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Lu par Yv, relayé par
Certes, les "Lettres contre la guerre" du journaliste italien Tiziano Terzani ont été écrites le lendemain des attentats du 11 septembre 2001. Certes, les éditions Intervalles, que je remercie pour l'envoi d'un exemplaire, n'ont pas souhaité que ce livre sorte précisément ce terrible 13 novembre 2015. Reste qu'au vu de l'actualité difficile de ces derniers jours à Paris et en France, ce petit livre pétri d'un fort idéal de paix trouve une résonance particulièrement troublante.
Les "Lettres contre la guerre" ont vu le jour après un accord entre le patron d'un journal et le journaliste Tiziano Terzani: celui-ci a pu obtenir un maximum de liberté pour rédiger des chroniques au ton résolument pacifiste. Leur thème? Tout ce qui s'est passé en Asie centrale à la suite des attentats du 11 septembre 2001. Et le premier texte a paru le 14 septembre déjà.
L'auteur se montre extrêmement critique envers l'action de George W. Bush à la suite des attentats qui ont vu l'effondrement des Twin Towers. Sous sa plume, on croise Donald Rumsfeld, entre autres (auquel Andrew Cockburn a consacré une biographie accablante). La critique de Tiziano Terzani rejette la violence de l'action du gouvernement Bush, et toute autre: selon lui, toute violence est néfaste. A plus d'une reprise, il rappelle d'ailleurs les mânes de Gandhi, érigé en exemple de l'action politique non-violente qui fait des miracles.
Présent sur le terrain, le journaliste donne la parole aux gens qui vivent en Afghanistan, sous des bombardements incessants et perçus comme injustes. Il relève que les Etats-Unis ne se gênent guère pour viser à côté, quitte à faire des "victimes collatérales". C'est l'occasion de dresser un portrait de gens méconnus, mais présentés comme humains, avec leurs qualités (un sens aigu de l'accueil) et leurs faiblesses. Ainsi, certains témoins s'avouent déterminés pour s'engager dans des attentats suicides. A qui la faute? interroge l'auteur.
Tiziano Terzani va jusqu'à répondre point par point à "La Rage et l'orgueil", cri de colère retentissant d'Oriana Fallaci, paru au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. Et force est de constater que sa réplique, pour être ferme, n'en est pas moins posée et réfléchie.
Cela dit, jusqu'où faut-il suivre l'auteur? Des Twin Towers au Bataclan, les attentats suscitent une révolte légitime, incitent même certains à la vengeance. Les solutions pacifistes de l'auteur paraissent très idéalistes, et limitées face à de tels événements: elles suffiront peut-être tout juste à donner bonne conscience à ceux qui les mettront en oeuvre. Elles paraissent d'autant plus faciles à énoncer qu'elles émanent d'un homme âgé, installé quelque part dans l'Himalaya, loin des rumeurs de la plaine, là où la vie est frugale et simple. Reste que si la lettre de ce petit livre paraît dérisoire, "Lettres contre la guerre" recèle une voix qu'on écoute volontiers parce qu'elle est porteuse d'espoir - et d'un regard juste... différent.
Tiziano Terzani, Lettres contre la guerre, Paris, Intervalles, 2015, traduction de l'italien par Fanchita Gonzalez Batlle, préface d'Armand de Saint Sauveur.