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Lu par Angélita Manchado.
Un beau voyage à travers la France des souvenirs pour un quatre-vingtième anniversaire? C'est un rêve un peu fou, celui de Gilberte, figure dominante de "Comme une perle en son écrin...", dernier roman d'Alba Kertz. Autour d'elle, gravite toute une famille, et tout un petit monde d'une façon plus générale. Mais n'est-ce pas un peu pareil, en définitive?
"Comme une perle en son écrin...", c'est un roman des gens ordinaires, des personnes de la classe moyenne, qui ont des qualités de coeur, qui se débrouillent lorsqu'elles sont fragilisées et se réjouissent lorsqu'elles connaissent le succès. Dès lors, le lecteur ne trouvera pas ici de méchant clairement identifié - au contraire, tous les personnages sont attachants à leur manière, si l'on excepte la lointaine figure du père, à la fois résistant au-dessus de tout soupçon et rude paterfamilias.
S'il faut chercher une adversité, c'est dans la destinée qu'il faut la chercher, cette destinée qui envoie les uns à l'hôpital, et fait souffrir ou mourir les autres. Mais la destinée apporte aussi ses bons coups, qui ouvrent de nouvelles portes. Du coup, l'une des questions qui traversent "Comme une perle en son écrin..." est la suivante: le voyage des 80 ans de Gilberte va-t-il se faire? Le roman est bien réglé, et l'on imagine vite que tout finira par se passer au mieux. En revanche, le déroulement du voyage proprement dit importe moins que son organisation, et l'auteure, avec une sage pudeur, liquide rapidement sa narration en se concentrant sur le ressenti de Gilberte, l'octogénaire nostalgique.
Sacré personnage que cette Gilberte, cela dit! Sa personnalité illumine le roman, et la romancière a à coeur de peaufiner cette figure pivot. Le lecteur découvre ses certitudes inamovibles, mais aussi une certaine modestie. Il fait connaissance avec une personne qui a bon pied bon oeil, en dépit de quelques soucis de santé bien ciblés. Et naturellement, il y a un mystère enfoui au fond d'elle, un secret de famille. C'est un ressort romanesque classique, qui suffit cependant à accrocher.
Toute une famille aimante gravite autour de Gilberte. Les liens familiaux et relationnels, comme souvent, exigent une certaine attention de la part du lecteur. Celui-ci ne pourra cependant qu'être séduit par la force des liens ainsi dessinés: les rencontres sont fréquentes, la solidarité est de tous les instants, et la préparation du voyage de Gilberte prouve, page après page, que chaque problème trouve une solution grâce au dévouement de chacune et chacun: temps consacré, coup de pouce financier, soutien moral, etc.
Sur 148 pages, "Comme une perle en son écrin..." constitue donc un roman attachant sur les liens familiaux, capables, par leur force, de faire face à ce truc mal défini, à la fois adversaire et complice, que l'on nomme la destinée.
Alba Kertz, Comme une perle en son écrin..., Saint-Denis, Mon Petit Editeur, 2015.