Notes de lectures, notes de musique, notes sur l'air du temps qui passe. Bienvenue.
... sont servis le mercredi sur
ce blog. Du moins à en croire le recueil de nouvelles "Les Croissants du dimanche" d'Annie Saumont, paru en 2008 et que je viens d'achever après l'avoir repêché au fond d'une pile de livres à
lire.
Annie Saumont, rappelons-le, est devenue, au fil des recueils, une spécialiste reconnue du genre de la nouvelle. Parmi ses qualités, on compte l'efficacité, le sens de la formule et l'art de
raconter en trois pages une histoire complète qui fait mouche. Je dois avouer qu'une première tentative, avec "C'est rien, ça va passer", m'avait laissé assez froid: du fait même de sa force,
d'un ensemble de traits caractéristiques qu'on reconnaît partout, le style m'avait semblé toujours pareil, maniéré même.
Et curieusement, sur ce deuxième recueil lu, l'impression a été bien plus positive. L'ouvrage est-il moins abrupt? Etais-je dans de meilleures dispositions pour lire "Les Croissants du dimanche"?
En tout cas, ils sont passés tout seuls, sans beurre ni confiture (ce n'est pas le genre de la maison), mais avec plaisir et respect envers l'auteur.
On l'a compris, Annie Saumont est un écrivain efficace et ce, à tous les étages, sachant parfaitement comment faire court et dense. Le lecteur qui se plonge dans ses textes va d'abord être
surpris par la manière dont elle malmène la ponctuation afin de la rendre plus directe: une majuscule après une virgule pour envoyer une réplique, des virgules qui sautent dans les énumérations.
Pourquoi faire lourd quand on peut faire léger? La respiration de la phrase prend ainsi, par ailleurs, un rythme très personnel.
Et puis, dans une optique d'efficacité, pourquoi finir des phrases qui se terminent par quelque chose qu'on sait déjà? Annie Saumont introduit donc sa subordonnée... et plante là le lecteur, qui
reconstruit ce qui manque d'après les informations dont il dispose déjà.
L'onomastique et la géographie sont aussi souvent réduites à l'essentiel: des prénoms, rarement des noms, et des lieux mal localisés: si l'histoire se passe dans le Nord, elle pourrait aussi bien
se dérouler à l'autre bout de la France, voire en Nouvelle-Zélande, où le recueil "Les Croissants du dimanche" a été composé. Tout cela donne à ces histoires d'humains si ordinaires, si sombres
parfois, une aura d'universalité.
Face à un tel dépouillement, naturellement, le moindre effet de style relevant a priori du superflu prend un relief insoupçonné - on pense à la répétition de l'idée que le brocoli est une
cruciféracée dans la nouvelle "Brocolis".
Au final, le lecteur se trouve face à des textes très directs, volontiers abrupts ou âpres, qui font parfois sourire, qui grincent souvent. "Les Croissants du dimanche" s'imposeront donc comme
une lecture très instructive pour celui ou celle qui écrit des nouvelles: on peut ne pas aimer, mais il est précieux d'avoir assisté à la leçon, si
j'ose ainsi m'exprimer.
On en parle chez Clarabel,
Marianne.
Annie Saumont, Les Croissants du dimanche, Paris, Julliard, 2008.