Notes de lectures, notes de musique, notes sur l'air du temps qui passe. Bienvenue.
A l'heure où Danielle Akakpo s'apprête à publier son roman "Détestable Antigone"
aux éditions Laura
Mare (scoop: c'est pour le 5 juin!), il est savoureux de se
plonger quelques heures dans son recueil de nouvelles précédent, intitulé "Quelle comédie la vie!" et publié par Pietra Liuzzo. Seize textes brefs, que reconnaîtront peut-être certains
participants d'ateliers d'écriture en ligne, s'y côtoient. Ils ébauchent le portrait souriant ou grinçant d'une certaine humanité, volontiers faite
d'interactions.
Interactions? La vie de couple est souvent abordée dans ces nouvelles. Une vie de couple qui ressemble rarement à un long fleuve tranquille. On l'apprend dès la première nouvelle, "Deux petits pieds", qui met en scène une fille qui, après le décès de son père, apprend que celui-ci trompait sa femme... avec la bénédiction de cette dernière, qui a même fini par devenir amie de l'amante. Certes, le récit aurait pu être développé davantage encore, et l'acceptation de cette situation par tous les intéressés semble plutôt idéaliste; mais le récit est bien construit, et recrée avec adresse, à partir de bribes et de souvenirs, toute une vie de couple (oserions-nous dire "trouple"?) comme les autres... ou presque.
Il y a aussi ces histoires de ruptures ou de "bon débarras" un peu curieuses: cette épouse qui assassine son mari dans "Salut pochetron", cette fille qui quitte son ami et que celui-ci retrouve à l'autre bout de la France ("Que je t'aime", avec un clin d'oeil appuyé à un certain Johnny Hallyday) ou les amours virtuelles contrariées de la vieille fille Barbier qui, comme son nom l'indique, cache par tous les moyens possibles un problème de pilosité héréditaire. Cela, sans oublier les "Louables intentions" bien tardives d'un vieux grabataire à l'article de la mort...
Bons ou méchants, voire simplement humains, les personnages dessinés par l'auteur sont attachants. Ce sont toujours des gens ordinaires, des personnes comme vous et moi - ou presque, parce qu'il y a parfois quelque chose qui cloche, un masque qu'on refuse d'ôter, un rôle qu'on accepte ou qu'on refuse ("Vis ta vie"). Que penser, en effet, de cet homme qui, tout au long de "Karaoké", nouvelle au goût d'exercice de style réussi autour de la chanson française, s'amuse à chanter ses propos à son amante de l'été sur l'air des tubes radiophoniques? La chute de la nouvelle semble suggérer que c'est contagieux... et que les chansons finiront toujours par trotter dans la tête de quelqu'un (le lecteur, en fin de compte...). Il y a aussi cette institutrice que le regard des autres gêne et qui cherche à donner le change, ou le mari fanfaron mais cocu de "Lettre à Elisa".
Le style de l'auteur se caractérise par son aisance, mais aussi par la pertinence des voix utilisées: qu'elle laisse parler ses personnages et les voilà qui glissent dans une savoureuse oralité, égratignant la pureté de la langue au besoin, glissant çà et là une expression populaire. Les chutes? L'auteur les aime variées: un bon mot, un article de journal pour tout expliquer (le procédé est classique mais fait mouche dans "Attente"), une pirouette pleine d'esprit de la part du personnage principal. Le tout, au service de situations humaines, si humaines, et croquées avec talent.
Danielle Akakpo, Quelle comédie la vie!, Nice, Pietra Liuzzo, 2008.
Le blog de l'auteur: http://danielle.nipox.com/