Notes de lectures, notes de musique, notes sur l'air du temps qui passe. Bienvenue.
A la faveur d'un voyage dans la cité de pèlerinage portugaise de Braga, j'ai emporté dans
mes bagages deux livres - trois même, pour être précis, mais deux plus particulièrement en phase avec le climat supposé de l'endroit: "Le Signe de l'Archange" de Frédéric Bovis, dont je vous ai
donné un reflet il y a quelques jours, et une biographie de Pier Giorgio Frassati, bienheureux italien, écrite et publiée par le Jésuite Victor Marmoiton en... 1932. Ce livre est d'une lecture
agréable; entre naïveté enjolivante et hagiographie laudative, il retrace le portrait d'un jeune homme à la foi communicative, décédé d'une maladie subite alors qu'il n'avait que 24 ans. De
quoi réfléchir sur notre humaine nature...
... mais du point de vue du blogolecteur, un tel livre renvoie le maître de céans à la solitude qu'il ressent parfois lorsqu'il parle de tel ou tel ouvrage. Du fait de son ancienneté, celui-ci
échappera sans doute à l'essentiel de la blogosphère - moi-même, je l'ai trouvé au gré d'un pur hasard et l'ai embarqué par une curiosité totale, ne sachant même pas qui était ce Pier Giorgio
Frassati. Cela, sans parler de sa thématique: les blogolecteurs abordent rarement les vies de saints. Si quelqu'un a lu celle-ci, je l'invite à me faire coucou!
L'ancienneté fait partie des critères qui
peuvent écarter durablement un livre de l'intérêt de la blogosphère du livre. Le plus souvent, celle-ci aborde l'actualité du livre, largement couverte, et les classiques, dont les plus
célèbres trouveront sans peine leur commentateur ou leur commentatrice. Cela dessine une zone grise (pour ne pas dire blanche) de romans oubliés, dont les caractéristiques
sont les suivantes: texte publié avant l'explosion des blogs (donc avant les années 2000) et texte oublié par ceux qui décrétèrent un jour que tel ou tel auteur est un classique à
enseigner dans les écoles, le sauvant ainsi de l'anonymat. La notion de classique peut s'étendre à des auteurs modernes, certes - vous n'aurez aucun problème à trouver dans la
blogosphère du livre un billet sur "Carrie" de Stephen King. Est-ce que ce sera aussi facile pour "La Luronne" de Charlotte Wagner ou pour les romans d'Antonin Reschal? "De l'instruction de
Monsieur le Dauphin" est probablement le livre le plus vieux que j'aie lu dans une édition contemporaine à sa parution. L'auteur? François de La Mothe Le Vayer. Tout cela a paru chez Louis
Billaine, vers 1664.
On me dira que ces derniers sont aujourd'hui difficiles d'accès, et on aura bien raison - ce qui amène un autre paramètre, celui de la rareté du livre au moment où le blogolecteur se met en
quête de nouvelles lectures. Les librairies recèlent un choix qu'il faut bien qualifier d'époustouflant, certes; mais tout un monde du livre leur échappe, et pas forcément un monde moisi... Il y
a d'abord les littératures étrangères: trouve-t-on facilement, en France, en Belgique ou au Québec, des livres suisses? Et vice versa? Sans parler des ouvrages publiés pour une audience régionale
par de petits éditeurs. Dans le même ordre d'idées, les traductions constituent un tri préalable qui conditionne les choix des lecteurs, s'ils ne peuvent ou ne veulent pas lire en version
originale (citez-moi, au bol, un romancier philippin autre que José Rizal...). Les librairies ne recèlent guère, par ailleurs, d'ouvrages édités à compte d'auteur: cela dépend le plus
souvent du bon vouloir de l'auteur, qui supplée aux carences de la distribution assurée par l'éditeur. Les petits éditeurs sont également peu représentés, sauf si l'un de leurs
auteurs a la faveur d'un buzz. Enfin, il y a les écrivains qui s'auto-éditent ou choisissent le circuit des éditeurs en ligne et de l'impression à la demande. On touche là à des éléments fort
confidentiels.
Et puis, il y a évidemment les éditeurs et auteurs rejetés d'office, jouissant d'une drôle de réputation: à part dans le cadre des Harlequinades, qui parlera des publications de la
respectable maison Harlequin? Cela, alors qu'outre des romans à l'eau de rose bien connus, elle véhicule des textes de chick lit qui débordent le cadre somme toute étroit de ce qui se publie dans
ce genre dans le domaine français (il n'y a qu'à traîner dans une librairie germanophone pour voir que nos amis allemands ont de l'avance...). Et qui a osé commenter de manière bien
circonstanciée un roman de San-Antonio? Tiens, voilà une idée de challenge, si cela peut amuser quelque blogolecteur en 2010...
... goûtez-vous donc à ces lectures confidentielles, à ces textes dont personne ne parle mais qui peuvent être fort jouissifs? Ressentez-vous, amis lecteurs ou blogueurs (ou les
deux), une certaine fierté à partager avec d'autres lecteurs des expériences de lecture rarissimes? Parlez-en en commentaire; ou, mieux encore, témoignez de vos perles les plus rares,
les plus secrètes, les plus méconnues, à la faveur d'un billet sur votre propre blog. Je vous y invite, si le coeur vous en dit.