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"Plus sage est le vent"... et "Autant en emporte le Christ": entre le titre et le bandeau, le dialogue s'installe. Et l'auteur de ce petit livre, le très secret penseur François-George Maugarlone, colle ses papiers et interpelle son lectorat avec la naïveté dérangeante de l'agnostique. Se plaçant dans le domaine du doute philosophique, en effet, l'auteur secoue les certitudes tant de l'athée que du chrétien convaincu. Et peut-être, par analogie, de tout lecteur religieux.
"Plus sage est le vent" se présente comme un ensemble de textes épars réunis autour d'une thématique plus ou moins commune. Ceux-ci forment autant de chapitres. A l'intérieur de ces chapitres, l'écriture prend la forme de fragments. Immanquablement, on pense aux "Pensées" de Blaise Pascal en lisant ce qu'offre l'auteur. Mais alors que Pascal est l'homme de certitudes qui cherche à convaincre le sceptique, François-George Maugarlone se positionne comme l'homme qui doute, développe ses idées et émet ses objections. Et fait ainsi oeuvre de philosophe.
Cela ne va pas sans bienveillance face au croyant, ni sans dépassement du débat. D'emblée, l'auteur liquide le débat relatif à l'existence du Christ en lâchant: "Jésus-Christ a-t-il existé? Sans doute, mais de toute façon l'existence est presque-rien. Dans la mesure où il incarne la valeur, qui est non-être, son existence n'est pas assurée, et aussi bien est en un sens indiscutable. Il est de l'être même du Christ que son existence soit incertaine." Comment mieux résumer le défi de la foi? "Plus sage est le vent" est à l'avenant, constitué de fragments lapidaires ou développés qui invitent chacune et chacun à réfléchir, quelle que soit sa position face à la foi.
L'auteur de "Plus sage est le vent" laisse son esprit courir, dans une posture de (fausse) naïveté. Celle-ci peut être dérangeante: l'auteur sait chatouiller le croyant là où la foi est sensible. Cela, d'autant plus que la démarche de l'auteur est nourrie de la culture d'aujourd'hui (on croise Alfred Jarry et même Georges Brassens) et de celle des maîtres qui ont marqué l'auteur: Vladimir Jankélévitch, Guy Debord, René Girard, etc. Il leur rend un hommage ambigu en les interrogeant.
Dans des chapitres plus courts mais non moins denses, l'auteur introduit des thématiques telles que la liberté de l'esprit ("D'une cause orpheline") ou l'antisémitisme ("Réflexions sur la réponse antisémite", tout un programme...), vues d'une manière lapidaire qui va provoquer le lecteur et, idéalement, le faire réfléchir à partir de pensées qui, parfois, ont la brièveté et la densité pénétrante d'une phrase bien tournée. Enfin, "Qui bien connut ahan" explore certains aspects de la sexualité vue à travers le prisme religieux, à la manière du philosophe ou du joueur de mots qui aime les raccourcis: s'y entrechoquent, sur une double page, Herbert Marcuse, Jacques Casanova de Seingalt et Florence Montreynaud.
Fragment après fragment, l'auteur de "Plus sage est le vent" sait titiller son lecteur, le faire sortir de sa zone de confort en l'interrogeant, de manière parfois lapidaire ("Dieu tolère le mal. Auschwitz, sa maison de tolérance.", donne-t-il à méditer, en une ligne...), ou en développant à la manière d'esquisses des idées qu'il conviendra, peut-être, de contrer. Ouvrage d'un auteur qui s'interroge, "Plus sage est le vent" est un petit livre à la pensée multiple et qui, au fil de fragments divers, interpelle à son tour le lecteur: face au vent qui souffle, inlassable et muet, quelle est la sagesse des mots?
François-George Maugarlone, Plus sage est le vent, Paris, Grasset, 2007.