Notes de lectures, notes de musique, notes sur l'air du temps qui passe. Bienvenue.
Sombre récit que "Les faux cils et le marteau", roman noir de l'écrivain stéphanois Thierry Girandon!
L'auteur mêle questions sociales et plongée dans les bas-fonds à l'occasion d'un récit à l'intrigue simple et solide: licencié, Jean Blême décide de tuer son ancien patron. Mal lui en prend, vu
le relatif guêpier dans lequel il met ainsi les pieds. Pris globalement, le titre est un jeu de mots facile sur le communisme, auquel il est fait allusion çà et là dans le récit. Quant au marteau
et aux faux cils, ils font allusion à deux personnages clés précis.
Personnages, ai-je dit. L'auteur a choisi leurs noms en prenant soin de jouer avec des allusions faciles à comprendre. Jean, au départ, ce n'est qu'un prénom. Son patronyme? On peut penser que c'est "Blême", comme le suggère la quatrième de couverture. Reste que l'auteur entretient le doute en associant systématiquement l'adjectif "blême" à ce personnage. Cela fait écho, on le comprend aisément, aux matins blêmes d'une vie de travail terminée sur un licenciement économique qui n'a rien de brillant. Son patron, l'auteur dudit licenciement, s'appelle Médeuze, patronyme suggestif du chef "de mes deux" qu'on ne peut apprécier - et rappelle le nom de Dardini, truand de l'histoire et amateur de plans cul sophistiqués voire pervers. Vassila la pute (désolé, c'est comme ça que la nomme l'auteur!), navigue entre différents pseudonymes, sans compter le surnom de "Natacha" dont l'affuble sa hiérarchie. Quant à Alain Poulain, c'est évidemment le poulain de son parti, puisque c'est un homme politique éminemment ministrable.
L'histoire est, je l'ai dit, assez simple à résumer: Jean se retrouve mal pris parce qu'il a mandaté un tueur à gages pour tuer son ancien chef... et se retrouve contraint de devoir faire la besogne lui-même alors qu'il n'a pas "la fibre". Quelles sont les circonstances du récit? On suppose que tout cela se passe quelque part dans la province française, mais l'auteur ne précise pas où. On a d'un côté une zone industrielle qui ressemble à une friche peu attrayante et, de l'autre, quelques bas-fonds glauques où les filles de joie abondent, volontiers dénudées. Sombres ambiances qui se font écho pour donner au récit une ambiance trash où personne ne semble racheter son ou sa semblable. Les allusions fréquentes aux liquides et sécrétions corporels (sperme, excréments, urine) concourent à cette ambiance, jusqu'au bout. Tout cela finit par donner une certaine odeur au propos.
Cela, d'autant plus que l'auteur, et c'est à la fois sa force et sa faiblesse, a le sens de l'image. Comparaisons et métaphores abondent, le plus souvent originales et bien trouvées, faisant volontiers mouche - mais le lecteur pourra être dérouté par tant d'illustrations et d'allusions qui, mises bout à bout, font courir le risque de se perdre et de compromettre un peu le rythme du récit - tout en lui conférant une ambiance, force est d'en convenir - et de larguer le lecteur, voire, peut-être, l'auteur lui-même. La valise qui se balade dans le récit intrigue aussi: on s'explique mal le pourquoi de son contenu lorsqu'il est révélé, en fin de récit, même si l'histoire est peuplée de tordus. Le rythme est cependant plus affirmé dans les dialogues, parfois abscons voire surréalistes, mais toujours composés de répliques brèves et percutantes.
Un roman qui aurait mérité d'être plus efficace, donc. Il pourra intéresser les lecteurs avides d'images et de style, plus en tout cas que ceux qui, dans un roman noir, recherchent la rapidité du rythme et l'efficacité d'une narration à la précision millimétrée. Ah - et les amoureux de citations et de dessins goûteront les nombreux extraits et illustrations d'armes à feu, placés en préambule à chaque chapitre.
Thierry Girandon, Les faux cils et le marteau, Saint-Julien-Molin-Molette, Editions Huguet/Noirceurs océanes, 2010.
Le site de l'éditeur: http://www.editionhuguet.com/