Notes de lectures, notes de musique, notes sur l'air du temps qui passe. Bienvenue.
Roman, aussi lu par Camille,
Cathulu, Celsmoon, Deliregirl, Francesca, L'Accro des livres, Lily, Lire-Relire, S-Ecriture, Sous le feuillage.
Merci à Camille Groelly, à Silvana Bergonzi et aux éditions Michel Lafon pour ce partenariat!
Le dernier roman de Cecily von Ziegesar, "Glam, jalousie et autres cachotteries" ("Cum Laude" en version originale), peut se classer dans la catégorie des romans de jeunes adultes, placés en milieu estudiantin. On pense ici à d'autres récits, dont ce livre se rapproche, volontairement ou non: d'une part "Joëlle Mazart"/"Pause Café" de Georges Coulonges, sans cependant l'aspect social et l'approfondissement de situations humaines parfois graves; d'autre part "Moi, Charlotte Simmons" de Tom Wolfe, énorme récit fouillant dans le détail, sur plus de mille pages, l'avers et le revers d'une année universitaire chez les riches. Pesant 333 pages, "Glam, jalousie et autre cachotteries" ne saurait être aussi dense. Reste qu'il narre plusieurs situations obligées du petit monde de ceux qui débutent à l'université.
Il y a là quelques classiques, en effet, qui campent clairement le récit dans un contexte américain. D'emblée, l'auteur met en scène deux garçons qui s'empressent autour de la voiture de la jolie Shipley pour monter ses bagages - de quoi rappeler Charlotte Simmons! Ces deux gars passent ensuite à l'arrière-plan, ce qui est dommage: on aurait aimé faire plus ample connaissance. On relève aussi le passage obligé de la Thanksgiving où tout va de travers, autour d'une dinde traditionnelle - avec présentation très rituelle du boyfriend à la famille. Il y a aussi le côté "jamais sans ma bagnole", omniprésent: même le marginal de service, Pink Patrick, trouve le moyen de se balader avec une voiture. Pas la sienne, d'accord, mais presque. L'auteur tente de mettre un soupçon de glamour de ce côté-là en citant les marques des véhicules. On croise ainsi une Volkswagen et une Mercedes. Enfin, la dianétique, théorie imaginée par le patron d'une secte américaine nommée Scientologie, fait partie des gadgets récurrents du récit - au même titre que la Bible.
Glamour, suggère le titre... celui-ci semble briller non par ses paillettes, mais plutôt par sa rareté. Certes, les jeunes adultes qui se retrouvent à Dexter pour étudier sont souvent issus de familles dites convenables - de la bonne bourgeoisie, dirait-on ici. Reste que le choix de mettre en scène une université de deuxième ordre (pour ne pas dire pire) interdit à l'auteur de mettre en scène des personnages représentants d'une jeunesse trop dorée. Même la séance de shopping entre Eliza et Shipley semble plutôt sage (2000 dollars, soit le total de tout ce qu'elles se sont payé à deux pour Thanksgiving en faisant chauffer la Visa parentale, c'est à peine le prix d'un complet pour hommes de grande marque...). Le contexte pour le moins bucolique des lieux n'est par ailleurs guère propice aux garden-parties en smoking-noeud papillon avec strass et petites flûtes de champagne millésimé. Même les stupéfiants utilisés n'ont pas une image de "drogues de riches": ecstasy, joints, éther subtilisé au laboratoire...
Jalousie? Là, le titre tape plus juste en suggérant les intrigues amoureuses et les mystères familiaux. Qui est jaloux de qui dans la famille de Shipley, par exemple? La petite soeur ou le grand frère fugueur disparu? Jalousie également autour des histoires d'amour (rimant avec toujours, ou du moins jusqu'à l'épisode suivant, parce que les esprits sont volontiers romanesques sous des dehors rebelles (Eliza la punkette) ou faussement sages (Shipley l'oie blanche) qui rythment le récit: Shipley, en fin d'histoire, est titulaire de deux amours. Chacun et chacune a ses qualités propres dans ce récit, et certains jalousent celles des autres, à un âge où chacun cherche un peu sa place dans la vie d'adulte qui commence. Le tout, dans une université qui, entourée d'arbres et construite sur un promontoire, a tout du phalanstère isolé et propice aux études - ou presque, puisque les contacts avec les gens du cru sont également présents.
Reste le rythme du récit - qui est tout à fait pertinent, surtout à partir du chapitre 3.
Les deux premiers chapitres servent en effet à planter le décor, ce qui donner à ce roman un air lent à l'allumage. Les péripéties démarrent ensuite, et sont nombreuses: fête dans
une grange, construction d'une yourte, dépucelage de Shipley (oui, c'est parfois un peu graveleux), Tragedy qui se fait tirer dessus, pièce de théâtre, exposition d'art avec Eliza en sex-symbol
de service. Régulièrement, les chapitres du récit commencent par assener quelques vérites d'ordre général avant d'entrer dans le vif du sujet. Portée par une langue standard, parfois (très)
familière où les dialogues claquent globalement bien, cette histoire découpée en 23 chapitres s'achève de manière satisfaisante: on a l'impression que tout est résolu. Reste que l'auteur est
suffisamment habile pour laisser ouvertes un certain nombre de portes... qui devraient lui permettre d'écrire une suite. Affaire à suivre donc!
Cecily von Ziegesar, Glam, jalousie et autres cachotteries, Paris, Michel Lafon, 2010, traduit par Françoise Hayward.