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Notes de lectures, notes de musique, notes sur l'air du temps qui passe. Bienvenue.

Gwénaëlle Kempter, les barrages de l'âme masculine

BarragesAprès plusieurs romans, l'écrivaine valaisanne Gwénaëlle Kempter a choisi d'offrir à son lectorat trois nouvelles longues, ou "novellas". Un bouquet recueilli sous le titre de "Barrages", pertinent à plus d'un titre: l'auteure poursuit son exploration de l'âme masculine et a le chic pour en déceler les blocages - les barrages justement.

 

De ce point de vue, "Les secrets des hommes", dernière novella du recueil, s'avère emblématique. Le lecteur est plongé dans un de ces textes fascinants où les secrets se cachent derrière les dehors les plus lisses et les plus agréables: tout commence autour d'une bonne bière après une bonne journée de travail... et c'est là qu'arrive le grain de sable, annonciateur de terribles vérités: suicides, avortements, assassinats, accidents suspects, on ne sait plus de quoi l'on parle. Ironie de l'auteure, le bistrot où se déguste la bière est peuplé d'habitués qui, tous, sont acteurs des terribles secrets qui émaillent le récit. Après une telle scène d'exposition, la bière aura un goût particulièrement amer...

 

Avec "Barrages", Gwénaëlle Kempter promet un ouvrage plus valaisan que ses précédents opus. Pari tenu! Un titre pareil ne manque pas d'évoquer le barrage de la Grande-Dixence, déjà chanté par Maurice Chappaz. L'ouvrage d'art apparaît en arrière-plan, juste assez pour dire qu'il est là. Plus important du point de vue formel, l'écrivaine installe l'ambiance en parlant de bisses et de mayens qu'il faut entretenir. La plus américaine des nouvelles du recueil, "La meute", ose elle aussi l'helvétisme... Et puis - et c'est là le meilleur - dans la mesure où le Valais est un monde de montagnes, l'auteure réserve dans "Les secrets des hommes" des pages obsédantes sur l'expérience de l'alpinisme, de la grimpe à la récompense des sommets.

 

Et l'homme? L'auteure a le chic pour en identifier les fiertés qui s'affrontent. C'est là-dessus que se construit "Barrages", nouvelle éponyme qui n'est pas sans rappeler son premier roman "Le Maître Loup". "Barrages" met en scène un voyageur mal identifié, réfugié peut-être, arrivé dans une communauté qui se débrouille pour vivre en autarcie. Dans les trois novellas, les dialogues vont à l'essentiel, revêtant en priorité une fonction de communication. En revanche, l'auteure excelle à reproduire le langage non verbal, ô combien expressif, et à faire jaillir la part sauvage de l'homme - un homme qu'elle montre dépouillé d'atours inutiles, toujours proche de la nature qui l'entoure. Ce que souligne encore la présence d'animaux domestiques, dont la présence est plus ou moins souhaitée: un loup fidèle dans "Barrages", un chien abandonné et recueilli dans "La Meute". En définitive, ces animaux mettent en lumière, avec force, la part animale des personnages qui peuplent le recueil. Une part animale vue comme une nécessaire évidence.

 

C'est que l'auteure de "Barrages" retrouve enfin une idée bien présente dans son oeuvre, celle de mondes post-apocalyptiques et pourtant familiers, qui poussent l'humain à repenser son rapport à la nature: un Valais qui survit à une catastrophe indéfinie et qui va en subir une autre dans "Barrages", une Amérique dont les habitants sont soudain obligés de fuir de chez eux, sans qu'on sache pourquoi. Le caractère indéfini des cataclysmes à l'origine de ces deux nouvelles souligne, semble-t-il, leur terrifiante absurdité, l'impossibilité de les saisir pour l'âme humaine. Et les circonstances finiront par décider de la route de chacun...

 

Gwénaëlle Kempter, Barrages, publié en autoédition. Pour passer commande, c'est sur Lulu.com que ça se passe.

 

Merci à Gwénaëlle Kempter pour l'envoi d'un exemplaire de "Barrages".

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