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Vous
aimez les people? Vous aimez la presse people et les ragots de boulevard? Le côté voyeur qu'il peut y avoir à épier les stars hollywoodiennes lorsqu'elles ne sont pas à leur avantage? Alors
"Presse People", le dernier roman de Carl Hiaasen, est pour vous. Traduit dans une tonalité canaille par Yves Sarda, il explore un petit monde qui a tout du panier de crabes, pour ne pas dire du
presse-purée où chacun se débat pour ne pas être moulu le premier.
Le côté voyeur est imposé d'emblée par l'auteur, qui choisit de placer au centre de son récit un paparazzi sans scrupule (mais non sans mérite) nommé Bang Abbott et de lui offrir tout un premier chapitre pour lui laisser l'occasion de déraper en photographiant une inconnue. Là aussi, élément clé du récit: Abbott va passer tout le roman à chercher à photographier Cherry Pye, une chanteuse à deux balles comme il s'en fait trop (belle gueule, voix atroce...) - quitte à tomber parfois sur sa doublure.
Le personnage de Cherry Pye concentre à lui seul les clichés qu'on accole aux starlettes. L'auteur a bien fait les choses: le lecteur se retrouve ainsi à penser tour à tour, en découvrant la figure de Cherry Pye, à des personnalités comme Paris Hilton ou Amy Winehouse - le tout, en version lourdement caricaturée, largement décérébrée et parfaitement imprévisible. C'est autour de cet élément instable que se positionne toute une série de personnages particulièrement hauts en couleur, tous désireux (mais alors vachement!) de tirer leur épingle d'un jeu qui, immanquablement, va finir dans le mur.
Les personnages principaux sont hauts en couleur, on l'a compris, et l'auteur réalise un premier tour de force en les faisant fonctionner ensemble d'une manière complexe - quitte à réaliser l'impossible alliance du paparazzi et de la personne qu'il entend photographier. Deuxième tour de force: créer à ces deux personnages un entourage à la hauteur. Là, le lecteur est servi - et pourtant, l'auteur se contente de prendre ce qui se présente autour de lui, le plus naturellement du monde: les parents de la jeune starlette, son agent artistique, les deux attachées de presse (une paire de jumelles, il faut quand même un peu d'esthétisme), la fameuse doublure, et le garde du corps - un certain Chimio, déjà vu dans "Cousu main". Et plus loin, parce qu'il faut un contexte, l'auteur rappelle la crise des subprimes - qui causera la perte d'un promoteur immobilier et servira de prétexte, pour l'auteur, à suggérer qu'il y a quelque chose de pourri au royaume de l'oncle Sam. Tour de force conclusif: chacun des personnages est fortement caractérisé (il y a même un ex-gouverneur retourné à l'état sauvage), et pourtant, tout fonctionne - comme dans la vraie vie, où des êtres humains parfois fort divers interagissent le plus naturellement du monde. Bref, nous avons affaire à un panier de crabes de première catégorie.
Le contexte de la hype hollywoodienne impose ses codes au romancier. Celui-ci manie donc, avec un sens consommé de l'outrance, le namedropping (on ne compte plus les stars réelles ou imaginaires qui traversent ce roman), la mention de bars à la mode et la description de comportements parfaitement immatures. Enervant? Mieux vaudra en rire, tant l'auteur goûte l'art de la caricature d'un monde dont le lecteur lambda, loin des feux de la rampe, ne soupçonne guère la perversion.
Tout cela est mené à un rythme d'enfer, c'est le moins qu'on puisse dire! Le délire se niche à chaque coin de page, le gag le plus absurde guette partout. L'outrance (certains diront: "c'est hénaurme!") s'exprime aussi dans un certain sens de l'image choc, par exemple lorsqu'il s'agit de décrire les testicules d'un personnage, infectés par les mille piquants d'un oursin. Comme quoi l'auteur n'hésite pas à taper en dessous de la ceinture pour séduire son lectorat. Et ça marche... hé hé!
Carl Hiaasen, Presse People, Paris, Editions des Deux Terres, 2012, traduction d'Yves Sarda.