Notes de lectures, notes de musique, notes sur l'air du temps qui passe. Bienvenue.
Lu par Arthemiss, Manuel Ruiz.
Défi Premier roman.
Ressortir de vieux papiers, c'est s'exposer à avoir des surprises. C'est exactement ce qui arrive à Vincent, le bonhomme que va suivre le lecteur de "Le problème à N corps", premier roman de l'écrivaine Catherine Quilliet. Elle se présente comme une diariste repentie; or, c'est précisément autour d'un journal intime, élément mystérieux et obsédant, que tout le récit va s'articuler.
En effet, Vincent s'interroge: il y a toute une série de pages de son journal intime qu'il ne se rappelle pas du tout d'avoir écrites. Or, celles-ci sont particulièrement flamboyantes et évoquent une certaine Marianne, dont il ne se souvient plus. Intrigant - de quoi déstabiliser un personnage présenté comme stable et bien sous tous rapport, marié à une femme belle et aimante.
Mais qui a écrit ce fameux "Fascicule hot" sur Marianne? Tout en laissant le lecteur imaginer tout ce qu'il veut, l'auteure dévoile peu à peu ce qu'il en est vraiment en lançant son personnage sur un jeu de piste original marqué par des voyages entre Paris et Grenoble et par la rencontre avec cette (im)probable Marianne.
Le récit passe à la vitesse supérieure lorsque l'enquête se concentre sur le journal, en tant qu'objet, et son écriture. Là, on est intrigué, l'approche est neuve: l'auteure explore à fond toutes les ressources liées à l'étude scientifique de l'écriture. Le système informatique utilisé pour analyser les écritures est-il réel? Tels que l'auteure les présente, ses résultats, détaillés, sont probants: on y croit. Cela est doublé d'une analyse littéraire, permettant à l'auteure de mettre en scène un vieil écrivain "amateur de chair fraîche" (mais on n'en saura pas plus, le voyeurisme n'est pas de mise... ah, les procédés déceptifs!). On aurait pu encore y ajouter l'analyse du papier...
Outre la mise sur pied d'un jeu de piste, l'auteure a la force de mettre en scène des personnages bien campés, séduisants, agaçants ou juste normaux. Elle évite l'écueil de la description convenue de la (très belle) femme de Vincent, Claire, en mettant l'accent sur les regards qu'on pose sur elle. Et elle ose les regards en coin, elliptiques, dès lors qu'il s'agit de parler, sur le ton du commérage, de tel personnage qui a peut-être couché avec tel autre.
"Le problème à N corps" se présente lui-même comme un faux journal intime, chaque chapitre portant une date en guise de titre. Une manière comme une autre d'inviter le lecteur à se plonger dans l'intimité des personnages? Pas tout à fait, puisque l'écriture est à la troisième personne. En revanche, le quotidien de chacun est bien détaillé, traversé par quelques moments forts d'introspection.
Catherine Quilliet, Le problème à N corps, Paris, Paul & Mike, 2015. Préface de Bruno Tessarech.