Notes de lectures, notes de musique, notes sur l'air du temps qui passe. Bienvenue.
Lu par Alexielle, Bulle, Latite, Noir Polar,
Rose from Thule.
Lu dans le cadre du défi Chick Lit et du Blog-O-Trésor (je n'ai plus qu'à lire Christopher Priest pour le finir!)
Je vous l'avais promis... ici! Et puis, en matière de chick lit, j'ai une réputation à défendre...
Un peu de légèreté ne fait jamais de mal durant les heures de lecture, et il n'y a aucune raison à bouder le plaisir qu'on peut retirer à lire le premier volume des aventures de Bubbles Yablonski, intitulé "Bubbles se lâche", écrit par Sarah Strohmeyer sous le patronage de Janet Evanovich et traduit, dans un style dynamique, alerte et décontracté, par Florence Bouzinac et Robert Macia. Un bon divertissement? Globalement bien goupillé, ce livre sait en tout cas accrocher son lecteur... voire sa lectrice.
Est-ce de la chick lit? Certains ingrédients incontournables du genre sont certes présents: un personnage féminin qui parle à la première personne et se cherche un peu (coiffeuse ou journaliste?) dans des domaines qui touchent au glamour au sens large, non sans oublier la quête du prince charmant, représenté ici par l'inaccessible personnage de Stiletto (qui ressemble à Mel Gibson, aha!). On s'éloigne cependant un peu du genre de la chick lit au sens strict, par trois éléments majeurs: d'abord, Bubbles Yablonski, le personnage principal, est mère célibataire alors que les premiers rôles de la chick lit n'ont généralement pas encore de descendance; ensuite, l'auteur développe une véritable intrigue policière; enfin, l'action se passe loin de New York, en Pennsylvanie - autant dire à la cambrousse (chez les Amish, qui apparaissent dans un autre roman de la série, "Bubbles coupe les cheveux en quatre"). Dès lors, on pourrait caser ce roman dans le genre assez inédit de la "hen-lit policière", mettant en scène une femme qui mène l'enquête, occupe un emploi de coiffeuse à temps plein, fait des piges à titre accessoire, gère sa fille et essaie de faire tenir tout ça ensemble. Ouff!
On imagine donc qu'un tel roman est riche en péripéties. De ce côté, le lecteur ne manquera de rien. Les événements racontés ont trait aux mille existences parallèles de Bubbles, savamment exagérés et nourris d'assez d'humour pour arracher plus d'un sourire. Les gaffes de Bubbles rappellent celles d'une Bridget Jones; et autour d'elle, l'auteur a eu la sagesse de placer deux ou trois personnages suffisamment typés pour que le moindre de leurs gestes engendre des catastrophes en cascade - il n'est qu'à penser à Lulu Yablonski, l'encombrante mère de Bubbles, qui a ses principes et n'hésite pas à les imposer manu militari. Ce qui ne l'empêche pas d'être de bon conseil...
En parlant de personnages, le lecteur comprend vite qui sont les méchants et les gentils. L'auteur développe une forme de manichéisme entre une classe possédante (les industriels de l'acier et leur entourage) et les travailleurs de l'ombre (Bubbles la coiffeuse, Salvo le journaliste, etc.), suggérant que la trame de son roman, presque révolutionnaire, représente la vengeance des classes laborieuses, présentées comme intègres, contre les riches, vus comme odieux, cyniques et comploteurs à l'instar de la galaxie Metzger - du nom d'un industriel sans scrupules et bien nommé, puisque "Metzger" signifie "boucher" en allemand. Ce qu'un épisode secondaire avec steaks rappelle, fort à propos, aux lecteurs familiers de la langue de Goethe.
Allemand? Avec un nom comme Yablonski, on imagine que la tribu de Bubbles n'a pas des origines bien WASP. L'auteur exploite aussi les racines polonaises de la famille Yablonski pour lui donner une certaine épaisseur, suggérant que la mère de Bubbles a connu les horreurs de la Seconde guerre mondiale et en a gardé des habitudes tenaces.
L'action est donc menée selon la trame d'une intrigue policière. Celle-ci a ses lacunes et facilités. Bubbles perd par exemple une pellicule de film compromettante dans un parc public, et la retrouve miraculeusement quelques jours plus tard, comme si la voirie (ou les méchants de l'histoire) n'étaient pas passés par là. Le lecteur se demandera par ailleurs ce que fait Laura, celle qui s'est suicidée mais pas vraiment, pendant quelque 80 pages: elle est citée au tout début du roman, comme un élément crucial, puis disparaît proprement avant de refaire surface - "Ah, c'est donc ça!", peut-on se dire alors. Le lecteur est invité à accepter, par ailleurs, qu'une coiffeuse qui a appris le métier de journaliste de manière hasardeuse mène une enquête suffisamment solide pour faire tomber des têtes - cela, en plus de son métier principal. Difficile: pour avoir touché au journalisme d'enquête, je sais que c'est chronophage. Même si le potin (recueilli au salon de coiffure) peut constituer le début d'un article de journal, et même si le personnage de Bubbles est ainsi construit, les deux métiers me paraissent difficiles à concilier.
Faiblesses et invraisemblances sont cependant secondaires dans l'intrigue de ce roman, qui se veut drôle avant tout. L'humour est parfois potache, voire rabâché (mais il y a des gags qui n'ont pas d'âge, hé hé!), parfois subtil; il relève de jeux de mots et, surtout, de jeux de situations. Cela, sans oublier le sourire que peuvent faire naître, chez le lecteur, des situations embarrassantes mais ordinaires, quotidiennes, dans lesquelles il (ou elle) ne manquera pas de se reconnaître.
Sarah Strohmeyer, Bubbles se lâche, Paris, Fleuve Noir/Presses Pocket, 2007.