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10 avril 2013 3 10 /04 /avril /2013 22:32

hebergeur imageLu dans le cadre du défi "Nouvelles".

Sites de l'auteur et de l'éditeur

 

Difficile de faire un titre de billet malin à partir de celui du recueil de nouvelles "Des taureaux et des femmes" de Catherine Gaillard-Sarron. Pourtant, il y est bien question de bovins, au sens propre ou métaphorique. Ainsi les vaches et les taureaux font-ils figure, tout au long du recueil, de leitmotiv. Cela, sans compter les boeufs, qui ne sont autres que des taureaux castrés: l'ultime nouvelle du recueil, "L'histoire de Kim Lalesh", un conte des plus sensuels, en présente un fort beau spécimen. Mais n'anticipons pas...

 

... Ce recueil de nouvelles se pose en complément au recueil "Un fauteuil pour trois": alors que ce dernier se concentre sur des textes qui font frissonner (fantastique, horreur), "Des taureaux et des femmes" met en scène des destinées humaines, sans une once de fantastique, mais avec leur lot de dominations et de soumissions - cela, après une première nouvelle, "Des taureaux et des femmes", qui suggère une recherche de l'accord parfait. Si sa fin, fondée sur une astuce grammaticale, est un peu facile, le lecteur goûtera le caractère habile et enlevé du développement, qui file avec adresse la métaphore tauromachique et exploite le champ lexical taurin. Au final, voilà troussée une course-poursuite entre deux amoureux qui a tout d'une aimable corrida de l'amour vache. De quoi séduire le jury du prix Ernest Hemingway!

 

Une telle harmonie tranche avec les autres nouvelles du récit. La plupart d'entre elles relatent en effet des dissonances entre êtres humains, et des vies de couple vues, souvent, dans une optique de domination crasse. Le lecteur appréciera ainsi la finesse toute relative (et c'est peu de le dire) de l'homme dans "La Lisette" - un prénom que l'auteur a déjà utilisé ailleurs dans ses oeuvres, dans un recueil intitulé "La Lisette, Paul, Martha et les autres", paru en décembre 2007, et vu comme le parangon d'une destinée féminine faite de frustrations bien réelles et d'espoirs sans cesse déçus. La dédicace de "Des taureaux et des femmes" donne du reste à "Lisette" le caractère d'un nom commun désignant ce type de destinée féminine, que les nécessités de l'existence ont subordonnée à un homme dépourvu de toute finesse et de toute empathie - un agriculteur, par exemple, éleveur de bovins, figure que l'auteur exploite ici.

 

Certaines nouvelles du recueil sont fulgurantes, à l'instar des astucieuses nouvelles à chute "Réminiscence" et "L'Affaire de Noël" - une affaire non dépourvue de cruauté, disons-le. Dans ce registre, le lecteur goûtera aussi avec plaisir "Le Sermon du Père Fides", récit humoristique qui rapproche la religion chrétienne et un certain produit de bienfaisance très à la mode. Le nom en forme de jeu de mots du personnage, cité dans le titre, guide le lecteur: il convient de lire cela au deuxième degré, en gardant à l'esprit que c'est pour rire - et que Dieu est (aussi) humour. Cette dernière idée, l'auteure de "Des taureaux et des femmes" l'exploite aussi ailleurs, en particulier dans "Le fantasme du curé", nouvelle plus développée, au parfum rétro (le curé monte encore en chaire pour dire son sermon). Cette nouvelle est adroite, perverse même, puisqu'elle pousse le lecteur à avancer dans sa lecture en flattant son côté voyeur: au fond, elle suggère que le curé a des pensées aussi secrètes que coupables... qu'on aimerait bien connaître!

 

Le lecteur pourra avoir l'impression, au fil des nouvelles, que les femmes sont toujours victimes des hommes. Quelques nouvelles suggèrent cependant l'inverse, ou indiquent que tout n'est pas si simple. "Paul et Martha" est l'une d'entre elles: comment condamner ce brave Paul, conjoint d'une Martha qui a tout d'une Tatie Danielle? Et que penser de la vengeance du mari trompé dans "Aux mille et un pâtés"? Certes, il paraît bien sûr de lui; certes, le lecteur voit venir l'issue d'assez loin; mais malgré ces faiblesses, le lecteur se délectera de quelques descriptions culinaires appétissantes... avant de découvrir la terrible réalité des plats. 

 

Au fil des nouvelles, le lecteur est promené dans des relations interpersonnelles et de couple qui dysfonctionnent et cahotent, jusqu'à la folie ("Monsieur Herbert"), et certaines pages de "Des taureaux des femmes" ont un petit goût amer ou dérangeant. Cela dit, l'auteur indique de façon claire que tout cela n'est pas à prendre trop au sérieux - l'onomastique des personnages, en particulier, le signale, riche en jeux de mots subtils ou directs. Ainsi le lecteur fera-t-il la connaissance de Kim Lalesh (on imagine ce qui lui plaît...), de Madame Currit-Vaire (qui ne manque pas de piquant, finalement) et, bien sûr, du Père Fides, insidieux d'entre les insidieux. Ainsi, tout en soulevant des sujets graves liés aux relations interpersonnelles, l'auteure offre toujours un espace ludique au lecteur, et évite ainsi, fort justement, de plomber l'ambiance.

 

Catherine Gaillard-Sarron, Des taureaux et des femmes, Lausanne, Plaisir de lire, 2011.

 

L'auteure lira et dédicacera ses poèmes le vendredi 19 avril 2013  de 18 h 30 à 21 h à la librairie Filigrane, Rue du Four 7, à Yverdon-les-Bains. Pour en savoir plus.

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