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Lu par Auryn, Jacques, Nanne, Pampoune.
Défis Thrillers et polars et Premier roman.
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"Cadaver Sancti", c'est le Diable et le Bon Dieu réunis en osmose dans un thriller. Son auteure, la romancière française Jennifer Holparan, compose en effet un duo de choc constitué d'un prêtre propre sur lui et d'une policière, euh, atypique. Et avec un tel premier roman, aussi astucieux et accrocheur, elle donne envie d'en lire plus!
Le Diable et le Bon Dieu, c'est un tandem qui fonctionne un peu à la manière de Don Camillo et de Peppone: les accrochages sont légion, mais l'un ne saurait vivre sans l'autre. Le fait que l'agente de police soit une femme ajoute l'élément sentimental au duo mis en scène par l'auteur de "Cadaver Sancti", ce qui ne manque pas de piment: à plus d'une reprise, le lecteur sera amené à se demander si Tim, le prêtre qui roule en Lamborghini, va succomber au jeu taquin de la tentation que joue Darcy, la femme de police. Reste que le tandem fonctionne aussi sur les complémentaires: à plus d'une reprise, la représentation des interrogatoires reproduit le schéma "bon flic, mauvais flic" bien connu des lecteurs de romans policiers.
Un catholicisme dévoyé
L'univers que l'auteur dépeint est atypique aussi, puisque tout tourne autour d'un criminel qui pratique le catholicisme de façon dévoyée et sans recul, ce qui l'amène à tuer avec art. Caricature? On le croit volontiers, d'autant plus que l'humour et l'outrance ne sont jamais loin. Cependant, l'action se tient à Boston, aux Etats-Unis, où certaines manifestations religieuses profondes peuvent laisser songeur un lecteur catholique qui pratique sa religion en gardant la tête sur les épaules.
Si la caricature est appuyée, reste que l'auteur connaît certains aspects mal connus du catholicisme, et en particulier de la vie des saints - source principale de l'originalité pointue de ce livre où les crimes évoquent la fin de certaines saintes à la fois vierges et martyres. Le lecteur verra donc passer l'ombre de Sainte Dorothée de Césarée, de Sainte Catherine de Sienne ou encore de Sainte Gemma Galgani. De manière plus ou moins appuyée, mine de rien, ou rien qu'en titillant la curiosité du lecteur à leur sujet, l'auteure suggère le caractère pas toujours très sain de telles figures érigées en exemples.
Reste que "Cadaver Sancti" ne montre à aucun moment un exemple de pratique saine et équilibrée du catholicisme. Choix délibéré de l'auteur, ou simple soumission à une situation créée par une brochette de personnages bien campés? Le débat est ouvert...
Un style accrocheur
"Dieu est humour", a-t-on envie de dire malgré tout en lisant "Cadaver Sancti". Certes, un athée dira qu'il laisse ses ouailles s'entretuer, et attendra une réponse - on lui répondra qu'après tout, l'homme a su conquérir sa liberté, et que la Bible en fait état. Et puis, "Cadaver Sancti" ne naît pas de l'action divine, mais trouve sa source d'une exquise blague potache citée en exergue (non, je ne la dévoilerai pas!).
D'un point de vue littéraire, le lecteur goûtera un esprit certain. Celui-ci éclate au détour de telle ou telle image ou formule bien tournée, ou trouve sa place dans un certain humour de situation - il suffit de penser à la scène où le prêtre se retrouve dans une boîte de strip-tease et où l'agente de police doit s'effeuiller sur scène.
En définitive, le lecteur a, avec "Cadaver Sancti", un roman alerte et dynamique, rythmé par des chapitres courts aux titres allusifs. Plaisantes, imaginatives ou tendues, les situations séduisent le lecteur parce qu'elles tombent bien et, marquées par ce que le catholicisme peut avoir de détestable s'il est pratiqué sans intelligence, recèlent une originalité certaine et interrogent les textes sacrés et les usages chrétiens, mine de rien. On se laisse facilement prendre par ce roman policier bien troussé qui sait par où prendre son lectorat, sans pour autant tomber dans le piège facile consistant à flatter bassement une certaine cathophobie: croyant ou non, chacun y trouvera son compte... pourvu qu'il ait le sens de l'humour.
Jennifer Holparan, Cadaver Sancti, Paris, Nouvelles Plumes, 2013.