Défi Premier roman.
Quand les querelles de voisinage sont le premier poison du vivre-ensemble... Dans son premier roman, intitulé "Allons voir si la rose...", Catherine Gaillard-Sarron installe une bisbille entre monomaniaques, et s'amuse à décortiquer avec un certain bonheur la psychologie et les très humaines faiblesses de de ses personnages.
Ce premier roman a les airs d'une nouvelle amplifiée, notamment par l'extension de la psychologie des personnages. Stramer, présenté comme un monomaniaque des roses, paraît s'intéresser aussi à ce qui se passe autour de lui, de manière plus ou moins probable. Si on le suit volontiers dans ses réflexions sur le spécisme (le lion Cecil fait une apparition), on a de la peine à croire à sa critique de Gabriel Matzneff: un chimiste à la retraite aux ascendances germaniques s'intéresse-t-il forcément au prix Renaudot de l'essai? Quelques pistes, par ailleurs, sont installées. Il est regrettable qu'elles ne soient pas poursuivies plus avant, surtout si elles sont évoquées avec vigueur - on pense au goût de Stramer le misanthrope pour les "professionnelles", mentionné deux fois par l'auteur - or, celles-ci n'interviennent pas dans ce roman.
S'il est délicieusement caricatural, le portrait du couple de voisins, les Crosmou, s'avère aussi nettement plus crédible. Il se fonde sur l'interaction asymétrique entre une femme puissante pour ne pas dire violente, dont le physique imposant reflète le caractère envahissant, et son mari, figure veule et fluette - qui porte cependant le nom bien félin de Félix. Cela, sans oublier le chat, justement, par lequel tout passe, ce qui ne manque pas de faire endêver le fameux Félix. L'auteure fait de cette bestiole, précieuse bête à concours, un élément clé (mais corrosif) de la relation conjugale, ce qui ne manquera pas de divertir le lecteur.
Divertir? Certes, le propos est grave puisqu'il est question d'une hostilité entre voisins, qui se développe en un crescendo rapide à l'apothéose bien campée quoique tragique. Les situations sont caricaturales, le lecteur le comprend en côtoyant des personnages tels que l'auteure sait les construire. L'onomastique, cela dit, s'avère amusante: les personnages portent des noms évocateurs et, surtout, certains mots et marques actuels, suisses à l'occasion, sont travestis afin de leur donner un côté ridicule auquel tout le monde a pensé un jour ou l'autre.
Le début paraîtra certes peu percutant au lecteur, l'auteur ayant choisi d'installer doucement son intrigue en présentant le personnage de Stramer. Mais il sera utile d'aller au-delà de cette impression pour arriver à un final bien éclatant, mené tambour battant, qui amène son lot de morts pleins de caractère au terme d'un ouvrage qui sait se faire à la fois cocasse, piquant et intelligent: si l'on sourit à certaines outrances, on se surprend aussi à réfléchir ou à s'interroger au détour d'une phrase, d'une page de ce livre aux allures de faux journal.
Catherine Gaillard-Sarron, Allons voir si la rose..., Chamblon, Catherine Gaillard-Sarron, 2015.
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