Notes de lectures, notes de musique, notes sur l'air du temps qui passe. Bienvenue.
Attention: ceux qui ouvrent le
roman "La Lotus bleue" de Gordon Zola sont peut-être, mais pas certainement, conscients d'avoir un collector potentiel entre leurs mains. Ce petit livre fort drôle s'intègre en effet dans une
série projetée de 23 romans empruntant sur le mode humoristique certains codes au monde de Hergé et de Tintin. On pense en particulier aux noms des personnages, Saint-Tin et son ami Lou, mais
aussi à l'imagerie de la page de couverture et à certains éléments typographiques. Cela n'a pas eu l'heur de plaire à l'association chargée de défendre les intérêts
de l'héritage Hergé, d'où procès et condamnations en cascade, rendant de plus en plus hypothétique la publication des autres romans de la série.
Avec "La Lotus bleue", de quoi s'agit-il? On l'imagine facilement: le noeud de l'intrigue va tourner autour d'une voiture de sport bleue plutôt mystérieuse, puisqu'à l'instar de celle de Bourvil
dans "Le Corniaud", elle recèle du matériel que la loi interdit - en l'occurrence de la drogue. L'étrange trafic mis en scène par Gordon Zola dans ce roman constitue une tentative chinoise
de discréditer le Tibet en le faisant passer aux yeux des nations pour une région où le trafic de drogue est florissant.
Certes, l'intrigue suffit à tenir le lecteur en haleine jusqu'à la fin du roman. Mais on est loin des récits à tiroirs haletants qui caractérisent le genre du roman d'espionnage technologique et
assimilés, proches du type d'intrigue dans lequel Tintin est régulièrement plongé. Le lecteur comprend du reste assez vite qu'il s'agit d'un prétexte...
... prétexte à gags. Dès le chapitre 1, le récit multiplie les références à l'univers de Tintin, dans un esprit d'hommage au dessinateur belge, du reste cité quelque part. Si Lou est un
perroquet, ce n'est pas un hasard, par exemple: les tintinophiles penseront immédiatement au volatile que la Castafiore a offert au Capitaine Haddock dans "Les Bijoux de la Castafiore". Mais
l'auteur ne se contente pas de simples plaquages: ainsi, l'écrivain belge à succès Alba Flore fait certes référence au rossignol milanais, mais il est impossible de ne pas penser également à
Amélie Nothomb, diva des lettres du Plat Pays (dont je parle ici).
L'humour puise donc allégrement dans les bandes dessines de Hergé. Mais si les échos internes au roman sont rares, ceux qui font appel aux autres romans de la série sont bien présents -
cela, dans un souci de composer une "polylogie", si l'on me permet ce néologisme, c'est-à-dire un ensemble cohérent de romans, à classer l'un après l'autre, dans l'ordre, sur un rayonnage de
bibliothèque (le dos du livre le prévoit... et, sans surprise, le lecteur est ainsi invité à se procurer les autres romans de la série). L'auteur sait aussi jouer, voire jongler avec les
mots, formant des a-peu-près et des calembours à intervalles très fréquents, conviant le lecteur enjoué à ouvrir l'oeil et l'oreille. Contrepèteries? J'en soupçonne, et invite ceux qui ont
lu ce roman à me signaler celles qu'ils ont trouvées...
Pour ce qui est de l'exploitation des personnages, Lou décroche ici un rôle plutôt restreint de psittacidé sentencieux, alors qu'il était au centre de l'action de "L'Oreille qui sait", tome 3 de
la série. Aiglefin, le "capitaine Haddock" de l'histoire, ne jure guère, contrairement à son illustre modèle; les ressorts de son humour sont ici étroitement liés à une piqûre du
padjodjo, le poison qui rend pas jojo...: aimablement givré, il se prend soit pour un monarque russe (vive le Moulin Tsar!), soit pour une bouteille d'un grand cru - ce qui génère
une flopée de gags et de jeux de mots fondés sur une métaphore habilement filée.
Un chouette divertissement, donc... parfait pour se fendre la malle tout seul dans son coin - ou en public, selon vos habitudes de lecture: si vous êtes du genre discret, faites gaffe, je vous
aurai prévenus!
Gordon Zola, La Lotus bleue, Paris, Le Léopard
Démasqué, 2009.
Notes personnelles en fin de billet: j'ai acheté mon édition à Guéret le 2 mai 2009, à la librairie des Belles Images que je salue ici. Le 3,
j'étais sur Paris à l'occasion d'un Dîner Livres Echanges mémorable,
logeant dans un hôtel situé à deux portes des bureaux des éditions du Léopard Démasqué, dans la même rue. L'éditeur se positionne en spécialiste des pastiches en tous genres: Harry Potter,
Da Vinci Code, etc. Les pastiches du Da Vinci Code sont recensés sur le très bon site http://thriller.over-blog.com/, que je vous laisse compulser.
Le blog de Bob Garcia, également auteur de la série, au titre explicite: http://lespectredutocard.blogspot.com/
Le site de l'éditeur: http://www.leopardmasque.com/ et celui de Saint-Tin: http://www.saint-tin.com/
Illustration: http://www.neuvieme-art.com.