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Avec "La Mouche", Nicole Voilhes propose à ses lecteur une expédition dans les
méandres de l'Affaire des poisons, qui secoua le début du très long règne de Louis XIV. Vaste galerie de portraits que celle que recèle ce roman historique: des chiromanciennes qui
empoisonnent en coulisses, des scientifiques aux terrains de recherche étranges, des curés dévoyés, une noblesse apparemment au-dessus de tout soupçon: le beau linge que voilà - et il n'y a que
du vrai... si ce n'est les deux personnages principaux du récit: Marie, dite "La Mouche", et Philippe de Beaudry, son "ange gardien".
De la part de l'auteur, ce roman témoigne d'une double maîtrise: celle de la technique romanesque et celle de l'histoire, avec un sans grand H. Nicole Voilhes connaît son affaire, et
n'en est pas à son coup d'essai en matière d'écrits romanesques autour de la période classique. Mais sa prose, axée sur la narration d'une histoire, ne se fait jamais didactique,
n'ennuie jamais le lecteur avec de longues digressions explicatives. Le goût du dix-septième siècle affleure toutefois dans le choix de tournures délibérément archaïques et dans quelques
notes de bas de page qui expliquent brièvement à ceux qui le souhaitent le sens de tel ou tel mot, par exemple tiré de l'argot de l'époque. Et même un lecteur peu au fait de l'histoire de France
se trouvera à l'aise dans cette prose accrocheuse, mise en page de manière légère et confortable.
Peinture de moeurs, le roman "La Mouche" est aussi un étonnant jeu de masques, des masques qui interviennent partout, au sens propre ou figuré. Il y a d'abord les loups qu'on arbore lors de bals
où l'on danse le menuet, bien sûr. Il y a aussi les activités réprouvées, que ceux qui s'y adonnent masquent derrière des "couvertures" plus ou moins respectables. Il y a encore les arguments
spécieux de ceux qui empoisonnent et tuent pour justifier leurs actes. Et il y a, enfin, le langage précieux et châtié d'une certaine noblesse qui, avec le sourire et l'élégance les plus exquis,
s'envoie des vannes extrêmement vachardes - cela, dans une société où il importe de briller.
Naturellement, le masque le plus actif de ce récit n'est autre que Marie, "mouche" au service de la police, lâchée sur l'Affaire des poisons, qu'elle dévoile peu à peu dans des conditions qui
rappellent celles d'un roman d'espionnage moderne. Elle obtient cet emploi peu reluisant a priori après avoir volé un pain - c'était ça ou les galères... la voilà obligée de se procurer toutes
sortes de vêtements, de changer de nom - elle dont on ignore, pratiquement jusqu'au bout, la véritable (et noble, ce qui donne lieu à une reconnaissance des plus
classiques) identité.
Mouche elle est, mouche elle sera - et c'est là que joue l'esprit de l'auteur, en particulier son habileté à filer la métaphore comme une araignée tisse sa toile. Le terme de "mouche" a en effet
au moins trois sens: pièce de maquillage, insecte ou espion. Marie sera métaphoriquement tout cela, tout au long du roman - et en particulier doublement prisonnière de sa fonction comme une
mouche peut l'être lorsqu'elle est engluée dans une toile d'araignée: la police la tient et ceux qui font l'objet de ses enquêtes veulent sa peau...
"La Mouche" est donc un roman historique qui vise un public large, qui n'ennuie jamais - et permettra peut-être à certains lecteurs de découvrir une époque, un événement historique, des
mentalités même.
Nicole Voilhes, La Mouche, Saint-Etienne, Laura Mare Editions, 2009.
On en parle également ici: Jérôme Cayla
Le site de l'auteur: http://www.nicolevoilhes.com
Le site de l'éditeur: http://www.lauramare.fr