Notes de lectures, notes de musique, notes sur l'air du temps qui passe. Bienvenue.
Noann Lyne? La blogosphère le connaît parce qu'il tient son blog (il a même
parlé de mon recueil de nouvelles - en vente ici, hé hé!). Mais peut-être est-il moins connu en
qualité d'écrivain. Erreur! Son recueil "Délivrances" révèle en effet une originalité certaine dans l'approche du sujet qu'il s'est choisi: la mort, perçue comme une délivrance. Et il est n'est
pas fréquent que le titre d'un recueil soit aussi pertinent.
On se dit en effet souvent que la mort est un passage pénible, difficile à vivre tant pour celui qui y passe que pour ceux qui l'entourent, voire l'aiment. Sujet délicat, donc! L'auteur retourne la question en se demandant si, au contraire, la mort n'était pas, finalement, un passage agréable, voire souhaité par celles et ceux qui trépassent. Le lecteur est averti d'emblée: certaines scènes sont déstabilisantes...
Souhaitable, alors, la mort? Embarquons dans le navire de l'auteur. Celui-ci met en scène des scénarios ayant trait à l'euthanasie ou au suicide - des thèmes attendus, mais abordés avec pertinence afin de secouer le lecteur, de le déranger fort à propos, dans une démarche littéraire pertinente où, à chaque fois, le personnage central est heureux de quitter son enveloppe de chair.
Première nouvelle du livre, "Chute Céleste" aborde la question délicate de l'euthanasie - belle entrée en matière! C'est avec beaucoup de pudeur que l'auteur en arrive progressivement à ce mot; il convoque aussi la difficulté de vivre qui caractérise le personnage principal de cette nouvelle, rendu inapte à toute communication verbale - ce qui le contraint, d'une part, à s'exprimer en clignant des yeux et, d'autre part... à jouer, et ce sera une constante du livre, la carte de l'introspection. Celle-ci convoque les quatre éléments: le ciel, ô combien désirable car lieu de destination de toute personne appelée à mourir, et l'eau (de mer), où s'achève plus d'une existence... mais aussi le feu, synonyme de l'âme, et la terre, peut-être l'élément le moins désirable dans la mesure où il est synonyme de cailloux - et, sans doute, de la vie terrestre et de ses contingences.
La mer, élément de mort mais aussi élément de désir, est du reste un thème récurrent de ce recueil (voir la photo de couverture...), écrit par un homme qui semble connaître les vicissitudes de la vie d'un marin breton. Ainsi le personnage principal de "Désir ultime" rêve-t-il/elle du grand plongeon. Face à la femme qui souhaite ardemment se jeter définitivement à l'eau, on trouve un vieillard qui tient à la vie - contraste majeur, d'autant plus que l'une et l'autre sont présentés comme des archétypes hantant un décor si universel que chacun peut se l'imaginer. Celle que Paul Valéry présente comme "toujours recommencée" constitue également le point de départ de "Chute Céleste".
Introspection, ai-je dit? Les personnages de l'auteur ont volontiers la parole, c'est vrai, et de manière diversifiée. L'auteur sait en effet les faire parler par quelques biais originaux et propices. Ainsi y a-t-il les lettres qui ouvrent la nouvelle "Du plus haut des cieux" ou celle qui constitue l'ensemble du texte "Lettre à toi mon Ange". Introspections également dans les différentes interprétations de la vision chrétienne de l'au-delà, qui invitent le lecteur à donner, à son tour, un sens à ce qu'il adviendra de lui après son décès. La mort est-elle une fin ou un passage? L'auteur, formé aux écoles catholiques mais fort de son propre vécu, donne certes ses pistes, mais se garde bien d'imposer sa réponse. Est-ce que ce sera mieux "après"? Le passage sera-t-il difficile? Enfer, parads, purgatoire? Au lecteur de trouver sa voie.
Noann Lyne, Délivrances, Broc, La Plume Noire, 2010.
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