perles dont on rit quand on les lit comme cela, mais qui doivent être pas toujours faciles à vivre au quotidien. Terreurs ou bisounours? Il y a de tout, mais c'est le plus souvent des terreurs, ou de cas qui pourraient paraître désespérés, qu'il est question ici.
Reste que même là, la narratrice se montre suffisamment forte pour intervenir avec fermeté et une certaine courtoisie, cernée également, souvent, par une ironie à l'acide. L'image qu'elle renvoie d'elle-même est des plus révélatrices et originales. On peut être surpris, en effet, par son faible pour les trousses Hello Kitty et les considérations sur le maquillage, contrebalancées par la présence, réelle ou rêvée, d'une batte de base-ball dans la salle de classe. On ne peut que s'étonner également du caractère éclectique de la culture générale de Princesse Soso, qui va de William Shakespeare à Sex And The City en passant par Secret Story (qu'elle affirme ne pas regarder...) et Jane Austen. Reste qu'au fil de certains billets plus axés sur la réflexion, elle interroge le lecteur: faut-il tutoyer les élèves, ou les vousoyer? Quels congés (ne pas) accorder pour les premières communions? A quelles conditions l'exclusion d'un élève est-elle une sanction efficace? Faut-il un diplôme spécifique pour enseigner (oui, selon l'auteur)? Quel partenariat entre les parents et les enseignants pour le bien de l'élève? Cela, sans oublier quelques piques envers la xyloglossie d'une certaine pédagogie ou la problématique du collège unique.
Princesse Soso invite donc ses lecteurs à découvrir, dans un tableau sans fard (ou plutôt si, mais bien sur le visage de certains personnages) mais non sans humour, le monde méconnu des collèges de province. Il vaut la peine d'y mettre le nez... et d'en avoir un avant-goût en visitant le blog de l'auteur.
Princesse Soso, Chroniques d'une prof qui en saigne, Paris, Privé, 2010.