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Notes de lectures, notes de musique, notes sur l'air du temps qui passe. Bienvenue.

Hommes politiques: cherchez les faiseurs de pluie

hebergeur imageRoman, lu aussi par Gangoueus, Hervé, Lecturissime, Liss, Stéphanie Joly.

 

La politique mondiale de haut niveau est toujours d'actualité. L'exploration de ses coulisses, et en particulier du petit monde des communicants qui entourent les grands hommes d'Etat, et en particulier les présidents élus, peut dès lors s'avérer complexe et captivante. Cela, surtout si elle est guidée par la plume de Mamadou Mahmoud N'Dongo. C'est cet univers discret que cet écrivain Français né au Sénégal se propose d'explorer dans "La Géométrie des variables".

 

L'univers de la communication occupe d'emblée le devant de la scène, et la forme l'atteste de la meilleure manière. Ce n'est pas pour rien, en effet, que le premier chapitre de ce roman constitue l'amorce d'un entretien télévisé autour d'un scandale théâtral - scandale qui permet de parler d'une pièce polémique et, mine de rien, d'introduire le thème politique par la bande. Cet entretien occupe toute la première partie et annonce aussi la tonalité du récit: beaucoup de dialogues, et quand ce ne sont pas des dialogues, ce sont encore les personnages qui s'expriment, sur le ton de la confession.

 

C'est dans la deuxième partie qu'arrive une belle paire de communicants, Daour et Bainville, le jeune et l'ancien. D'emblée, le lecteur constatera que leur duo fonctionne en partie sur le schéma du dialogue intergénérationnel. Un dialogue qui fait écho, dans le roman, aux générations d'hommes politiques qui se succèdent: celle qui a connu la guerre contre celle qui ne l'a pas vécue. Ces hommes politiques, le lecteur va être amené à les découvrir en coulisses. Et ils seront nombreux: les deux personnages travaillent pour une grosse agence internationale de faiseurs de pluie. Du coup, les regards se feront volontiers par touches, un trait suffisant à dépeindre l'arrière-plan d'un personnage. Frédéric Mitterrand côtoie ici Nicolas Sarkozy, Bill Clinton, Ronald Reagan et bien quelques autres - sans oublier le Libérien Darius Jones, inventé pour le coup. L'approfondissement n'est pas de mise, cependant, d'autant plus que l'auteur opte pour des chapitres courts, d'une longueur souvent inférieure à une page. 

 

Peu importent, cependant, les combines et anecdotes croustillantes qui ont pu faire élire des chefs d'Etat un peu partout dans le monde. Au fil de leur évocation, c'est surtout le cynisme et le caractère désabusé des communicants qui émerge - des communicants qui peuvent travailler indifféremment pour l'un ou l'autre bord de l'échiquier politique, et chercher à faire gagner un homme de droite un jour, puis un homme de gauche le lendemain. Quelques préférences sont brièvement évoquées par certains personnages, mais elles sont reléguées au second plan par l'impitoyable business. Un business qui, en miroir, s'avère tout aussi impitoyable avec ceux qui s'y adonnent, les mises au placard et autres manoeuvres faisant partie du jeu.

 

Le propos est étoffé par des réflexions sur la question des personnes de couleur (et de leur hiérarchisation serrée dans des sociétés métissées), et de nombreux clins d'oeil au cinéma, un monde que l'auteur connaît bien. Cela, sans oublier l'hypocrisie de certains prix mondiaux, révélée dans le cadre anonyme et impersonnel d'un hôtel amstellodamois au nom des plus ordinaires. En définitive, Mamadou Mahmoud N'Dongo offre un roman aux ambiances résolument urbaines, qui fera voyager son lectorat dans les coulisses cosmopolites d'une politique mondialisée qui a perdu son âme, victime des dérives de la communication et du storytelling.

 

Mamadou Mahmoud N'Dongo, La géométrie des variables, Paris, Gallimard/Continents noirs, 2010.

 

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